Au nord : des rails.
8.0 Sur le papier, Compartiment n°6 est entièrement calibré pour moi : C’est un film d’amour + un film de train + un film de neige. A l’arrivée, aucune déception : c’est formidable, vivant, mystérieux, en mouvement permanent, jamais racoleur mais toujours sur la brèche.
Tout est très ténu, chez Kuosmanen : Il n’y a pas de background ni de climax ni de grandes phrases ; d’ailleurs, les personnages (il est russe, elle est finlandaise) ne se comprennent pas très bien. Ça se joue alors sur un dessin, un baiser aussitôt évaporé, un « je t’aime » mal traduit.
Il n’y a même pas de résolution, elle-même filmée au même niveau que le reste du film : Il n’y a que le voyage. « Voyage voyage » chante Desireless à plusieurs reprises : Rien qui ne soit dans l’illustration non plus puisque la chanson s’échappe du walkman de Laura, qui s’y évade sans doute pour resonger à sa danse avec Irina d’avant son départ.
C’est à la fois pas du tout un feel-good-movie dépressif façon Lost in translation ni un film psychologico-pop façon Julie (en douze chapitres). Mais il y a là-aussi l’idée du portrait de femme, puisqu’il s’agit de suivre Laura, finlandaise installée à Moscou, ayant décidé d’effectuer un voyage vers Mourmansk, afin d’observer les pétroglyphes. Et il s’agit aussi de filmer une rencontre, celle avec Ljoha, son voisin de couchette, ouvrier minier qui file à Mourmansk pour travailler.
Le film se déroule quasi intégralement dans un train et on y est, on le ressent. Sans qu’on en éprouve le temps non plus, tant le film semble suspendu : On ne sait pas bien dans quelle époque il se déroule (Fin des années 90, probablement) ni combien de temps dure ce voyage. Mais il y a une vraie sensation du voyage. Le film navigue dans une temporalité perdue, qui va de pair avec son sujet : Un voyage en forme de retour vers les marques de la Préhistoire.
C’est un film spontané, très physique, qui pourrait aller n’importe où, et qui m’a rappelé l’effervescence des Amants du Pont-neuf, le décor dense de Carax y étant remplacé par l’exiguïté des couloirs et compartiments d’un train.