Archives pour la catégorie Jules

Paddington au Pérou (Paddington in Peru) – Dougal Wilson – 2025

11. Paddington au Pérou - Paddington in Peru - Dougal Wilson - 2025Terre des ours.

   5.0   Il y a sept ans nous étions allés mon fils et moi voir le volet deux des aventures de Paddington. Sa petite sœur n’avait pas un an, c’était un peu juste. Récemment, elle m’a raconté avoir vu en classe le premier film donc l’idée d’aller voir Paddington au Pérou, le troisième chapitre donc, est devenu une priorité. Aujourd’hui, le grand n’était pas ultra motivé pour aller voir Paddington, mais il a suivi. Et c’était chouette, comme toute sortie cinéma en famille. Le film est particulièrement bien rythmé, assez beau visuellement, comme les deux autres. Néanmoins avec l’absence de Paul King (qui a préféré faire Wonka) à la barre je trouve qu’on y perd autant en charme british qu’en fluidité graphique (trop de numérique) et au niveau découpage : il y avait quelque chose de Wes Anderson, de Tintin, dans le précédent, qui le rendait foisonnant, plus inventif, dans chaque plan. En revanche, quel plaisir de voir un nouvel espace, ici la jungle amazonienne et puisqu’on y traverse fleuve et forêt, je repense à African queen, Aguirre la colère de dieu, A la poursuite du diamant vert ou Indiana Jones. Ça n’arrive évidemment pas à la cheville de tout ça mais c’est un film d’aventures très plaisant, avec des références burlesques à Buster Keaton, dont une évidente à One week. Bref c’est un bon divertissement pour les enfants.

Flow – Gints Zilbalodis – 2024

34. Flow - Gints Zilbalodis - 2024L’incroyable voyage.

   8.0   Dans un monde où la présence humaine n’est plus qu’un lointain souvenir (une cité abandonnée, des objets disséminés, un dessin perdu, des statues oubliées…) un chat et bien d’autres animaux (labrador, capybara, lémurien, serpentaire) vont affronter un déluge et tenter de survivre (sur un vieux bateau à voile, ultime vrai vestige de l’humanité) sur une terre envahie par les eaux.

     On ne saura rien de cette absence des Hommes pas plus que nous aurons d’explications quant au surgissement de cette crue (puis décrue) gigantesque. Le film n’est pas plus une fable écologique qu’un survival doublé d’un long voyage initiatique vers une forme d’harmonie naturelle entre les éléments, la vie et la mort. Une douce apocalypse traverse tout le film, or elle nous restera mystérieuse.

     Mais c’est bien entendu la forme qui fera date : une plongée numérique, dans un tourbillon permanent, sans paroles, sans socle narratif évident, offrant à l’animation (sublime) et au son (incroyable) un boulevard magnifique. C’est une narration par le décor, en somme, avec de très longs plans séquences et une caméra en mouvement constant.

     Il y a probablement une inspiration toute droit venue du jeu vidéo, mais étant donné que je ne m’y connais absolument pas, je ne me risquerais pas à la comparaison. De mon côté j’y ai entrevu du Miyazaki, dans son rythme, sa mécanique, jusque dans cette scène d’élévation spirituelle (histoire de ne pas trop en dire) qui évoque une poésie similaire. La fin, quant à elle, m’a évoqué Les harmonies Werckmeister, avec cet œil de baleine agonisante.

     Si je dois émettre quelque grief je dirais que les animaux, bien que délestés d’un langage humain, sont tout de même humanisés (dans leur façon de survivre notamment, le poids communautaire, cette idée que l’union fait la force…) et que l’anthropomorphisme guette ici ou là : Le chat qui met ses pattes sur ses oreilles pour ne pas entendre un bruit strident, par exemple. Non, un chat ne fait pas cela. Là on dirait le Saint-Bernard dans Beethoven II lorsqu’il se cache les yeux pour ne pas voir ses maitres en train de danser. Ou n’importe quel personnage animal dans un Disney.

     Quand ta promesse initiale (et quasi entièrement tenue, si on excepte le serpentaire qui sait barrer, la découverte émerveillée de la cité sous les eaux, le coup de la liane à la fin…) c’est de ne pas faire d’anthropomorphisme (à commencer par ne pas les faire parler et heureusement ce pari-là est entièrement respecté) c’est dommage de ne pas le tenir jusqu’au bout.

