Archives pour la catégorie John Carpenter

Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (Big trouble in Little China) – John Carpenter – 1986

15. Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin - Big trouble in Little China - John Carpenter - 1986Street of rage.

   4.0   Paumé au beau milieu d’une lutte surnaturelle entre les puissances du bien et du mal, Jack, simple camionneur, va tenter de sauver la fiancée de son ami, enlevée par un mystérieux sorcier tout en cherchant à récupérer son camion dans Chinatown.

     On dirait un jeu d’arcade, avec plein de niveaux ouvrant sur des boss, avant le boss final. Je n’y connais plus grand chose mais j’y ai vu du Mortal Kombat, bien sûr. Mais aussi du Street of rage, le dernier niveau ressemblant beaucoup au couloir du palais du mandarin bimillénaire.

     Il y a des puits, des tuyaux, des trous dans les plafonds. Il y a des monstres, des golems, des malédictions, des lumières vertes qui sortent du ciel. Il y a des sorciers, de la magie noire et une chinoise aux yeux verts. C’est généreux, euphorique, assez usant pour ma part.

     Ce qui m’a plu c’est la dimension méta incarnée par le personnage de Jack, qui fait figure de spectateur occidental perdu dans un monde dont il ne connaît pas les codes, mais qui va tenter de gérer, malgré tout, sorte d’anti Snake Plissken, via un Kurt Russell post New York 97, plus beauf et désinvolte.

     Et si les références aux films de kungfu m’échappent complètement, j’ai parfois été séduit par la bizarrerie du film, aussi bien dans ses couleurs, son rythme que ses répliques. Bon, je me suis peu amusé malheureusement.

     Reste un divertissement bruyant et coloré, complètement à l’opposé de ce que Carpenter venait de faire (son sublime Starman) prouvant une nouvelle fois son statut de cinéaste alors imprévisible et incompris (le film fait un bide) qui sera une nouvelle fois lâché par les studios.

Dark star – John Carpenter – 1974

01. Dark star - John Carpenter - 1974Base de lancement.

   5.5   Il s’agit du tout premier long de Big John dont on pourrait déjà dire qu’il est plutôt un court métrage gonflé pour être long, que c’est un film de fin d’études et qu’il doit autant à Carpenter (réalisateur, producteur, compositeur) qu’à Dan O’Bannon qui s’occupe des effets visuels, du montage, du scénario et qui interprète le personnage central. Dan O’Bannon qui fera partie du projet Alien, dont on sent les lointaines influences ou prémisses ici. Je signale que j’ai vu le director’s cut (qui fait 1h11) et non la version cinéma (qui fait douze minutes de plus) c’est peut-être important, à vérifier.

     Dès le pré-générique le film nous plonge dans la vie d’un croiseur spatial, chargé de la destruction de planètes instables. On comprend qu’ils sont plus ou moins abandonnés par les politiciens qui ne feront rien pour cet équipage sans commandant (qui est cryogénisé dans une soute : la plus belle scène du film lorsqu’ils refont appel à lui) qui serait mort plus tôt à cause d’un court-circuit. Equipage qui s’en remet à dialoguer avec ses bombes et ordinateur. On apprend qu’ils sont là depuis vingt ans à pulvériser des planètes qui menacent de se transformer en supernovas. Ils n’ont rien de héros spatiaux, il s’agit plutôt d’une équipe de prolos un peu désenchantés à l’image de cet astronaute qui reste dans sa bulle-vigie en solitaire. Jusqu’au moment de la découverte d’une toute nouvelle constellation où une panne entraîne la dysfonction d’une bombe et de l’ordinateur de bord.

     Alors ce n’est évidemment pas 2001, l’odyssée de l’espace mais je l’aime bien, malgré tout, cet ovni fauché comme les blés, bricolé par des universitaires barrés, qui parodient Kubrick et Corman, tout en annonçant un peu Alien. C’est une SF complètement déglamourisée, une sorte d’anti avant Star Wars, en somme. Les effets sont ultra cheaps mais il y a quelques plans assez chouettes, dans la cabine du vaisseau notamment. C’est un film qui lance Carpenter, ce qui n’est pas rien. Une version farce d’Alien, à l’image de cet alien justement, qui ressemble à un gros ballon de plage, mais qui déjà se cache dans les entrailles du navire.

