Archives pour la catégorie Jean-Luc Godard

Le mépris – Jean-Luc Godard – 1963

17. Le mépris - Jean-Luc Godard - 1963Passion JLG.

   10.0   Je devais avoir vingt ans, ce fut sans doute ma porte d’entrée dans le cinéma de Godard, c’est un film qui a beaucoup compté pour moi quand j’en ai fait sa découverte. Comme si tout un monde (de cinéma) s’ouvrait brutalement (ou « entièrement, tendrement, tragiquement ») à moi.

     Je l’ai maintes fois revu, sans jamais ressentir les mêmes choses devant, sans jamais parvenir à percer son mystère. Je me souviens l’avoir aussi vu au cinéma en présence de Jean Douchet. Douchet n’est plus et aujourd’hui Godard non plus, il était logique que je revoie ce film-ci, ce jour. Ce d’autant plus que je suis présentement en train de lire le bouquin de Moravia.

     Comme je me sens entièrement en phase avec ce qu’un ami en a dit en deux mots lors des nombreuses éloges lues aujourd’hui, je le cite : « Le mépris est une réflexion poétique sur le mystère de l’amour et du cinéma. Sur le cinéma en train de se faire et l’amour en train de se défaire ». Un jour je reviendrai plus longuement sur ce film. Adieu, JLG.

Bande à part – Jean-Luc Godard – 1964

06. Bande à part - Jean-Luc Godard - 1964Trois visages.

   7.0   Trois visages en surimpression stroboscopique – comme s’ils n’en formaient qu’un seul – ouvrent Bande à part : Ceux d’Anna Karina, Claude Brasseur & Samy Frey incarnant respectivement Odile, Arthur & Franz. Tout le programme du film est annoncé dans cette ouverture tant ils seront de chaque plan.

     Un quatrième personnage aura pourtant vite son rôle à jouer, c’est le narrateur, Godard lui-même, son phrasé et son intonation qu’on reconnait entre mille, qui accompagne les aventures de nos trois trublions. Un cinquième personnage sera tout aussi fondamental, c’est Paris, sa respiration, son mouvement, ses routes, son métro, ses trottoirs, ses immeubles, ses cafés.

     Le titre « Bande à part » est double tant il s ‘agit de raconter les aventures de marginaux se rêvant gangsters, mais aussi d’intégrer le film entre deux autres plus solaires, inventifs et incisifs, que sont Le mépris et Pierrot le fou. Entre ces deux pôles, en scope, Bande à part fait figure de parenthèse (en noir et blanc) en effet. Une bien jolie parenthèse.

     Le film est parcouru de séquences détachées qu’on pourrait dire de remplissage – puisqu’il s’agit moins de faire avancer un semblant de récit que de brosser une somme d’aventures – si elles n’étaient pas directement reliées au processus de fabrication. Il y a par exemple la longue scène de rencontre pendant le cours d’anglais puis la cage d’escalier. Et plus tard cette superbe minute de silence.

     Mais il y a deux séquences qui sont devenu cultes. Ainsi, la traversée de Louvre est un jeu vécu comme un défi, de part et d’autre de la caméra : Il faut battre le record de la durée de visite, pour nos personnages et filmer sans en avoir l’autorisation, pour le cinéaste. Malraux lui avait donnée – Il le remerciera à sa manière quand il dit qu’il faudrait décorer celui qui a repeint les façades du musée en blanc – mais pas les autorités.

     Dans le même registre et si elle s’avère beaucoup plus préparée, la séquence du Madison dans le café semble raconter deux choses : La fusion du trio d’une part et l’opération anti-dépression pour l’actrice d’autre part, puisque le film est né là-dessus, Godard voulant faire jouer Karina, sa propre femme, qui revenait de deux tentatives de suicide. Il voulait la faire jouer et la faire danser.

