Archives pour la catégorie Judd Apatow

La bulle (The bubble) – Judd Apatow – 2022

12. La bulle - The bubble - Judd Apatow - 2022Boring people.

   2.0   Comment un cinéaste auquel on tient fort et qui vient à peine de réaliser son plus beau film (The king of Statten Island = Chef d’œuvre) peut-il se fourvoyer de la sorte en pondant dans la foulée, à la fois son plus mauvais film mais aussi l’un des pires trucs vus cette année ? On a pris l’habitude, depuis deux ans, de tout mettre sur le dos du Covid alors ne changeons rien, d’autant qu’il fait partie intégrante du film : Apatow lui aussi sera tombé dans le piège du « film de confinement » qui est devenu un genre, d’un opportunisme nauséabond et d’une pauvreté artistique abyssale. Apatow n’y changera rien. La bulle d’isolation ici est moins le reflet d’une bulle dans la bulle ou d’une créativité en circuit fermé qu’une énième démonstration que la pandémie tue la dite-créativité. Le film n’ira pas plus loin que sa faible satire du monde du showbiz. Les coulisses du tournage d’un blockbuster ne génèrent rien, aucune idée de cinéma, et encore moins de génie comique et folklorique que l’idée de base promettait. J’adore Apatow, hein, qui ne m’avait jamais déçu, même quand tout le monde s’accord à l’être (This is 40) ou quand il change de braquet (Crazy Amy) mais là franchement j’ai trouvé ça tellement consternant je ne m’en remets pas. Ça ne lui a pas réussi la crise sanitaire, dis-donc.

The king of Staten Island – Judd Apatow – 2020

10. The king of Staten Island - Judd Apatow - 2020De fil en aiguille.

   9.0   Tandis qu’il avait choisi Amy Schumer dans son précédent film, tournant (féminin) qu’avait constitué Crazy Amy, sur un scénario qu’elle avait écrit, il prend ici Pete Davidson, figure montante de la comédie américaine, révélé par le Saturday Night Live, en délivrant un récit là-aussi ouvertement autobiographique.

     Et si Apatow prolonge son cinéma tirant vers le conformisme réconciliateur et l’appel de la normalité, obsessions qui émane de chacun de ses films, il brouille une fois de plus les pistes : Car il ne l’évoque jamais, pourtant The king of Staten Island n’est-il pas l’un des plus beaux films post 11 septembre ?

     Afin d’avancer cela et avant de comprendre la puissance de ce dernier plan – subtil, majestueux – il faut bien entendu parler de la conception de ce film. Il est co-écrit avec Pete Davidson, le garçon qui joue Scott. Mais Scott, en vrai, c’est le prénom de son père, pompier décédé lors des attentats des tours jumelles. Scott, enfin Pete, n’avait alors que sept ans. Comme dans le film.

     Il faut voir la subtilité, la pudeur avec laquelle cet élément pivot est incorporé dans le récit. C’est là en permanence, puisque c’est ce qui construit le personnage, ce post-ado scotché à la beuh et à sa mère (quel bonheur, on ne le dira jamais assez, de voir et revoir Marisa Tomei) néanmoins le film s’en détache aussi tout le temps, en multipliant les personnages, les scènes de groupe et situations ubuesques typiques du cinéma si généreux de son auteur : La relation ambiguë avec son amie d’enfance, le détachement avec la petite sœur (la fille Apatow, fidèle au poste), la rencontre difficile avec Ray, le copain de sa mère, les glandouilles avec les potes etc.

     Un peu tardivement – comme calquée sur l’évolution invisible de son héros – le film offre une place de choix aux enfants, ceux de Ray, qui deviennent un peu les miroirs de Scott, et une sorte de prolongement vers son émancipation puisque c’est lui qui bientôt est chargé de les accompagner à l’école.

     En somme, The king of Staten Island est un beau film sur les pères. Le père absent dont il faut faire le deuil ; Le père de substitution qu’il faut apprendre à apprivoiser ; Le père que l’on peut devenir ; Et plus méta, le père spirituel, incarné par Apatow lui-même. La figure paternelle est partout.