Christine – John Carpenter – 1984

06. Christine - John Carpenter - 1984Diable rouge.

   9.5   Août 2016.

     Revu en BR cette madeleine absolue dans une édition qui ne comporte pas de Vost. Comme je connais le film par cœur j’aurais très bien pu le voir en Vo mais je me le suis refait en Vf et c’était très bien. Enfin là n’est pas le problème, je vais illico revendre cette merde car c’est impardonnable, scandaleux. D’autant qu’on peut voir le film en version russe sous-titrée coréen.

     A part ça j’adore ce film depuis toujours, je le revois régulièrement sans problème. J’ai cette fois moins été marqué par l’évolution du personnage (Arnie Cunningham) qui se transforme en même temps que Christine retrouve ses couleurs, que dans sa propension à carrément fusionner avec elle jusque dans sa façon de s’habiller avec cette veste rouge et ce col en V et sa vulgarité naissante.

     J’aime beaucoup l’idée qu’il devienne le méchant par procuration, que la voiture se serve de lui comme d’un nouvel hôte pour transmettre le Mal soit par la vengeance face aux petits cons dont il a toujours été le martyr soit par la jalousie, dans ce triangle amoureux avec son meilleur ami qui devient au fil du récit le vrai personnage principal, le gentil même s’il semble être à première vue son ami par pitié.

     Il y a une frontière très ambiguë dans la narration et la caractérisation des personnages, quelque chose que Carpenter parvient admirablement à capter. J’ai lu le bouquin une fois il y a longtemps mais je ne me souviens plus si cette ambigüité est aussi marquée que dans le film. Et il y a cette drôle de fin qui sonne comme le triomphe du beau et de la normalité qui dégage un parfum troublant.

     Carpenter aura réussi à injecter son cinéma autant dans la tradition du teen-movie (Le début pourrait presque évoquer un film de John Hugues) que dans le fantastique domestique traduit par Stephen King. Récemment je ne vois guère qu’It Follows pour lui ressembler, dans sa douceur comme dans sa violence, sauf que ce dernier se termine bien, à sa manière.

Mai 2020.

     Enfin revu cette merveille dans des conditions idéales grâce à Carlotta et son édition collector (Je suis présentement plongé dans le bouquin qui l’accompagne, il est passionnant) et donc en version originale cette fois. Que dire de plus ?

     Que l’action s’articule autour de peu de lieux, tous très précis, très marquants, très forts esthétiquement – Mais ce n’est ni une première ni une surprise, venant de Carpenter. Avant tout, il y a cette casse, chez Darnett, refuge d’Arnie qui va y relooker sa Plymouth Fury à l’aide de pièces détachées. Il n’y a pas une casse dans un film ou une série (Récemment dans Douze mille, de Nadège Trebal ; ou Love, deaths & robots chez Netflix) qui ne me fasse pas songer au film de Carpenter, qui aura bercé toute ma cinéphilie.

     En fait, il n’y a pas un lieu (Dans Christine, mais, je me répète, ça vaut pour tous ses films) qui ne soit pas filmé avec amour, comme une terre à construire des mythes. La première rencontre entre la Plymouth Fury rouge sang et le timide lycéen Arnie Cunningham a beau se dérouler dans une vieille allée décatie, on se souvient de tout, des hautes herbes, de cette baraque en ruine, ainsi que ce vieil homme vêtu d’une étrange ceinture lombaire et titubant tel un bossu. Chez n’importe qui ça ne fonctionnerait pas, ça ferait cheap, on n’y croirait pas. Chez Carpenter, si. Tout est réuni pour un coup de foudre. Entre un garçon réservé et un bolide extravagant.

     Chez les parents d’Arnie, en revanche, c’est le contraire : Le lieu change constamment, nos repères y sont malmenés afin que l’on s’identifie à lui, qui ne supporte plus d’y vivre ni de recevoir les marques d’autorité. Dans le salon, la cuisine ou dans la cour, il s’agit de faire corps avec lui, de se perdre dans un décor qu’il rejette et dans lequel il perd complètement pied face notamment à une mère dominatrice. Par ailleurs, dès l’instant que Christine empiète sur cette terre (Le jour de son acquisition, Arnie la stationne dans l’allée familiale) on la vire, elle n’est pas la bienvenue. Nous non plus en un sens, puisque nous somme un peu Christine : On l’a vu naître, on l’a déjà vu tuer. Et Arnie nous a adoptés.

