Contre le silence de cathédrale.
7.0 Rares sont les films de Mocky qui soient si beaux (la photo est superbe) et aboutis, ne serait-ce que dans l’interprétation, les dialogues, le scénario. La dimension satirique dont il est coutumier reste présente, bien sûr, mais plus fine qu’à l’accoutumé. Entre la comédie italienne, la peinture chabrolienne et le thriller giovanniesque, Le témoin est un étonnant portrait de la France giscardienne, tourné à Reims.
Robert Maurisson, un puissant industriel, fait appel à un vieil ami, Antonio Berti, restaurateur de tableaux, pour y faire une œuvre spéciale pour la cathédrale de Reims. Berti choisit comme modèle une jeune fille, qui sera retrouvée morte quelques heures après leur entrevue, près de l’une des propriétés de son ami. Noiret incarnera ce riche notable, banquier cynique et manipulateur, qui supervise aussi une équipe de foot et dirige une chorale de jeunes filles. Il est hyper sobre. Ce qui le rend plus salaud encore. Il est immense. Sordi en restaurateur d’art simplet, paumé, volubile, est très émouvant.
Quelques éléments qui rappellent qu’on est bien chez Mocky : le jeu extravagant d’Alberto Sordi. L’homosexualité d’un duo de policiers. Et quelques pointes d’humour très bizarres. Et surtout c’est un film très ambigu : Ici les bourgeois provinciaux sont aussi respectables que les adolescentes sont innocentes.
Qui plus est, Le témoin est un réquisitoire contre la peine de mort. Ou tout du moins pamphlet contre l’absurdité du système judiciaire. Il y a des scènes fabuleuses comme la partie de chasse. Et bien entendu la scène finale, à l’aube, entre quatre murs et un ciel bleu nuit, d’une simplicité, d’une cruauté et d’une brutalité, d’autant plus déconcertante dans un film de Mocky, fait froid dans le dos.