     Ainsi et malgré ses éclats de comique pur, c’est un film plus douloureux. Scott a perdu jeune son père. Et s’il refuse d’avancer, contrairement à sa petite sœur qui n’a pas eu le temps de connaître son père, c’est d’abord que Scott refuse de se plier au changement par crainte d’un bouleversement si fort que celui qu’il a jadis vécu ; ensuite parce que la figure héroïque du père l’empêche de prendre son envol, en tant que fils et en tant qu’homme.

     Il préfère couvrir sa peau (et celles des autres) de tatouages, comme s’il ne pouvait vivre son histoire autrement qu’en la dessinant par la colère, à renfort d’aiguilles dans la chair même. C’est une somme de micro évènements qui le guidera vers cette transformation. Une cassure, une rencontre et un retour aux origines qu’il n’aura guère choisi mais qui seront les fondements de sa résurrection.

     C’est essentiel à mes yeux, tant j’aime chaque film de ce mec : The king of Staten Island est, à chaud, le plus beau film d’Apatow. Et bien que l’accent soit plus mélodramatique qu’à l’accoutumée, on lui retrouve sa force comique, ses joutes verbales, son écriture minutieuse, sa sensibilité évidente.

     A part ça, le chef opérateur n’est autre que Robert Elswit (qui a notamment beaucoup travaillé avec Paul Thomas Anderson) et ça a son importance, tant le cinéma d’Apatow s’embarrasse généralement peu d’une photographie indispensable. C’est souvent un peu télévisuel. Pour ne pas dire tirant vers la sitcom, dans sa théâtralisation et sa lumière. Et là pas du tout. Son film est beau, lumineux et brut. C’est une merveille absolue.

40 ans, toujours puceau (The 40 year-old virgin) – Judd Apatow – 2005

09. 40 ans, toujours puceau - The 40 year-old virgin - Judd Apatow - 2005Le 13e guerrier.

   8.5   C’est très étrange de revoir ce film aujourd’hui. De constater combien il a posé les jalons de la néo-comédie américaine. 40 ans, toujours puceau, première réalisation d’Apatow, fête cette année ses quinze ans. Son auteur n’avait alors réalisé que quelques épisodes de séries pour Freaks & geeks (qu’il produisait) ou Undeclared (qu’il a créée). Et deux ans avant Knocked up il choisit de mettre en scène cette idée instiguée par Steve Carell, provenant d’un sketch que ce dernier a lui-même crée. Et ça se fera donc avec Carell lui-même, qui trouve son premier rôle de cinéma après une carrière télévisuelle. Et c’est une révélation.

     Steve Carell incarne Andy (comme le prénom du petit garçon dans Toy Story) puceau de quarante ans, qui collectionne les figurines de super-héros qu’il érige précieusement sur des étagères et dans leurs emballages. Il est vendeur dans un magasin de hi-fi dans un magasin où il arrive et repart chaque jour avec son vélo, dont il garde toujours près de lui sa roue avant. Il est complexé, puceau, bref c’est un adolescent coincé dans un corps d’adulte. Son corps se rebelle tellement contre lui qu’il lui pisse dans la tronche au réveil. Un corps tout en convulsions souterraines, qu’il s’échine à masquer à tout prix.

     Il me semble que The 40 year-old virgin est la comédie parfaite pour représenter la Génération X, la 13e génération, comme on les appelle aussi. Et qu’il s’adresse, contrairement aux films du genre qui l’ont précédé, aux adultes. C’est un vrai teen-movie pour adultes. Et ça ne l’empêche évidemment pas de nous partager son étendue burlesque et regressive lors de séquences désopilantes, d’ores et déjà entrées à la postérité, comme celle de l’épilation du torse, où Carell insulte à tout va à chaque feuille de cire arrachée.

     On pourra toujours trouver que le film manque d’envergure formelle. En effet, on sent très vite que l’idée, le pitch, le scénario, les situations, l’écriture des personnages – même les plus secondaires, féminins et masculins – seront le point fort du film. La réalisation d’Apatow est scolaire, au service du reste, si minimaliste (dans ses plans, ses décors, ses lumières) qu’on n’est parfois pas si loin du théâtre voire de la sitcom. D’autant que le film se déroule en majorité en intérieurs, dans des lieux qu’on retrouve régulièrement.