     La séquence d’ouverture est un modèle d’ambiguïté à tous les étages. Et l’utilisation musicale servira de passerelle temporelle : Le film est de 1983 mais il replonge dans le Detroit de 1957. Le morceau est pourtant sorti l’année précédente, mais il évoque le rock’n’roll des années 50. Puis Not fade away, de Buddy Holly, supplante Bad to the bone. On a atterrit en 1978 mais la musique est de 1957 à la différence qu’elle est interprétée dans les années 80. Difficile d’être plus éloquent pour démontrer qu’on peut faire du neuf avec du vieux. D’autant que c’est exactement ce qu’Arnie fera de Christine. La retaper. Carpenter retape les années 50 et s’auto cite : La banlieue de Rockbridge évoque beaucoup, comme un prolongement, celle, tout aussi banale d’Haddonfield, dans Halloween

     C’est aussi une affaire de transformation, Christine. L’adolescent Arnie mue complètement, mais il devient moins un homme qu’un monstre, sa timidité maladive se transforme en arrogante misanthropie. Son visage change, sa coiffure change, sa façon de parler aussi, de se déplacer. Il était réservé, inquiet, triste, renfrogné. Il prend de l’assurance, devient dragueur, souriant, orgueilleux. Ce qui m’a toujours beaucoup touché dans Christine, c’est l’idée de l’amitié brisée, entre deux amis qui en apparence n’ont pourtant rien pour être des amis : Arnie est le stéréotype geek, quand Dennis est plutôt celui du sportif. Le récit installe une amitié fantasmée pour mieux la broyer, c’est tellement violent.

     Il y a une scène terrible au cœur du film, juste après que Christine se soit faite attaquée par la bande à Buddy Rupperton. Lorsqu’Arnie, alors jovial, au bras de Kassie, découvre l’épave de ce qui reste de sa voiture, qu’il avait mis des semaines à retaper, on partage le frisson de désarroi qui l’étreint. Il est rare de ressentir autant de tristesse qui parcourt un personnage et de ressentir cette émotion aussi forte que lui. Cette scène m’a toujours beaucoup ému et ça vient forcément de la vie que Carpenter lui donne, cette façon qu’il a de faire transparaitre l’amour qu’Arnie éprouve pour Christine. Je connais le film par cœur et je sais donc que cinq minutes plus tard elle se retapera d’elle-même – devant son homme : L’une des scènes les plus puissantes qu’ait offert Carpenter, en quelques plans de phares qui s’allument, flair bleu qui découpe la silhouette du garçon, spectateur admiratif du spectacle de la tôle qui se reforme, le tout précédé d’un légendaire « Show me » à te coller une rafale de frissons. Pourtant, ce moment m’a encore une fois laissé sur le carreau, aux côtés d’Arnie qui tente maladroitement de raccommoder un joint qui pendouille, avant d’insulter littéralement Kassie, tremblant de rage.

     Lorsque Christine se venge violemment de Buddy Rupperton et son gang, quid de savoir si Arnie Cunningham est ou non au volant ? S’il accompagne (et guide ?) son ange-exterminateur ? « Est-ce que c’est Cunningham ? » dit l’un d’eux, comme s’il incarnait notre propre questionnement de spectateur. Le mystère reste entier, d’autant qu’Arnie apparaitra bien au volant d’icelle dans l’affrontement final. Reste que Christine apparait telle une figure du diable lorsqu’elle poursuit à faible allure Buddy qui semble tituber de fatigue dans la pénombre d’une route perdue. Et Christine achève de tuer les éléments gênants avec Darnell, qui tente aussi de la « violer » comme ce fut jadis le cas sur sa chaine de montage, mais sans doute aussi parce qu’il en sait trop : Il l’a vu revenir toute fumante de son équipée meurtrière.

