Archives pour la catégorie Jonathan Demme

Le silence des agneaux (The silence of the lambs) – Jonathan Demme – 1991

22. Le silence des agneaux - The silence of the lambs - Jonathan Demme - 1991Quid pro quo dangereux.

   6.5   On entre dans Le silence des agneaux aux côtés de Clarice Starling, imperturbable, plongée en plein parcours d’entraînement militaire à Quantico, dans une forêt du Tennessee. Point de serial killer ni de psychiatre cannibale encore, point de hurlements d’agneau ni de phalène à tête de mort, mais déjà une volonté de course poursuite doloriste (Les panneaux sur l’arbre : « Hurt, agony, pain, love it, pride ») et de respiration organique : Jodie Foster fait elle-même ce parcours, on le sent, elle souffle fort, sue à grosses gouttes. Puis soudain quelqu’un l’arrête, brise son élan téméraire méthodique et révèle sa timide fragilité. Ce n’est pas encore Lecter ni Buffalo Bill mais un sergent qui lui annonce une entrevue avec son supérieur. L’entrée dans le film se fait donc par l’accompagnement et la plongée : On ne quittera (presque) plus ni ce personnage ni l’ambiance sordide de cette affaire.

     Incroyable de constater aujourd’hui à quel point ce film en préfigure des tonnes. C’est une matrice imparable. Une matrice de tant de films qui paradoxalement le vieillissent, appuient sur ce qui ne fonctionne pas très bien chez lui (scénario un peu mal fichu, esthétique limitée, construction attendue), les mauvais comme les bons : Je suis maintenant convaincu qu’un film comme Zodiac ou qu’une série comme Mindhunter terrassent Le silence des agneaux. Sur tous les points.

     Je ne l’avais jamais revu à vrai dire. Découvert beaucoup trop tôt (par curiosité de braver l’interdiction) et le film avait laissé en moi un sentiment diffus mais désagréable, que j’étais incapable de relativiser : Une aura mythique, un imaginaire trouble mais puissant, au diapason du personnage Lecter, en somme. Ce sont d’ailleurs les scènes avec Anthony Hopkins qui m’étaient vaguement restées : Sa première apparition derrière sa cellule de verre, son arrivée muselé sur le tarmac de l’aéroport puis bien entendu la scène de la cage et son évasion masquée. Des images, ouvertement horrifiques ou conviant l’horreur, qui restent, indubitablement. Et pourtant, ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de plus réussi dans le film, qui n’est jamais aussi beau que lorsqu’il colle à Clarice.

     Alors c’est un bon film évidemment, la mise en scène de Demme est efficace, mais l’ensemble semble presque trop convenu, trop écrit aujourd’hui. Aussi bien dans ces longs dialogues indices / background entre Lecter & Clarice – qui cherchent tous deux à faire parler l’autre – que dans la quête du serial killer en action. True detective est passée par là, probablement. Plus grave, je n’ai cessé de me dire que Michael Mann et son chef d’œuvre Manhunter, avaient su proposer une vraie folie, une personnalité hors norme, à son adaptation du roman de Thomas Harris – Ne serait-ce que dans l’unique apparition du psychiatre ou de l’absolu fascination pour le tueur – tandis que Le silence des agneaux s’avère, bien qu’efficace, assez peu stimulant à tout point de vue si ce n’est quand il colle à son héroïne.

     Formellement c’est assez pauvre. La musique, par exemple, est lourde. Les deux flashbacks n’ont aucun intérêt, sinon qu’ils soulignent ce que l’on a déjà compris. Et les grands lieux du film (La prison de verre, la cage de Lecter, la cave de Bill) sont assez décevants, on a la sensation que Demme ne sait pas trop comment les filmer : Créer ici l’impression qu’il n’y a pas de verre puis l’oublier, épater sur un plan de cage pour ne rien en faire, parcourir l’étrangeté d’une cave puis se gaufrer dans un banal train fantôme avec vision nuit à l’appui. Le film est un peu surestimé je pense.