     C’était la cinquième fois que je le voyais et ce que je suis sûr c’est que je l’aime chaque fois davantage. C’est une affaire d’équilibre parfait, un grand film qu sait être très drôle et très gras, mais aussi très sensible et touchant. Si Steve Carell est effectivement génial là-dedans, il ne faut pas oublier de parler des autres, plus secondaires ici mais non moins fondamentaux, élèves de l’école Apatow que pour la plupart on recroisera plus d’une fois. C’est malin maintenant j’ai hyper envie de revoir En cloque mode d’emploi, Supergrave, Bridesmaids et d’autres.

Crazy Amy (Trainwreck) – Judd Apatow – 2015

crazy-amy-3-bonnes-raisons-d-apos-aller-voirShe’s a Mystery to Me.

   6.5   C’est la continuité de ce qu’est devenu Apatow. Loin de se métamorphoser, il a créé un nouvel espace de taille dans ses films en y injectant une dimension éminemment féminine, qu’il produise (On a pu le constater avec le génial Bridesmaids et Girls, la superbe série de Lena Dunham) ou qu’il réalise. This is 40 ouvrait le début de ce prolongement. Ce qui était d’autant plus touchant d’y voir Leslie Mann, sa propre femme, y campé le premier rôle. Crazy Amy parachève ce glissement en offrant un premier rôle central absolu à Amy Schumer, qui est connu aux Etats-Unis pour ses stand-up olé olé. Tandis qu’Apatow a toujours écris ses propres films, il reprend cette fois le scénario d’Amy Schumer, majoritairement autobiographique dans la caractérisation de ce personnage, puisqu’elle se joue à l’écran. Le plus intéressant là-dedans est de voir combien le cinéma d’Apatow n’a pas changé. Il se déplace, mute, se déforme mais ne se fourvoie jamais. Lorsqu’il dérive vers la rom’com plus convenue dans la dernière demi-heure, il reste Apatow, soit celui qui a toujours dérivé vers le plus convenu, sans entrer non plus dans l’ennui puisqu’il garde son univers trash, sa forme étirée, son goût exquis pour les références, cet espèce de faux rythme indolent qui lui est coutumier. J’ai néanmoins sensiblement le même problème qu’avec Funny people à savoir que je trouve le film beaucoup trop long, mais dans le même temps il me paraît important dans son évolution ; Comme j’étais ravi de le voir faire This is 40 après Funny people, je suis réjoui de le voir se lancer dans Crazy Amy après This is 40. Je lis justement ces temps-ci le livre d’entretien entre Burdeau et Apatow et je me rends compte à quel point j’aime infiniment ce type et l’univers qu’il a créé et le courant qu’il a lancé. De plus en plus. Et l’idée, comme celle qui traverse tout le récit de ce dernier film (ce qui permet de voir pourquoi ils ont tous deux travaillé ensemble), d’une fascination quasi obsessionnelle pour la normalité, la famille, une volonté de s’y fondre, tout en gardant sa trash attitude qui le(s) caractérise. C’est assez passionnant, je trouve.

40 ans, mode d’emploi – Judd Apatow – 2013

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Désordre.

   8.0   J’ai toujours ressenti un décalage embarrassant chez Apatow entre la marginalité revendiquée et un certain conformisme formel aux finitions sirupeuses. Mise en scène et scénario passe-partout pas vraiment adaptés aux personnages décalés qu’il aime créer et approfondir. A ce titre, en y resongeant, je trouve Funny people quasi exécrable, d’un orgueil sans nom : Tunnels de dialogues et bonne humeur dépressive. C’est un film clown triste. Une vieille bâtisse qui se prend pour un édifice post-moderne. Peut-être me faudrait-il le revoir. Si This is 40 est à ce jour ce que je préfère chez Apatow cinéaste – Superbad n’étant qu’une de ses productions – c’est justement parce que je ressens cette normalisation au travers même de sa construction narrative et du devenir de ses personnages. En un sens je trouve la démarche nettement plus honnête. Autant que l’était Knocked up, ôté cette fois de son caractère attractif – la durée d’une grossesse.