     La dernière scène du film m’a toujours un peu gêné. En fait je n’y ai jamais percé l’importance : Christine, pour moi, c’est avant tout Arnie Cunningham. Et ce serait George LeBay (le frère du vieil homme qui lui vend trois-cent dollars) si le film de leur histoire existait. Là je n’aime ni le ton (la musique de la radio de l’ouvrier qui fait davantage rire que frémir) ni le fait de rester aux côtés de Kassie, Dennis & Mr Junkins. Mais quelque part, je comprends : Le film s’était ouvert sur sa naissance à elle, il est logique qu’il se finisse sur sa mort. Le dernier plan est un pur final de Série B et rappelle, lorsque la carrosserie de Christine, pourtant recroquevillée dans un minuscule monticule de métal, se met à se plier, que le Mal ne meurt jamais.

Les aventures d’un homme invisible (Memoirs of an Invisible Man) – John Carpenter – 1992

40. Les aventures d'un homme invisible - Memoirs of an Invisible Man - John Carpenter - 1992« If you were blind, we’d make the perfect couple »

   5.0   Si sa mécanique est plus mainstream et sa mélancolie plus schématique que dans un Starman, dont il n’atteint pas le dixième du tiers de l’envergure, c’est bien sur sa dimension « tragédie douce » que ce Carpenter mineur s’avère le plus intéressant et in fine assez touchant. Il faut déjà saluer les traducteurs de titres qui en français lui offrent un esprit plus léger, quasi enfantin tandis que l’original ouvre davantage sur le tragique – même si le film relève dans son ensemble plus du banal divertissement familial qu’autre chose. Carpenter mineur donc, mais dans le haut du panier des films mineurs tant l’auteur parvient malgré tout à lui insuffler une aura poétique, au détour d’un San Francisco quasi désert ou lorsque le personnage se retrouve translucide sous la pluie ou via l’étrangeté visuelle offerte par cet immeuble partiellement invisible.

     La grosse faute de goût du film restera ce non-choix mise en scénique consistant à voir Nick ou à ne pas le voir. Il fallait choisir, je pense. Ainsi, afin qu’on ne soit pas trop perturbé, le personnage apparait dans un plan et disparait dans le suivant et ainsi de suite, juste pour nous, occasionnant certes de beaux trucages visuels mais d’un point de vue émotionnel c’est catastrophique. On est loin du parti pris Mikael Myers dans Halloween, mais gageons que ça facilite l’identification – Dans Christine il y a avait déjà un peu de ça mais c’était magnifique : La voiture était seule, puis quand on la croyait encore seule, on découvrait Arnie à son volant. Quant à Chewy Chase, vrai star du film, bien plus que Carpenter (puisque ça reste une commande de la Warner, en résulte un film entièrement contrôlé par la production) donc le faire jouer un personnage qu’on ne voit pas, j’imagine que ça ne devait pas trop se faire. Reste que j’aurais préféré voir ce que (ne) voit (pas) Daryl Hanna.

     Malgré tout, ça reste l’histoire d’un homme déjà invisible avant de l’être vraiment, c’est tout l’intérêt de ce dispositif que de s’ouvrir sur cette étrange mélancolie d’un héros passif, un peu ridicule. Impossible alors de ne pas penser à Christine, lorsque le transparent et frêle Arnie finit par fusionner avec sa voiture, au point de se faire avaler – Il n’est plus du tout l’étudiant timide et dominé, il en est l’exact opposé, l’œil hagard est devenu arrogant. Mais c’est aussi un beau film romantique sur un amour impossible, quelque part entre Terminator (Kyle & Sarah) et Blade runner (Rick & Rachel) entre deux êtres volontairement (elle) oui inéluctablement (lui) marginaux, détachés du monde. Certes, c’est moins réussi que chacun des films suscités mais c’est attachant. Et puis à la fin c’est l’amour qui gagne.