     Ça rend le geste peut-être un peu moins radical qu’au préalable (disons peut-être plus pédagogique : le film est destiné à tous les publics, vraiment et pour y être allé avec des enfants de six, sept, onze et douze ans, je confirme) mais pas moins impressionnant, poétique, philosophique, ludique, contemplatif et mystérieux.

Vice-versa 2 (Inside out 2) – Kelsey Mann – 2024

03. Vice-versa 2 - Inside out 2 - Kelsey Mann - 2024A mind at freeze.

   5.0   Passé le plaisir évident d’accompagner mes enfants pour voir la suite des aventures de Riley et ses émotions (j’en ai déjà parlé, c’est un Pixar important chez nous et accessoirement l’un des films qui me font le plus chialer au monde) et de voir mes enfants adorer, désirer illico le revoir… bah moi je suis déçu, je dois dire.

Déçu car j’attendais beaucoup de cette suite, à la fois en tant que prolongement mais aussi en sa faculté à faire table rase. Riley n’avait plus dix mais treize ans : ce n’est plus du tout le même cortex cérébral.

La promesse d’un changement lié à la puberté semble d’abord tenue, dans la mesure où il faut accueillir de nouvelles émotions : Anxiété, Ennui, Envie, Embarras et Nostalgie. L’idée qu’elles soient cinq, en conflit avec les précédentes qui étaient déjà au nombre de cinq, m’a d’emblée dérangé. J’ai trouvé cela très schématique. Aussi, pourquoi ces émotions débarquent-elles chez Riley seulement à treize ans ? Et pourquoi uniquement celles-ci ?

Mais le plus problématique fut de constater combien toutes ces nouvelles émotions, à l’exception d’Anxiété, sont assez pauvres, bâclées du point de vue de l’écriture. Elles occasionnent quelques gags, notamment via Ennui et Embarras, mais c’est hyper attendu, sans autre idée que ce tableau de bord du QG des émotions autrement plus imposant, voyant Puberté compris, qu’on avait déjà évoqué, en tant que blague, dans le premier volet.

Plus problématique : je trouve dommage que les émotions initiales n’évoluent pas. Que Joie et Tristesse se retrouvent dans un processus finalement similaire au premier film (Joie qui doit accepter de ne plus être la cheffe de groupe, Tristesse qui doit prendre conscience de sa place dominante) tandis que les trois autres continuent de faire gags.

En réalité cette suite m’a semblé très poussive. Caressant dans le sens du poil aussi bien les enfants que les parents, de même que les adorateurs du premier : la construction est la même : le lieu des croyances ressemblant in fine à celui des limbes, les personnages de l’enfance répondant à celui de Bing Bong, la séquence en papier reprenant celle ses allégories. Et pire, de constater que d’évoquer ce fort désir de réussite et cette crainte de l’échec produit chez Riley autant de remous intérieur (un effondrement global) que la dépression qui la gagnait dans le premier film.

J’ai eu la sensation de voir le strict minimum de ce que Vice-versa version crise d’ado pouvait nous offrir. De voir un film attirer pile là où je pensais qu’il irait : un teen-movie comme un autre, in fine.

Le terme est fort, trop sans doute car le film est agréable à regarder, rythmé, drôle et le micro-ondes est de qualité, mais ça sent le réchauffé, franchement.

La super Patrouille, Le film (Paw Patrol, The mighty movie) – Cal Brunker – 2023

20. La super Patrouille, Le film - Paw Patrol, The mighty movie - Cal Brunker - 2023Prêts pour un petit tour dans les airs.

   4.0   Le premier film était centré sur Chase. Celui-ci, comme attendu, sera l’épisode Stella. Rien de neuf sinon que cette fois, les pat’patrouilleurs sont affublés de supers pouvoirs provoqués par la chute d’une météorite magique. Bref, vraiment rien de neuf, quoi puisqu’il s’agit aussi d’empiéter paresseusement sur les terres standardisées du cinéma de supers héros, avec la même rengaine, les mêmes codes, les mêmes massages neuneus. Mais le film est bien mené, jamais agressif visuellement, ni ennuyeux, ni trop bruyant. On y est allé entre frangins pour accompagner les gosses. C’était cool. Même le côté girl power mais pas trop (Si Stella est l’héroïne du film, un peu en pleine crise existentielle, Liberty ne sert plus qu’à faire du babysitting, super…) ne m’a pas dérangé. Et comme je lui disais – à mon frère – c’est toujours plus agréable que de se fader (l’immondice) Barbie.