     Tout est déjà dans cette première scène : un couple fait l’amour sous la douche. Ses gémissements prouvent qu’elle prend son pied mais reconnaît être surprise de ce regain d’énergie et il lui avoue, en plein coït, qu’il a pris du viagra. Evidemment, le plaisir se brise et une scène de ménage s’installe. Ce désordre là n’aura de cesse de créer un décalage. Chaque nouvelle tentative est avortée, qu’elle provienne ou non d’un désir de rajeunir, de rejouer ses vingt ans, ses trente ans, de continuer à se surprendre – L’issue de la scène de la pipe est à ce titre absolument terrifiante. En fin de compte, je trouve que c’est le Apatow le plus terrible, le plus triste, dans la mesure où sa coolitude est systématiquement renversée par une gêne, un cercle d’incompréhension qui ne cesse de s’étoffer. Le happy end final illustre à lui seul cette carapace qui tente de vaincre tous les désagréments et si le film s’achève sur ce baiser sulfureux il ne masque aucunement la possibilité d’emmerdes exponentielles à venir. Sans compter que l’on peut le voir comme un spin off de En cloque, mode d’emploi, dans lequel Pete et Debbie et leurs enfants étaient déjà de la partie, légèrement en retrait, mais le couple était déjà animé de contradictions similaires, lui aimant en secret se réfugier dans un groupe de baseball imaginaire, dans lequel il retrouvait son indépendance, et un peu de sa jeunesse. Ce parti pris de reprendre ce couple là où on l’avait laissé, à savoir dans un climat de retrouvailles réelles mais éphémères, renforce son côté mélancolique. Aussitôt le film terminé, une seule envie : se replonger six ans plus tôt, ce que j’ai fais illico.

     This is 40 est construit comme une simple chronique, sans but, sans climax. Tout est répétitions, il n’y a pas de colonne vertébrale. Les films d’Apatow étaient toujours plus ou moins cérémonieux, nourris de ces déclinaisons orgasmiques, qu’il s’agisse d’un accouchement en point d’orgue ou d’une soirée de rupture. Là, rien de tout ça. C’est une succession d’éventualités heurtant la vie de ce couple quadragénaire. Tous les soubresauts d’apparence fondamentale sont dynamités de leur dessein autiste. Cette nouvelle grossesse en est l’exemple parfait. Apatow ne se joue pas du moment tant attendu où la famille l’apprendra, au mieux cela va durer cinq minutes mais on comprend rapidement que ça ne l’intéresse pas et encore moins que la révélation provienne de là où on l’attend – de la bouche de cet enfant un tantinet traumatisé dont on croit être le seul à connaître le petit secret. Si le film joue énormément sur la trivialité des dialogues, la banalité des situations familiales, le cinéaste lui insuffle malgré tout son style. On ne se parle pas derrière la porte des toilettes, on l’ouvre bien grand. On a droit à un débat truculent père/fille confrontant Lost et Mad Men : Les films d’Apatow ont toujours été des nids à référence et à citations, c’est aussi pour cela qu’on les aime. On peut passer d’une scène scato où il demande à sa femme de lui regarder l’anus afin de détecter une hémorroïde à une discussion sur le lit conjugal sur l’envie et les moyens que l’on emploierait éventuellement pour se débarrasser de l’autre. De ce point de vue c’est d’ailleurs, curieusement, extrêmement effrayant et avec le recul plutôt gênant – ne pas oublier que Leslie Mann, qui interprète Debbie, est la femme de Judd Apatow à la ville, que les deux demoiselles sont ses propres enfants – dans la mesure où les personnages passent un temps fou à se haïr, que cela provienne d’une avalanche de fuck de la part de la fille ainée ou du doigt d’honneur masqué, insolemment lâche, dans les toilettes. On ne voit jamais ça dans la comédie, ou seulement en tant qu’esquisse. This is 40 est un grand film sur l’exaspération.

     C’est un peu la nouveauté : de ne pas avoir à faire à une succession de saynètes emboitées les unes aux autres, répondant mécaniquement à la précédente. C’est un film patchwork, sans narration précise autre que celle de la chronique. Il y a souvent chez lui des petits parallèles en guise de remplissage, hilarants mais sans autre but que de parfaire sa dimension burlesque, on se souvient du running gag dans Knocked up où l’un des potes fait le pari de ne pas se raser pendant un an dans le but de ne pas payer son loyer et il doit alors affronter, tout le film durant, une horde de moqueries sur sa déchéance physique. This is 40 ne recherche jamais cette facilité là. C’est donc deux heures un quart de statisme évolutif durant lesquelles le couple aura compris qu’il n’aimait pas sa vie, mais que face à l’impuissance de la modifier il s’en contentera. Comme s’ils étaient des grands enfants, incapables de prendre les choses en main. Des gosses. D’ailleurs, le temps d’une scène magnifique, le film se permet de faire le portrait complice de leurs deux enfants, qui jusqu’ici apparaissaient devant eux, en totale conflit et contradiction. Une fraternité qui aurait pu ne pas exister ou être oubliée. Mais durant ces quelques secondes donc, la cadette ramène les affaires confisquées à sa sœur, tout cela dans le dos des parents, évidemment. Apatow nous offre ce privilège là, il nous offre de voir ce que les adultes ne voient pas, quelque part il s’offre ce cadeau là.

