Archives pour la catégorie Jean-Christophe Meurisse

Les pistolets en plastique – Jean-Christophe Meurisse – 2024

07. Les pistolets en plastique - Jean-Christophe Meurisse - 2024Contre-enquête.

   8.0   Ceux qui ont vu les précédents films de Jean-Christophe Meurisse (Apnée et Oranges sanguines) sauront à quoi s’en tenir. Les autres dites-vous bien que c’est un cinéma traversé par un humour trash, subversif, radical et une mise en scène pensée, travaillée, pleine d’idées. Bref c’est de la comédie française comme on n’en fait pas. On pourrait lui trouver des référents, des similitudes avec d’autres, y en a plein, mais in fine ça ne ressemble vraiment à rien. C’est une chance d’avoir ce cinéma en France.

     Ici il s’agit parodier l’affaire Dupont de Ligonnès et notamment l’histoire de ce pauvre type confondu à Glasgow – ici ce sera à Copenhague : un danseur de country, avec une veste à franges trop courte. Mais le film, volontiers choral, accompagne surtout deux enquêtrices amatrices sur le terrain, prêtes à fouiller la barraque du tristement célèbre Paul Bernardin, dont on apprendra qu’il coule des jours paisibles au Mexique. Un moment donné l’une d’elles se masturbe, excitée en découvrant le lit conjugal. Ça donne une idée de la tonalité du film.

     On y retrouve complètement Meurisse, selon moi. Certes il y a cette fois des apparitions de stars (Jonathan Cohen, Nora Hamzawi, Vincent Dedienne, Laurent Stocker) très brèves qui font office de petites pastilles un peu plus mainstream, mais ça ne perturbe en rien l’ensemble, qui me semble tout aussi méchant (peut-être un peu plus attendu dans sa méchanceté, on va dire, sujet oblige) que les précédents. Je pense que ma scène préférée restera celle avec la concierge de l’immeuble voisin : j’ai ri aux éclats. Le film est super drôle. Mais c’est aussi un film à sketches, certains sont moins réussis que d’autres.

     Qu’importe, j’ai adoré. Je le reverrais volontiers. C’est un film fou, jusqu’au bout. Jusqu’à la reconstitution froide des meurtres, à la fois embarrassante et importante. Rien que l’affiche du film était folle : une photo du vrai XDDL annonçant qu’on l’avait enfin retrouvé. Courez-y. Ma salle (mi pleine) était hilare. Ah et rien à voir mais ces temps-ci j’écoute beaucoup Grant Lee Buffalo et notamment ce tube imparable qu’est Fuzzy (posté sur mon mur y a une dizaine de jours) et cerise sur le gâteau, c’est le morceau utilisé par Les Pistolets en plastique pour son générique final.

Oranges sanguines – Jean-Christophe Meurisse – 2021

17. Oranges sanguines - Jean-Christophe Meurisse - 2021« Il ne faut jamais être politiquement correct »

   6.0   Celles et ceux qui ont vu Apnée (2016), le premier film de Jean-Christophe Meurisse, ne seront pas surpris : Oranges sanguines en reprend clairement les codes, le ton, la méchanceté, déclinant l’humour des Chiens de Navarre (Il faut rappeler l’irrésistible titre de l’une de leurs pièces : « La peste c’est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ? ») de la scène à l’écran.

     Comme si les Blier et Délépine & Kervern d’aujourd’hui avaient (de nouveau) un peu de folie et d’inventivité. Celui-ci va plus loin encore, il est plus trash, plus « bête et méchant », plus dans la lignée d’une actualisation d’un C’est arrivé près de chez vous, disons.

     Et il opte moins pour le parcours initiatique et franchouillard de trois clampins (Il y avait du Peretjatko dans Apnée, qui était plus doux, poétique et absurde) que pour une mixture de film à sketchs et de film choral, au point de citer sans vergogne Pulp fiction à plusieurs reprises.

     Il y est donc question d’un couple de vieux participant à un concours de rock dans l’espoir d’éponger leurs dettes ; D’un ministre du budget plongé en pleine affaire de fraude fiscale ; de l’éveil d’une adolescente à la sexualité. Tout va se mélanger, y aura du viol, de la torture, des morts. Il, y aura Blanche Gardin en gynécologue, Patrice Laffont en présentateur d’émission de danse ; un sanglier dans le salon d’un péquenot grimé en joker ; un chien mangeant des testicules.