Elementaire (Elemental) – Peter Sohn – 2023

12. Elementaire - Elemental - Peter Sohn - 2023Ni chaud ni froid.

   4.5   Vu au cinéma avec les enfants, en rentrant de vacances. Seul plaisir que j’en retiendrai tant j’ai trouvé ce nouveau cru aussi mignon que convenu et sans intérêt. Pourtant, cette idée d’amour impossible entre Flam et Flack, deux éléments antagonistes qui bientôt tombent amoureux l’un de l’autre, avait tout pour me séduire. C’est vraiment la rencontre entre Zootopie (l’aspect mégalopole futuriste) et Alerte rouge (le récit d’apprentissage envers et contre les codes familiaux). Le problème majeur à mon sens réside dans le déséquilibre d’intérêt éprouvé devant ces deux personnages : La volcanique Flam est bien plus intéressante que le mollasson Flack. Évidemment ça reste plutôt joli – l’animation toujours aussi impeccable – et bien fagoté mais j’attends bien davantage de Pixar. Et de Thomas Newman, dont la musique m’a semblé tout aussi terne, ici. Quant à Peter Sohn, il m’avait autrement mieux séduit avec Le voyage d’Arlo.

The super Mario Bros. Movie – Aaron Horvath & Michael Jelenic – 2023

24. The super Mario Bros. Movie - Aaron Horvath & Michael Jelenic - 20232023, l’odyssée de Mario.

   6.0   Je n’ai pas joué tant que ça à Mario était gamin, en fin de compte. Seulement à Super Mario 64, Mario Kart et Mario Party. Il y en a eu beaucoup et Super Mario Bros, le film mise tellement à fond sur les références que je ne les ai pas toutes. Un peu plus, toutefois, depuis que mon fils a fini deux fois Super Mario Odyssey, sur Switch, dont la trame pourrait être une partie de celle reprise par le film : Ici aussi Peach sera in fine prisonnière de Bowser qui veut se marier avec elle. Mais l’infâme roi des koopas entreprend ici de détruire le royaume champignons (sur lequel la princesse a échoué, petite) si sa requête n’est pas acceptée. Royaume dans lequel Mario, plombier de Brooklyn aspiré malgré lui dans les tuyaux verts du vortex – avec son frère Luigi qui se retrouve lui dans la forêt noire chez la tortue maléfique – échoue, et fait ainsi la rencontre de Toad, de Peach, bientôt même de Donkey Kong, qui constituera l’armée pour combattre Bowser et délivrer Luigi. Histoire archi classique pour du Mario, évidemment donc si l’on vient pour l’originalité, c’est râpé. Si l’on y va, comme moi, entre amis, avec nos gamins, c’est le pied car le film est très beau, drôle, ultra rythmé, jalonné de supers moments (l’arrivée dans le royaume champignons verdoyant, l’entraînement de Mario en mode reboot sans fin, le duel avec DK, l’inévitable course arc-en-ciel…) et de chouettes idées (la chanson de Bowser, le champignon bleu, l’étoile pessimiste…) qui font qu’on passe un excellent moment, au point de vouloir voir la suite (qui étant donné la scène post générique, promet d’intégrer Yoshi) ou d’enquiller n’importe quelle partie de jeu Mario dans la foulée.

Sacrées momies (Moomios) – Juan Jesús García Galocha – 2023

???????????????????Loin des pyramides.