     Godard s’amuse beaucoup. En tant que narrateur, parfois il ouvre des parenthèses mais un moment il dit qu’il pourrait en ouvrir une mais préfère laisser parler le hors champ. Au bout de dix minutes, déjà, il s’adresse aux personnes qui entreraient dans la salle et qui ont raté le début de son film, en leur dressant un petit résumé de la situation. Exemple parmi d’autres de sa vitalité et de son inventivité permanentes.

     Une autre (double) scène m’a beaucoup plu. La mort d’Arthur, le personnage incarné par Claude Brasseur est très réussie car il semble la jouer comme il jouait un peu plus tôt à se faire tuer sur la route par son ami Franz, agonisant sur le bitume quand Sami Frey se la jouait gangster intraitable. C’est un écho très beau, cette mort puisque le jeu soudain se mêle à la tragédie.

     Alors évidemment, Bande à part c’est aussi une histoire de casse (un vol de billets dans une bâtisse bourgeoise, au sein de laquelle est employée Odile) qui tourne mal. C’est mon reproche, ce cambriolage ne m’intéresse jamais. Son déroulement non plus, d’ailleurs : Je préfère quand les personnages l’évoquent que lorsqu’ils passent à l’action.

     Le polar et Godard ça fait deux. C’est la fraicheur nonchalante de ce trio qui séduit, voilà pourquoi les meilleurs moments sont apparemment les plus anodins. Et c’est aussi ces clins d’œil à ses potes, la chanson des Parapluies de Cherbourg, la course à trois façon Jules et Jim, qui rend le tout, entre autre, infiniment réjouissant. Bref, je ne connaissais pas ce Godard, j’ai beaucoup aimé.

Le livre d’image – Jean-Luc Godard – 2018

39. Le livre d'image - Jean-Luc Godard - 2018Film sonore.

   6.0   Chaque fois avec Godard j’ai la sensation que son nouveau film m’échappe encore plus que le précédent. Et c’est aussi pour cette raison que ça me plait, m’intrigue, me fascine : Il n’y a rien aujourd’hui qui ressemble de près ou de loin à un film de Godard, et forcément quelques secondes devant l’un de ses films suffisent à savoir qu’on est chez Godard et pas ailleurs, aujourd’hui plus encore qu’avant. Le livre d’image n’est que montage puisqu’il n’est composé uniquement ( ?) d’images existantes : de films, parfois les siens, de reportages, de documents, le plus souvent dans une colorimétrie nouvelle ou comme si on avait pioché directement sur le négatif. C’est un vrai film testament et finalement peut-être plus un livre sonore qu’un livre d’image tant cette matière n’avait encore été traitée de la sorte chez Godard. Je pense que je garde une nette préférence pour Adieu au langage, mais c’est peut-être parce que je l’ai vu en salle. Godard en salle c’est quelque chose.

Adieu au langage – Jean-Luc Godard – 2014

10-Adieu-Au-Langage

For ever Godard.