Dangereuse sous tous rapports (Something wild) – Jonathan Demme – 1987

02. Dangereuse sous tous rapports - Something wild - Jonathan Demme - 1987Locos de amor.

   6.0   Je ne connais pas du tout la première période de Jonathan Demme, celle qui semble avoir essentiellement été émaillées de comédies dites dramatiques. Rien de surprenant quand on observe sa fin de carrière avec les deux beaux films que constituent Rachel se marie et Ricki & the Flash. Plus surprenant quand on se souvient que Demme est celui qui se cache derrière Philadelphia ou Le silence des agneaux.

     Tout ça pour dire que Something wild ne ressemble pas vraiment à ses deux plus gros succès. C’est une chouette comédie en deux parties. Sorte de road movie débridé d’abord, dans lequel Lulu (Mélanie Griffith, à peine sortie de Body double) une mystérieuse femme libre et sexy « enlève » dans un snack Charles (Jeff Daniels, tout juste la trentaine) un banquier marié, coincé, dans une équipée sans limites, aux rebondissements à la pelle et aux dialogues pêchus.

     Ou presque. Puisque le film, comme Lulu qui devient Audrey, alors de retour dans la ville de son enfance, se métamorphose complètement. Charles a pris goût à cette nouvelle vie mais la jeune femme semble attirer par quelque chose de nettement moins excentrique. Et tous deux feront éclater de gros secrets. Qu’on en apprenne constamment de nouvelles sur les personnages est la bonne idée du film, lui conférant une écriture riche et lui préservant son tempo soutenu.

     C’est notamment dès qu’apparaît Ray Liotta (qui campe l’ex de Lulu/Audrey) que le film effectue un virage vers le thriller. Pas ce qu’il fait de mieux même s’il faut lui reconnaître deux atouts : Une aisance dans la gestion de son suspense (Qu’il confirmera quelques années plus tard dans son film multi oscarisé) et Ray Liotta, assurément cinglé et flippant, dans chacune de ses apparitions où on ne sait jamais s’il va exploser de rire ou péter une durite.

     L’espace d’un instant j’ai pu voir comme un lien entre ce film-ci (Qu’on considère comme son premier relatif succès) et son dernier : Dans la manière que Demme a de filmer le groupe scénique – On sait qu’il est l’auteur d’un docu sur une performance live des Talking Heads. La scène pivot contient une longue séquence dansante dans laquelle il filme magnifiquement le groupe en prestation, comme il le faisait si bien dans son film avec Meryl Streep.

Ricki and the Flash – Jonathan Demme – 2015

16473494_10154408794637106_6578273255252355862_nLet’s Work Together.

    6.5   Meryl Streep campe ici une rockstar qui écume les petits bars pour y jouer avec son groupe un répertoire de standards allant des Stones à Lady Gaga. Elle est aussi la mère de trois enfants qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs années, qu’elle n’a pas même élevés, puisque elle aura consacrée ses années 80 à sortir un disque, puis plus rien, avant ses longues années de traversée du désert tout en reprises le soir et une vie de caissière le jour. C’est fou ce que Meryl Streep peut jouer, tout en fait et être impliquée dans tout ce qu’elle joue : C’est elle qui chante, qui joue de la gratte ici – On raconte d’ailleurs qu’elle aurait pris des cours avec Neil Young, rien que ça – et le réalisateur la filme admirablement ainsi que l’ensemble des prestations scéniques.

     Je n’attendais pas grand-chose de ce film alors que Demme (Capable aussi bien de faire Le silence des agneaux que de filmer un concert des Talking heads (Stop making sense, 1984) ou de faire le remake d’un film de John Frankenheimer) m’avait agréablement surpris avec son semi-Festen, le très beau Rachel se marie (2009) qui se déroule intégralement pendant un mariage (et ses préparatifs) durant lequel individualités et non-dits se collisionnent pour faire ressurgir les crises et conflits les plus enfouis.