     Et c’est la première fois chez Apatow que les séquences durent pour ce qu’elles dessinent, le malaise qu’elles installent, non pour un certain comique de situation à l’absurde tombé du ciel – se rappeler de la séquence balourde de l’équipée policière dans Supergrave, ou de la scène de l’épilation dans 40 ans toujours puceau, drôle certes, mais hyper théâtralisée. Finalement, Apatow se permet cette absurdité paroxystique dans le générique final uniquement, qui mise tout sur une seule scène, celle du rendez-vous avec la directrice, version trash de celle qu’on a déjà vu une heure auparavant. Melissa McCarthy, déjà géniale dans Bridesmaids, y est particulièrement mise en avant et elle est sensationnelle. Elle vomit son texte de haine, imperturbable, pendant que les deux autres, assis à côté, sont pliés en quatre. C’est le moment le plus désopilant du film mais ce n’est pas un McGuffin à la Very bad trip, c’est un petit cadeau, une sorte de bêtisier, une friandise en guise de fin. Cette outrance chez Apatow est toujours judicieusement travaillée, contournant toute vulgarité mise en scénique en étirant les séquences jusqu’à l’embarras, en produisant une sorte de fausse dynamique du rire relayée dès la séquence suivante, comme lorsque Pete pète au lit à répétition ou comme lorsque Debbie fait des exercices musculaires avec son coach à la douceur douteuse. Ailleurs on trouverait ça atroce mais chez Apatow c’est génial, je pense que c’est principalement dû au fait que je n’ai pas l’impression qu’il écoute ses blagues, je pense qu’il adore ce qu’il écrit – et il peut – mais ses films s’émancipent aisément de cette autocélébration du rire. C’est ce que j’adore chez lui : j’y vois des idées et des situations magnifiques et drôles, parfois même hilarantes, vraiment, mais je ne garde pas de punchlines en mémoire, ses films sont des touts et en aucun cas ils donnent l’impression d’exister grâce à leurs répliques.

     Pour finir, je voulais souligner la richesse du film. Il se passe des choses très fortes dans les rapports entre tout un chacun, aussi parce que le cinéaste donne une envergure étonnante à son récit en le déployant jusqu’aux rapports aux pères respectifs, au mal-être des deux fillettes ainsi qu’aux différents problèmes existentiels du couple, lié à cette fameuse crise de la quarantaine, crise du corps se modifiant, crise de la mort se rapprochant, tout du moins dans l’évocation de problèmes de santé, des check-up anatomiques, la question de l’impuissance, de la ménopause. Les dialogues n’ont jamais été aussi bien écrits et aussi bien interprétés. Tout le monde, je dis bien tout le monde, est absolument extraordinaire, dans ce qu’il a de plus étouffant, sinistre ou bouleversant. C’est la première fois que je vois Paul Rudd comme cela (même s’il était déjà excellent dans Knocked up mais principalement cantonné dans un registre comique). Et la beauté du film est de montrer deux facettes de cet âge redouté, sans rien placarder, tout en finesse dans la dichotomie. D’en faire à la fois l’âge le plus terrible, l’âge de la crise, la première depuis celle de l’adolescence, en fin de compte, comme on aime se le dire, par convention. Mais aussi le plus bel âge de la vie. L’âge des carrefours. Sans doute le dernier âge ingrat avant la sagesse. This is 40 me semble être un portrait assez juste d’une quarantaine américaine bourgeoise, avec cette difficulté d’être à la fois parent de ses enfants et enfant de ses parents. De rester l’enfant, de devenir parent. La charge du passé, l’angoisse du futur.


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silencio


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