1.5 Quand un film relève à ce point de l’anecdote il faut au moins qu’il porte en lui matière à jubilation. Tarantino l’avait compris. Quand Johnnie To réalise son Pulp Fiction version crise il le vide de sa substance jouissive pour n’en garder que l’ennui ou au mieux un divertissement sérieux bâclé. Aucune idée de mise en scène. Aucun sens du rythme. Après le très bon Vengeance on était en droit d’attendre davantage que cette boursouflure dont on met partout en avant qu’elle représente un virage dans la filmo du cinéaste Hongkongais, mais dont on ne garde finalement que paresse lorgnant vers le foutage de gueule. Le pire étant les seconds rôles mafieux, ersatz pathétiques et caricaturaux que l’on s’était habitués à croiser dans les dernières merdes de Kitano. Quelques séquences surnagent tout de même, To est loin d’être manchot, mais c’est tellement infime et pauvre à côté de ce que l’on attend de ce cinéaste que ça ne sauve jamais le film du ridicule.
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La vie sans principe (夺命金) – Johnnie To – 2012
Publié 19 septembre 2012 dans Johnnie To 0 CommentairesBreaking news (Dai si gein) – Johnnie To – 2005
Publié 9 décembre 2010 dans Johnnie To 0 Commentaires5.0 Le film souffre de son ouverture monstrueuse. Un plan séquence de sept minutes, où l’on distingue la préparation d’un assaut au bas d’un immeuble où est effectué un échange entre gangster. S’ensuit une longue fusillade, que Johnnie To a l’intelligence de filmer au cœur de l’action tout autant qu’il sait s’en éloigner. Plan séquence quasi impossible qui permettait à Breaking news de démarrer sous de bonne augure. Malheureusement tout devient alors cousu de fil blanc. To ne sait plus s’il doit donner dans les gunfights ou le second degré. Il n’y a pas de psychologie de personnages, tout est visé sur l’action ou sur les quelques répliques qui donne l’apparence d’un cinéma décomplexé. Mais en filigrane, et c’est ce qui devient le plus important ensuite, la puissance des médias, comme vérité inattendue (la faiblesse de la police et cet homme qui demande grâce les mains levées) poussant le blason policier à être décrédibilisé aux yeux de la population, mais médias aussi comme mensonge organisé. Une femme capitaine arriviste (qui pourrait tout aussi bien faire carrière en présentatrice télé réalité) s’apprête à se servir des images à leur avantage pour contrer ce fiasco. Un nouvel assaut dans un immeuble est préparé et il sera intégralement filmé (on met des caméras sur les casques des flics, dans les immeubles d’en face, le but c’est de filmer) de façon à ce que tout soit minutieusement rapporté, dans l’espoir que l’opération soit une réussite. C’est en somme le seul intérêt de ce film, sans doute du même coup trop schématique et peu passionnant pour véritablement convaincre, comme To savait le faire, en créateur d’ambiance dans Exilé ou Vengeance.
6.5 Qu’est ce qui m’a manqué avec le diptyque Election, ses deux films qui ont précédé celui-ci ? Probablement la dérision. L’action c’est une certitude, Election en étant quasiment dépourvu, mais aussi l’humour inhérent aux scènes d’action justement. A croire que To ne sait pas délier les deux. Election c’était beau mais c’était chiant. Et puis ces histoires de mafia, de triades, avec volonté de prise de pouvoir d’un côté et obsession de la dignité de l’autre, franchement on a vu ça cent fois, autant revoir la trilogie de Coppola. Non, Exilé se rapproche davantage de Vengeance (qu’il a fait après) que j’aime aussi beaucoup. Bien qu’ils soient pourtant très différents tout de même, il y a au centre comme souvent le thème du retour, de la vengeance personnelle. Ce climat là plane beaucoup sur Exilé. Dès la première séquence. Une bande de tueurs fait irruption chez un ancien de chez eux qui a décidé de se ranger pour passer du temps avec sa femme et son gosse. On nage en plein western. Et très vite on se met à rire. On est donc en plein western spaghetti revisité. Niveau narration, il y a évidemment pas grand chose mais ce n’est pas ce qui m’intéresse chez ce cinéaste hong-kongais. C’est la forme, ces ralentis hyper stylisés, ces scènes de gunfights à tomber par-terre, dans ces conditions le reste n’est que broutille. Il y a une telle aisance dans la chorégraphie de l’attente et de l’action, tout est magnifiquement millimétré, c’est vraiment excellent. Un régal !
7.0 Les rues de Hong Kong bondées, il pleut des cordes, tous s’agitent, parapluies à la main. Une fusillade dans le quartier vient d’avoir lieu. Quatre tueurs se sont égarés dans la foule. Le blanc a une perte de mémoire soudaine mais attendue. Il se retrouve à chercher ses collègues grâce aux photos qu’il a prises d’eux, auparavant, anticipant cet événement. Johnny sous une pluie battante, scrutant les visages de la foule puis ceux des clichés dans sa main, afin d’en associer le réel à son image… C’est l’une des merveilleuses scènes de Vengeance, film orchestré par Johnnie To, le nouveau maître du cinéma d’action hongkongais. Vengeance est un film très classique scénaristiquement, très proche d’un Melville dont il rend un hommage évident avec la présence du personnage Jeff Costello, Hallyday ayant remplacé le Delon du Samouraï de 1967. Oui le scénario est mince, et en plus de cela étouffé par les défauts de mémoire du héros, mais il n’en est pas inintéressant pour autant car il s’avère surprenant, très direct, très stylisé, finalement unique en son genre. En début de film, Costello qui s’apprête à venger sa fille, dont la famille a été massacrée par des malfrats de la triade, se voit confronté à trois autres tueurs, dans un motel, venus effectués leur labeur. Il a l’occasion de les balancer (le témoignage), de les buter. Le film de justicier n’est pas loin et pourtant pas du tout. Costello va prendre ces trois tueurs sous son aile pour l’aider à accomplir sa vengeance. Comme chez Melville pas de moralisme malvenu, To nous montre simplement des tueurs, des humains et quel que soit le bord tous sur la même échelle. Monstres dans les scènes de massacres. Touchants dans leurs intimités familiales. Impressionnant dans le travail, la préparation des coups, les fusillades. Comiques dans des situations plus quotidiennes, moins surréalistes. Et bien entendu chez To il y a une science de la mise en scène, principalement du montage. Jeu d’ombres et de lumières dans un affrontement au clair de lune. Utilisation maximale du vent dans deux séquences phares, une scène de fusillade presque abstraite dans un champ de blé, la scène de révélation finale et cette cravate qui vient trahir son porteur. La pluie aussi où lors de cette dernière séquence d’anthologie elle apparaît, très verticale, prenant une dimension particulière dans les rues de Hong Kong. Rarement les éléments naturels n’auront été autant sollicités dans un film d’action. Probablement l’un des films les plus funky de l’année. J’ai très envie de le revoir…