   4.0   Surpris, en allant voir le film en salle avec mes enfants, de constater qu’il s’agit d’un film d’animation espagnol. Produit par Warner, certes, mais espagnol. Avec la caution « Égypte ancienne » dans le texte, disons que ça intrigue pas mal. On se rend malheureusement vite compte que ça n’a « d’exotique » que l’apparence. Tout respire ce qu’on nous sert habituellement, chez Disney, Pixar, Dreamworks ou d’autres. Tout. Zéro surprise. Jusqu’au personnage clown, ici un crocodile, qui pourrait être échappé de Buzz l’éclair ou pire, de cette séquence chantée, qui semble copiée collée sur Encanto. C’est dire si c’est original. La partie durant laquelle les personnages débarquent en ferry à Londres – en pensant arriver à Rome – est très chouette. Le reste se regarde et s’oublie.

Avatar, la voie de l’eau (Avatar, the way of water) – James Cameron – 2022

26. Avatar, la voie de l'eau - Avatar, the way of water - James Cameron - 2022Togetherness.

   8.0   Impossible d’y couper : Le défi technique accompagne inéluctablement la sortie d’Avatar, la voie de l’eau. On ne sait combien de technologies ont dû être mises au point afin de produire ce résultat-là, en grande partie aquatique. Et l’on sait le temps que le film a pris pour arriver devant nos yeux. Treize années depuis la sortie du premier volet. Et au moins autant de conception, auparavant. C’est un fait commercial et industriel, qu’on ne manquera pas d’accompagner d’arguments markéting, concernant la 3D, la haute fréquence, le son, sa capacité d’immersion. Il semble exister mille et une façons de le voir ce spectacle en salle. Un spectacle de ceux qu’on ne fait plus. Et une suite, dans la tradition cameronienne : Avatar 2 est à Avatar ce que Terminator 2 était à Terminator : Son prolongement, son remake, son reboot, sa réactualisation, son dynamitage. Si depuis Avatar, premier du nom, deux régimes d’images antagonistes (prises de vues réelles et images numériques) cohabitent souvent, le second pousse l’expérience à un paroxysme tel qu’il intègre un humain (Spider) au milieu des na’vis (ou avatars) durant le film tout entier.

     Avatar, la voie de l’eau est animé d’un paradoxe passionnant, cher à son auteur : Il y a comme une double quête, dont celle de retrouver l’harmonie avec la nature, mais aussi cette fascination pour la guerre, le feu, le métal. Au cœur du film se joue un savant montage alterné. D’un côté le récit semble se suspendre dans la découverte de ce nouveau monde et révèle (une fois encore) la passion aquatique de James Cameron. Son amour pour l’observation aussi, des éléments, des corps, de l’espace : Son cinéma devient plus contemplatif. Cette séquence centrale représente pourtant un faux climax – au sens narratif – cher au cinéma cameronien : Qu’on retrouve dans les faux creux de Titanic (La petite cavale de Rose & Jack) ou dans ceux de Terminator 2 (L’escale dans le désert). Faux climax car le récit, lui, cherche à revenir, à s’immiscer dans cette bulle rêveuse, puisqu’on suit par micro-scènes la progression de Quaritch et son escouade, accompagnés de Spider.

     Mais c’est un fait, on a le sentiment d’avoir vécu ce pas-de-côté. Comme si le film échappait alors au scénario, se permettait de sortir des contingences markéting imposées par le genre, qui aurait comme mission de raconter une histoire, linéaire, avant tout. Si l’on suit aussi l’avancée de Quaritch dans un montage alterné qui peut aussi rappelé le tout début de Terminator 2 (La progression du T800 et celle du T1000 vers la cible John Connor) on est suspendu, l’espace d’un moment – assez long, dans un blockbuster –dans l’observation de ce nouveau monde. A l’autre bout pourtant, le final sera évidemment une immense bataille, colossale. C’est aussi cela, le geste Cameronien : On se souvient que, dans Titanic, à mesure qu’on plongeait dans les souvenirs de Rose contant sa relation naissante avec Jack, on oubliait que le paquebot allait couler. Ici, c’est pareil. On a tendance à oublier que les méchants humains recherchent notre famille na’vi. On les voit trop brièvement pour qu’ils impactent une vraie inquiétude. Au même titre qu’on voyait peu l’équipage se soucier de la nuit et la mer de glace qui s’étendaient bientôt devant eux.