New York 1997 (Escape from New York) – John Carpenter – 1981

sans-titre« I thought you were dead »

   7.5   Le Main title d’Escape from NY est un morceau parfait. J’y reviens souvent. Evoquer la musique d’emblée n’est pas une insulte au film je pense tant elle imprime toute son ambiance et tout particulièrement son ouverture, qu’on pourrait rapprocher d’un score à la Goblin, sous Prosac. Le film se fera continuellement sur la dynamique de ce thème, sans véritable rythme, immuable, envoûtant. Le reste de la musique tient plus d’un early krautrock tendance Neu!/Kraftwerk, efficace à défaut d’être original.

     Escape from NY tient surtout grâce à son personnage charismatique Plissken « Call me snake » campé par un non moins charismatique Kurt Russell, qui joue donc un ancien soldat devenu hors-la-loi, que l’on vient utiliser pour sortir le président des Etats unis d’une bien piètre situation : À la suite d’un attentat, son avion s’est crashé dans un Manhattan emmuré, pénitencier à ciel ouvert qui renferme tous les pires criminels de la Terre, et il détient un document précieux concernant un secret nucléaire.

     A l’image de ce gimmick de répétition consistant à chaque rencontre d’être surpris de voir Plissken vivant, le film est très drôle. Deux personnages se nomment Cronenberg et Roméro, ça ne s’invente pas. Il y a aussi cet étrange taxi « Ernest Borgnine » driver, gentil halluciné ou bien ce petit cinglé, sosie de Klaus Kinski qui semble s’échapper d’un univers à la Mad Max. Le casting est assez énorme, d’ailleurs. Lee Van Cleef, Donald Pleasance, Harry Dean Stanton ou Isaac Hayes viennent compléter une équipe éminemment barge et quasi exclusivement masculine.

     Le film souffre des années quand même. La baston entre Plissken et un gros lard sur le ring fait un peu de la peine si on vient de voir le combat entre Oberyn Martell et La Montagne dans Game of thrones. J’adore mais je ne pense pas que ce soit la plus grande réussite de Big John : ça manque de rythme et de tension (The thing qui suivra sera lui une merveille du genre, une merveille tout court) même si c’est aussi cette espèce de tempo lancinant qui fait aujourd’hui tout le charme rétro du film. Bref c’est un régal, un chouette film de SF au style Carpenterien en diable, sans être le chef d’œuvre qu’on a tendance à y voir.

The ward – John Carpenter – 2012

1503979_10151871353502106_1351889270_n     3.5   Le dernier Carpenter en date. Un truc absolument sans intérêt mais comme je m’y attendais je n’ai pas trouvé cela aussi atroce que tout le monde. Il y a bien quelques situations réussies même si en effet ça ne bande plus du tout et ça pourrait être fait par n’importe qui d’autres qu’on ne s’en rendrait même pas compte…

Halloween – John Carpenter – 1978 (contre) Halloween – Rob Zombie – 2007

Halloween - John Carpenter - 1978 (contre) Halloween - Rob Zombie - 2007 dans John Carpenter 19081156

     Je viens de voir ou de revoir les deux, à la suite l’un de l’autre et il est à mon sens très intéressant d’effectuer un comparatif entre ces deux films, justement car ils ne se ressemblent pas beaucoup.

    9.0   En gros je trouve l’opus de Carpenter très épuré, presque abstrait, dans le sens où rien ne nous est donné sur Myers à part qu’il est diabolique, qu’il a tué sa sœur à l’âge de neuf ans, qu’il s’est évadé de prison quinze ans plus tard, qu’il s’apprête à faire un carnage à Heddonfield, sa ville d’enfance. Il semble n’y avoir aucune barrière entre lui et sa violence, au point de ne jamais la remettre en question et ce jusqu’aux derniers plans du film. Myers n’est pas un homme répète le docteur Loomis, c’est l’incarnation du mal. Et à ce petit jeu mystérieux, Carpenter distille une angoisse fascinante, jouant de la caméra subjective, de ces plans récurrents où la tête de Myers nous est cachée, d’une musique oppressante et redondante, de la respiration de Myers en continu et d’une ambiance morte. Car Heddonfield, pendant Halloween, n’est que ville fantôme. Certains enfants, certains lycéens, mais ils ne sont pas nombreux, jonchent les trottoirs résidentiels, et rentrent chez eux après l’école. Pendant que certains seconds gardent certains premiers, d’autres s’éclatent sexuellement. Il n’y a de place à Heddonfield que pour le baby-sitting et la baise. Et l’angoisse permamente que l’on se refuse d’avoir, à l’image de Jamie Lee Curtis rassurant les enfants de la non-existence d’un croque-mitaine, alors qu’elle n’est pas plus rassurée elle-même. Pendant que certains enfilent des masques pour faire peur aux autres, d’autres enfilent le masque qui leur permet de surmonter leur peur, mais il y en a un qui l’enfile pour tuer, c’est Michael Myers. Dans le film de Carpenter, il ne semble être attiré par rien d’autre que ça : tuer. Déshumaniser le meurtrier, lui donnant l’aspect de monstre, de façon à pérenniser l’angoisse, inculquer au spectateur qu’il a affaire à un méchant hors norme, sans sentiment, qu’il ne peut guère compter sur un revirement de situation humain. Il va jusqu’à le rendre invincible.