   7.5   Voir un Godard en salle est un événement monstre en soi. C’est continuer d’admettre l’évolution infini de ce penseur emblématique octogénaire. Car le cinéaste expérimente toujours. Entre vidéo, métaphore et collage. Avec son temps. Première vraie incursion 3D et des idées d’expérimentations que l’on ne verra que chez Godard. A l’heure où on te balance du Gravity et du Avatar, Godard se joue de tous les effets qui lui sont mis à disposition, maîtrise son média comme personne, jusqu’aux surimpressions de champ contre-champ dans le même plan, le champ pour un œil, le contre champ pour l’autre œil. Ou jusqu’à reproduire quasi fidèlement des peintures célèbres en relief – Monet, Van Gogh, Warhol. Une pluie d’idée, comme toujours. Saisir un peu ici, un peu là, à la volée, apprécier des sons, des images, se fasciner pour leur déstructuration, on se souvient encore des superpositions qui nourrissaient Passion ou Sauve qui peut (la vie). Depuis, il y a eu Film socialisme. Un paquebot à la dérive. Dérive spirituelle. Avant qu’il ne sombre vraiment quelques mois plus tard. Ce paquebot que Godard continue de filmer un peu ici, glissant sur les eaux, en tant que dernier vestige du confort conjugal, fuite et départ, ou unique passerelle vers la déliquescence. On ne sait pas trop, on choisit. C’est encore une affaire de couple défait, de mépris peut-être, de passion probablement. Des coups de feu. Puis un chien. Et pourquoi pas des enfants ? Non, d’abord un chien (belle Roxy). Les cris de bébés supplanteront ceux du chien plus tard. Passion oubliée, dévorée, à peine à son embryon, corps nus déambulant dans cette maison sur une île qui pourrait être le Faro de Bergman. Bientôt, il faudra un interprète pour se comprendre soi-même. Le langage se défait. Le sexe appelle la mort, dans une scène de douche, de caca comme de draps. Et le chien est là, regarde, n’a pas les mots mais n’en pense pas moins. Le chien, seul espèce qui aime l’Homme plus qu’il ne s’aime soi même. Le film n’est que citations, collage, brouillon propre. Cinéma rappelant la musique concrète ou minimale, entre Michel Chion et Thomas Köner. Adieu au langage est un film de cinéma qui ne ressemble à rien sinon à du Godard. Prolongement du précédent, comme souvent et testament avant l’heure ou début d’un ailleurs. Œuvre solitaire, mourante, qui n’a besoin ni de cérémonie ni de comparaison, qui plus est dans un « maps to the stars » cannois. Un cinéma riche, unique, reconnaissable entre mille.

Khan Khanne – Jean-Luc Godard – 2014

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   6.0   Appendice à Adieu au langage, en guise de lettre filmée en réponse à l’invitation de Gilles Jacob et Thierry Frémeaux à voir Godard monter les marches cannoises. C’est génial, ça pourrait être 8min dans le vide mais Godard y explique selon un procédé de collage dont il est maintenant coutumier, le pourquoi de sa non-présence. Petit film très touchant, hanté par la peur de la solitude et de la mort.

Passion – Jean-Luc Godard – 1982

30   8.0   Il n’est pas impossible que Passion devienne un jour à mes yeux aussi intense, passionnant et important que Le mépris. Godard ça ne prend pas vraiment au premier coup en ce qui me concerne, jamais, je sens que ça me plait, que ça va me plaire ou non, mais il faut re visionner pour en saisir toute la subtilité, toute la richesse. Ce fut donc le cas avec Le mépris, avec Pierrot le fou entre autres et maintenant c’est ce qui se passera sans doute avec Passion. Il y a quelque chose d’extraordinaire dans ce film sans que je ne sache trop en parler encore. L’utilisation des peintures déjà avec ce cinéaste, dans le film, qui tourne essentiellement en reproduisant de grands tableaux, principalement à caractère historique ; La déstructuration totale du récit à tel point que l’on envisage difficilement les différentes interactions entre les personnages. Comment se connaissent-ils ? Quel lien unit telle ou telle personne ? C’est dans cette déstructuration que naît une histoire à la fois très complexe et pas sensationnelle. Une fille d’un côté qui lutte pour obtenir sa prime de licenciement dans l’usine dans laquelle elle travaille. D’un autre, un homme qui tourne un film de façon très scrupuleuse, qui prend trop de temps, qui n’avance pas et est embêté par des problèmes de financements. Il y a cet hôtel qui semble faire le lien. Avec Isabelle Hupert en Isabelle. Et Hanna Shygulla en Hanna. Je ne sais même pas comment raconter un peu de ce film, ne serait-ce qu’un peu. C’est presque impossible. Ça va dans tous les sens. Il y a autre chose que je trouve particulièrement fou mais fabuleux ce sont ces scènes où le son devient indépendant de l’image (légère désynchronisation ou pire encore) où l’on voit donc des personnages s’exprimer, écouter, avec le son de leur voix ou d’une autre par-dessus. On suit alors une parole et une image dissociées. Et puis on a droit à des personnages extraordinaires, comme cette femme qui sert ses hôtes dans une position de gymnastique assez particulière. On n’est jamais rassasié avec Passion. Le film nous emmène dans des contrées étranges sans cesse, sans que ce soit explicable. Dans la toute dernière scène le cinéaste polonais rentre au pays, il croise cette femme que l’on connaît seulement sous le nom de ‘princesse’, lui demande de monter. Elle refuse prétextant qu’elle n’aime pas les voitures. Ce n’est pas une voiture, c’est un tapis volant, répond t-il. Je ne sais pas combien de fois faut-il le voir pour comprendre tout ce que Godard a voulu dire mais quoi qu’il en soit, si cette première fois m’a un peu désarçonné comme quasiment à chaque fois, je n’ai qu’une envie c’est de m’y replonger aussitôt !

