Deux frères.
7.0 En ce moment je suis en train de lire « Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu, et cette histoire de cousins dans un village de Moselle m’a beaucoup évoqué celle-ci, celle de ces amis qui sont « comme des frères » avec tout ce que le terme charrie de douceur et de violence. Et je me disais qu’un Jean-Baptiste Durand aurait été le réalisateur idéal pour adapter ce livre au cinéma – qui le sera finalement par les frères Boukherma, réalisateurs de L’année du requin, donc je reste sceptique. Enfin, c’est pas le sujet. Chien de la casse est un premier long métrage très réussi. Un film sur un petit village de l’Hérault, déjà. Ça n’a l’air de rien, comme ça, mais Jean-Baptiste Durand parvient à le faire exister, respirer, c’est très beau. Un film sur une amitié ensuite. Une amitié toxique tant l’un domine clairement l’autre, mais une amitié fusionnelle malgré tout. Et cette nuance est évidemment la bienvenue. La nuance c’est aussi ce qui caractérise son « couple » de personnages : Dog est aussi doux qu’il semble triste, effacé. Mirales est cassant, humiliant mais d’une grande érudition, il est très curieux, doux avec le voisinage, il s’occupe notamment de sa maman. Le film a cette force qu’il brise systématiquement le cliché. De la même manière, le film se clôt sur une séparation physique du duo. Dog envoie une vidéo de l’armée à Mirales et on comprend qu’il s’épanouit. On croit d’abord que son ami dominant n’a lui pas bougé, or le film lui offre aussi une sortie, dans les cuisines d’un restaurant. Il ne le punit pas. Le chien suffit. Les amis se sont enfin détachés. Deux « frères » pour reprendre le terme choisi par Mirales, qui choisit tout. La seule chose qu’il ne va pas choisir pour Dog, c’est cette fille. Et c’est justement parce qu’elle choisit le plus dominé des deux que l’amitié s’en trouve volée en éclats. Il y a des instants d’une grande douceur et d’autres qui provoquent un énorme malaise, à l’image de la séquence du repas d’anniversaire. Anthony Bajon est aussi génial qu’il pouvait l’être dans Le monde de demain, ou La prière. Raphael Quenard est extraordinaire. Je le vois pour la quatrième ou cinquième fois en peu de temps sur l’écran, mais la première fois dans un rôle si imposant. C’est un nouveau corps, une nouvelle noix, un nouveau visage dans le paysage, vraiment.