     Là aussi il y a un mariage. En fait il ne s’agit que de ça. D’une retrouvaille entre deux anciens amants, mariage raté qui aura laissé trois gosses derrière lui. Et d’un mariage avorté puisque Ricki, appelée au secours par son ex-mari, s’en va retrouver sa fille qui vient de se faire larguer sur l’autel et qui a fait une tentative de suicide ; Avant qu’elle n’assiste plus tard, au mariage de son fils – Inutile de préciser que les retrouvailles globales seront tendues. Au premier abord ce n’est pas ce que le film réussi de plus franc, dégageant un peu trop nettement des caricatures de personnages dissemblables (Le fils gay, la fille dépressive, le fils prodigue, le père effacé richissime, la mère redneck extravertie et peinturlurée) pourtant c’est dans la renaissance de Ricki au contact de ceux qu’elle a laissé de côté que le film trouve ses meilleures inspirations : Les échappées avec sa fille, les rapprochements avec son ex-mari. Mais aussi tous ces instants avec l’homme qui partage la scène à ses côtés, guitariste d’une douceur inouïe qui semble porter sa croix au moins autant qu’elle.

     Jamais le film ne va la jouer cynique. L’exemple le plus parlant c’est la façon dont il brosse la relation entre Ricki et la nouvelle femme de son ex-mari, l’autre mère de ses enfants, comme elle le soulignera d’elle-même lors de sa bouleversante intervention finale. Ricki sait qu’elle n’a pas donné assez. Mais elle est musicienne, la seule chose qu’elle sache faire c’est jouer sa musique donc si elle ne peut rien offrir d’autre elle peut jouer. La fin et sa reprise d’un morceau de Bruce Springsteen est magnifique, bouleversant. Et sous ses apparences de feel good ending le film ouvre une brèche, un espoir pour vivre ensemble. Si les thèmes sont relativement éloignés, j’ai beaucoup pensé à Transparent, la série de Jill Soloway (Six feet under) qui à sa manière, dynamite aussi les stéréotypes de la bonne petite famille américaine.

Rachel se marie (Rachel getting married) – Jonathan Demme – 2009

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Breaking party.

     7.0   Le temps d’un week-end et le mariage de Rachel, pour découvrir tous les secrets, tous les problèmes, les souvenirs qui surgissent – ont surgis - au sein de cette famille bourgeoise typique. Une famille accompagnée d’une autre. Celle du futur mari de Rachel. L’essentiel tourne autour de la petite soeur, ex-junkie sur le repentir qui souffre d’un passé néfaste et s’est forgée la réputation de boulet de la famille. Pas de lourds secrets incestueux à la Festen – même si on l’évoque un instant - mais plutôt un drame ancien, qui semble avoir délié le quotidien de la petite famille provinciale.

     Un week-end festif. Un week-end pour s’évader, pour oublier. Les engueulades ressurgiront mais c’est bien ce climat de liesse qui laisse ds traces après la vision du film. Des séquences absolument magnifiques comme ce face to face père/gendre au lave-vaiselles ; la scène classique du repas où chacun lèvera son verre à tour de rôle et proposera un discours ; et l’instant de la danse, illustration parfaite d’une ambiance plus tendre que houleuse même si l’on est constamment sur le fil.

     On pense parfois à Cassavetes, tant l’image du groupe, des mimiques dans le groupe, des colères dans le groupe, des cris de joies dans le groupe semblent authentiques. La fin rappelle même A woman under the influence. Le rideau que Peter Falk ferme a disparu mais c’est bien dans un style identique que l’on quitte ce groupe que l’on a appris à apprivoiser, à connaître, chaque personnage étant distillé à merveille, chaque comédien jouant à la perfection.

     La mise en scène digne d’un Von Trier ou d’un Vinterberg fait un peu mal au crâne par moment mais si tant est que l’on soit rentré dans le film on n’en sort tout de même pas de sitôt.


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