     Ce paradoxe se joue aussi dans l’image. Si posée l’action soit-elle, l’image, elle, ne cesse d’être en mouvement. Ne serait-ce que dans le vivier sous-marin, et notamment celles (dont j’ai oublié le nom) qui remplacent les Ikran des na’vi de la forêt. Et bien entendu grâce à l’eau, fil d’Ariane camerionien. Ou l’on se rend compte à quel point l’univers sous-marin devient sans doute le plus bel univers pour le numérique et la 3D, aussi bien son décor, sa dimension sonore et la multitude de mouvements nouveaux qu’il génère, révélant une action paradoxalement aérée – alors qu’on devrait étouffer – et organique – alors que c’est du numérique tout entier. S’il existe une dépression post-Avatar c’est en grande partie dû à sa capacité immersive. Quand bien même on puisse comprendre que cela produise sur certains une forme de saturation.

     Quand je vois des images esseulées d’Avatar, je me demande comment ces films ont le pouvoir de m’emmener, de m’enchanter, de m’émouvoir. Je refuse de penser qu’il s’agit d’une simple prise d’otage numérique, spectaculaire – ou disons-le vulgairement : une attraction de fête foraine – mais bien la densité et la fluidité narratives qui permettent d’éprouver cette émotion-là. Le blockbuster de super-héros ne produit jamais ceci sur moi, à l’exception de ces épisodes qui ferment la boucle, l’univers. C’est que là aussi il s’agit de narration, d’un corpus qui te permet de tenir jusqu’au bout et d’en sortir ému. Si Avatar produit cela sur un seul film, dorénavant deux, c’est bien qu’il représente une anomalie, puisqu’il ne découle pas d’univers étendu. Ce qui ne l’empêche évidemment pas d’être rattaché à d’autres univers, cinémas, références.

     Si cet Avatar, deuxième opus cite à foison la filmographie de Cameron, recyclant même (un peu trop ?) certains de ses motifs, climax, on pense à beaucoup d’autres choses et notamment à John Ford. C’est un western, Avatar. Dans l’espace, certes, mais un western, dont il reprend crânement les codes. Au point qu’il ira jusqu’à balancer (un peu lourdement) une séquence d’attaque de train. Mais on peut évoquer l’incendie initial avec ces créatures galopantes, calcinées sur place – qui rappelle les visions apocalyptiques de l’ouverture de Terminator 2, où des petits chevaux de bois à bascule (probablement dans un parc pour enfants accentuant l’idée d’innocence perdue) sont dévorés par les flammes de l’enfer. Il y a aussi l’exil vers une nouvelle terre, la bataille finale, le duel, tout semble référer au western. Mais dans sa structure narrative, le film ma fait penser à du Fennimore Cooper : Le dernier des mohicans, bien entendu, grande fresque guerrière, grande fresque de familles aussi. Quant à l’histoire terrible du Tulkun vengeur et paria, qui n’est pas sans évoquer une baleine, évidemment, c’est aussi Orca (Michael Anderson, 1977) qui est convoqué, film dans lequel un orque mâle se venge des pêcheurs ayant tué sa femelle et son baleineau.

     En effet, ce second volet développe un univers nettement plus familial voire patriarcal, ne serait-ce que dans sa multiplication des liens pères/fils. Chez Cameron, la cellule familiale est toujours au cœur du récit, d’une manière ou d’une autre. Dans Avatar, premier du nom, Jake était là parce que son frère n’était plus là. Neytiri y voyait son père mourir sous les foudres des humains en guerre. Neytiri est d’apparence plus en retrait cette fois mais reste la figure résistante ; que Jake va « combattre » durant le film – pour protéger sa famille, sa forteresse, dit-il – mais sur laquelle il va in fine s’aligner. Quand il ouvre les yeux dans le dernier plan, c’est une nouvelle renaissance qui prend cette fois acte de résistance.