One + One – Jean-Luc Godard – 1969

38Eloge de la musique.     

   8.5   One + One c’est avant toute chose Les Rolling Stones. L’enregistrement tout en panoramique de leur désormais célèbre chanson Sympathy for the devil, que l’on n’écoutera jamais en son entier dans le film, selon le vœu de Godard lui-même. Une bonne moitié du film s’attarde donc sur des bribes de la chanson, cinq jeunes musiciens chacun à sa place ou alors en rond, en train de fumer des clopes, chercher l’accord parfait, le tempo parfait, l’intonation de voix adéquate. La caméra devient personnage indiscret en se faufilant dans les moindres recoins du studio d’enregistrement, derrière les membres du groupe ou de face. C’est une sensation incroyable de voir cela, j’étais envoûté, l’alliance mise en scène du cinéaste / génie musical des Stones offre alors un truc divin, en symbiose, probablement était-ce la meilleure façon de filmer un groupe. Mais le thème de One + One ce n’est pas vraiment la musique des Stones, c’est la révolution, sous nombreuses de ses formes. Car en parallèle à ces enregistrements, plusieurs types de revendications : Les Black Panthers, dans une sorte de casse pour voiture, énoncent leurs principes révolutionnaires en citant les pensées de leaders noirs et tuent des femmes blanches à la mitraillette ; En off et pendant toute une partie du film est lu un roman politico-pornographique ; Un homme lit Mein Kampf dans son sex-shop tout en giflant des clients pro FLN et anti-Vietnam ; Eve Democracy, une jeune londonienne, fait des graffitis sur les murs et les voitures, des jeux de mots en critique au pouvoir en place, et répond succinctement aux questions des journalistes. One + One c’est donc tout ça à la fois ! Tout en sachant qu’il y a bien cet autre moyen de révolution, beaucoup plus poétique, qu’utilise le groupe de rock : la musique. Eux aussi ils font la révolution, à leur manière. On ne tire pas de véritables leçons ou conclusions avec Godard, mais on apprend constamment. On ne résolve pas mais on s’étend. Film archi passionnant, qui mine de rien semble faire la liaison entre son cinéma des années 60 et le suivant.

Tous les garçons s’appellent Patrick – Jean-Luc Godard – 1958

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   6.0   C’était ma deuxième fois, je ne m’en souvenais plus très bien et surtout, en pleine période où je me fais ou refais du Godard, je me devais de ne pas oublier ses courts métrages. Incroyable de voir à quel point le style Godard est déjà là mais de façon très sage, comme s’il se cherchait – c’est probablement le cas. Incroyable aussi de voir qu’il est facile de distinguer Rohmer à l’écriture : la rencontre, le trio, la coïncidence. C’est Bergala qui disait je crois que le décor vieillisait beaucoup plus que les personnages chez Godard. Je suis entièrement d’accord avec ça. Et j’aime énormément ce film, son énergie, sa liberté.


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silencio


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