« Mon enfant »
6.5 Un revisionnage pour le faire découvrir à mon garçon. Pas mon préféré des films de Jacques Demy, loin s’en faut, mais chouette film, bien barré, toujours agréable à revoir, notamment grâce à la mise en scène, aux compositions, aux couleurs. Rien que la confection des robes : Couleur du temps. De lune. De soleil. Et ce parti pris de faire un film bleu, puis rouge. C’est quasi du Warhol par instants. N’ayons pas peur du ridicule et ce sera magnifique, semble dire Demy qui revient tout juste de son séjour à Los Angeles, où il y avait tourné l’une de ses merveilles : Model shop. Peau d’âne récupère, assez clairement, l’influence du Flower power.
Mais le film marque aussi par sa décomplexion absolue. Il a ce côté flamboyant et cheap qui le caractérisent. Des décors somptueux et une figuration plus rudimentaire. Capable de lancer Catherine Deneuve dans sa peau d’âne courant au ralenti à travers bois jusqu’à la ferme – Un ralenti d’une élégance assez inédite. De proposer l’entrée fracassante d’une fée, incarnée par la non moins superbe Delphine Seyrig. On y chante la recette d’un cake d’amour. Il faut un grand Michel Legrand, une fois encore. Qui nous rappelle combien on l’associe quasi systématiquement à Demy. Impossible de ne pas songer aux paroles de Maxence (Les demoiselles de Rochefort) lorsque le prince aka Jacques Perrin chante l’amour qu’il cherche.
Et Peau d’âne c’est aussi un esprit délicieusement paradoxal et subversif, que l’on pourrait résumer par les mots de son auteur : « Je voulais avoir d’un côté le sujet enfantin, merveilleux, qui plairait aux gosses et la vision adulte d’un récit complètement pervers ». Et c’est vrai qu’il est aussi un beau film pour les enfants. Et c’est assez curieux tant le film est très bizarre, la magie, miraculeusement, opère. Le film semble hors du temps, hier comme aujourd’hui. Où folie et bizarrerie s’élève contre l’inceste. Un conte de Perrault transposé dans l’œuvre de Demy, qui en tire quelque chose de très pop et délicieusement anachronique : L’apparition du roi à bord d’un hélicoptère à la toute fin, fallait oser.