halloween9 dans Rob Zombie

     6.0   On est évidemment dans une toute autre optique chez Rob Zombie, puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que de rendre Myers humain aux yeux du spectateur pendant qu’il ne l’est toujours pas pour le docteur Loomis. Dès le début du film le ton est donné. Chez Carpenter nous étions Michael enfant (caméra subjective) pendant cinq minutes, avec sa respiration comme rythme, poursuivant sa sœur dans les couloirs de la maison, avant de la massacrer au couteau. Chez Zombie on atterrit dans un cercle familial en crise, où Michael se cache déjà derrière des masques, pour masquer son apparence fragile que son père par alliance ne fait qu’agrémenter, entre violences et humiliations à répétition, pendant que sa sœur l’appuie, que sa mère reste impuissante et que la petite dernière, tout bébé, ne peut encore donner son avis. Et à l’école c’est le même problème, Michael étant la risée de ses copains de classe qui n’hésitent pas à lui en faire baver sévère. Mais Michael  nourrit secrètement une passion pour la mort et la destruction, tenace, qui s’apprête à exploser. Viendra le jour du fameux meurtre d’Halloween, comme chez Carpenter, même si elle est plus massive chez Zombie, Michael se débarrassant en quelques minutes de l’ami de sa mère, de sa sœur et de l’ami de sa sœur. Sur les marches, avec la petite dans les bras, Michael est sûrement plus heureux ainsi. Il est alors enfermé quinze ans (durant lesquels sa mère se tire une balle dans la tête) puis s’évade, sauf que Zombie montre un peu de la prison et un peu de l’évasion, pendant que Carpenter jouait de l’ellipse. Et le gros changement dans ce nouvel opus c’est le motif de retour de Michael Myers : sa petite sœur. Il vient la chercher. Mais évidemment comme on va lui barrer quelque peu la route, il ne va pas non plus être ultra pacifiste. Zombie, à ce petit jeu là, joue sur le gore plutôt que sur l’angoisse et son étirement. Du coup, par moments, ça fait un peu boucherie, renforçant l’idée qu’on se faisait de Michael Myers : un tueur fou et sans scrupules. Avant qu’il ne devienne ce personnage qui ne souhaite qu’une chose, revoir sa sœur, alors que la concernant c’est comme si elle ne l’avait jamais vu, toute trace de cette ancienne vie a été rayée. Quand Carpenter avait crée une sorte de tueur sans âme, comme si pour Halloween, il revenait d’entre les morts, Zombie en fait quelqu’un de blessé, quelqu’un de très humain, il donne vie à Michael Myers, et le gros de la réussite est là.

     Je garde une nette préférence pour le film de John Carpenter parce que je préfère les films de mise en scène qui préservent leur mystère à ceux moins travaillés formellement qui s’attachent davantage à établir une psychologie de personnage. Mais en tant qu’étude psychologique justement, du mythe Michael Myers, on ne pouvait rêver meilleure adaptation libre que celle de Rob Zombie.


Catégories

Archives

octobre 2024
L Ma Me J V S D
« sept    
 123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
28293031  

Auteur:

silencio


shaolin13 |
Silyvor Movie |
PHILIPPE PINSON - ... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Playboy Communiste
| STREAMINGRATOX
| lemysteredelamaisonblanche