     C’est inégal bien entendu. C’est aussi très dérangeant, cynique et violent, mais ça fait plaisir de voir une vraie comédie méchante, un vrai film punk, tour à tour léger et grave, ignoble, euphorique et triste, à travers un mélange détonnant de farce politique et d’humour régressif.

Apnée – Jean-Christophe Meurisse – 2016

30Quand je pense qu’on va vieillir ensemble.

   7.0   Histoire de citer à foison, on pourrait grossièrement dire qu’Apnée est un croisement improbable entre La fille du 14 juillet, Du soleil pour les gueux, Near death experience et Buffet froid. On y ressent l’élan joyeusement anar d’un Peretjatko, la poésie solaire et ses grands espaces d’un Guiraudie, le voyage politico-burlesque façon Délépine & Kervern, l’absurde sous saynètes de road-movie d’un Blier. Dans la première scène, trois larrons déterminés – Une femme et deux hommes – débarquent dans une mairie vêtus chacun d’une robe de mariée, avec la volonté… de se marier. Tous les trois. Le dialogue avec le maire, qui va littéralement péter un câble, est hilarant. La séquence suivante et son générique d’ouverture nous propulse sur la glace : Trois patineurs nus et masqués enchainent les figures acrobatiques sous les violons tonitruants du Presto de L’été de Vivaldi – Le générique final nous apprendra qu’ils étaient toutefois doublés, dommage, j’ai cru en leur talent de danseurs sur glace, d’autant qu’on les retrouve avec les mêmes masques un peu plus tard lors d’un braquage aussi nul que génial. Plus tard, ils dévaleront les routes corses à bord de quads, feront le portrait d’un postier rondouillard, délivreront le Christ de sa croix, croiseront une autruche dans un supermarché, danseront sur La Compagnie Créole et feront du catch nus. Avant cela ils auront tenté de s’accommoder à la société : Rdv chez le banquier pour présenter leur projet de création d’un parc d’attraction (à Marnes-La-Vallée!), visite d’un 18m² étouffant et cours d’entretien à l’embauche (La meilleure scène du film, qui semble s’étirer à l’infini, Thomas Scimeca y est prodigieux). Vers le milieu, il y a cette séquence anthologique de repas chez des vieux qu’ils choisissent pour être leurs parents. Trop longue mais tellement folle, convoquant aussi bien Les valseuses, Le charme discret de la bourgeoisie ou C’est arrivé près de chez vous. On passe donc du coq à l’âne en permanence, pour le meilleur (le bain commun dans une baignoire de magasin donnant sur la rue, dans laquelle ils évoquent leurs positions sexuelles préférées) et pour le pire (L’enfant à l’école, grand moment de gêne) donc du rire franc à l’ennui poli. C’est osé jusque dans cette fin qui semble reprendre Electroma et Le sacrifice. C’est bancal comme souvent avec ces films à saynètes/sketchs, pas toujours très inspiré (On sent qu’ils capitalisent des choses déjà tournées sur les planches) et même si ce n’est pas le désir des personnages, il manque un fil conducteur, aussi bien esthétique que romanesque, ce que parvient si bien à faire Tati. Ou Guiraudie, mais en moins abouti, fascinant et jubilatoire, malgré cette volonté de créer des personnages faire-valoir aux allures mythologiques (par leur verbe, leur nom, leur profession, leur simple posture, leur silence, un vêtement) qui permet de dépasser le strict cadre du road-movie égocentrique. Après, je pense qu’on peut adorer ou détester selon l’humeur. Personnellement, j’aime l’élan global tout en trouvant le film un peu raté dans l’ensemble. Mais ça fait vraiment plaisir de voir un objet aussi libre et givré, même si je retiens moins le film que le geste. Je ne connaissais pas la troupe des Chiens de Navarre (enfin seulement de nom) donc je découvre un humour bien particulier, qui semble en parti basé sur l’improvisation. Et tous trois ont une vraie personnalité, une gestuelle, un décalage à part entière. Ils m’ont bien fait marrer, Thomas Scimeca en tête, que j’avais déjà trouvé génial dans Inupiluk, de Sébastien Betbéder.


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silencio


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