     L’ordre patriarcal – si tant est qu’on en trouve un mais il m’a semblé plutôt désorganisé, cet ordre – est donc chamboulé à la fin, puisque d’une part ce sont les enfants qui viennent en aide à leurs parents (Loak vient chercher son père, Spider le sien quant à Kiri, elle vient au secours de Neytiri). Mais surtout l’action est déplacée, elle n’est plus militaire, massive, elle s’affine, se féminise, indexée sur le personnage de Kiri, donc – qui sera probablement développé dans l’épisode suivant – qui semble éprouver les choses autrement, sentir les éléments divins – elle semble dialoguer directement avec Eywa et son existence n’est pas sans évoquer l’immaculée conception – être faite pour l’univers aquatique. Si les enfants sont dorénavant les personnages moteurs, Kiri est le cœur battant et spirituel du film. On la voit assez peu mais elle est déjà partout. Elle m’a tellement fait penser à la Pocahontas du Nouveau Monde, le chef d’œuvre de Malick.

     A son image, Avatar, la voie de l’eau fonctionne aussi par séquences qui communiquent ensemble. Les échos d’une scène à une autre sont très marqués. Comme lorsque Jake saisit le corps de son fils lors de l’attaque du train, en observant dans son dos afin de voir si la balle n’a pas traversé. La même scène aura lieu à la fin, sous un détour plus funeste. On pense aussi à Spider qui découvre la bestialité de Neytiri (on sent vraiment cette folie à travers son regard) d’abord dans l’écran qui lui montre la mort de son père, puis dans la scène finale où elle est devenue incontrôlable au point de menacer de le tuer. Et la plus belle de ces scènes « en écho » est bien entendu celle où l’on entre dans la gueule d’un Tulkun. Tout d’abord aux côtés de Loak, convié par Payakan à découvrir son histoire. Ensuite, aux côtés des baleiniers ayant capturés une Tulkun femelle afin de prélever la partie émotionnelle de son cerveau, qui servirait dit-on à stopper le vieillissement humain et servirait par la même occasion à financer de nombreuses recherches scientifiques.

     Les échos apparaissent aussi d’un film à l’autre, tant les deux films se dévorent aisément dans la continuité. On se souvient que le climax final d’Avatar (Neytiri sauvait la version humaine de Jake) faisait écho à son ouverture, (un frère meurt quand l’autre renaît) et tenait autant d’une fête funéraire que d’une cérémonie baptismale. A ce petit jeu de miroirs, l’opposition et les similitudes entre Jake Sully & le colonel Miles Quaritch sont passionnantes. Si la renaissance de Quaritch d’Avatar, la voie de l’eau évoque celle de Sully dans le premier film – jusque dans son opposition : l’avatar de Jake y retrouvait l’usage de ses jambes brisées quand l’avatar de Quaritch ici brise brutalement le crane de son clone humain. On retrouve cette dualité en miroir déformé dans le dressage de l’Ikran. Il y a clairement une ambiguïté, qui se profile ensuite, dans la mesure où ils sont tous deux aux prises avec la protection de leurs progénitures respectives.

     Bien sûr, des choses qui en apparence me plaisent moins, j’en vois des tonnes. Je le disais ; le film est tellement dense qu’il tente bien plus, qu’il rate donc plus aussi. Premier exemple qui me vient à l’esprit : Les sous-titres utilisés pour traduire le Tulkun et ainsi comprendre la discussion entre Loak & Payakan. D’autant que la barrière de la langue est au préalable évoquée. Puis c’est oublié, d’un revers de main. C’est une (telle) facilité qu’on retrouve peu chez Cameron, me semble-t-il. Et globalement la voix off me pose problème : Elle illustre ce qu’on a déjà compris, elle ne sert in fine à rien. L’univers musical m’a semblé plus étriqué, là aussi. Moins intéressant que dans le premier volet, qui renfermait déjà l’univers musical le moins intéressant de la filmographie de Cameron. C’est d’autant plus regrettable que le film en est inondé jusqu’à la saturation. Mais rien ne marque vraiment hormis quelques percées Horneriennes qui évoquent son travail sur Apocalypto, et bien entendu l’instant de la mort de la mère Tulkun et son bébé, scène terrible, durant laquelle est reprit le thème entendu pour la chute de l’arbre-mère dans le premier Avatar.

     Il y en a d’autres, bien sûr. Mais j’ai davantage envie de rester sur ce qui me plait – et qui m’aura fait m’y déplacer à trois reprises en salle en un mois – et me semble emporter le tout dans un vertige de cinéma total, dans l’urgence, à l’image de cette idée d’éclipse, qui renvoie encore au génial Apocalypto, de Mel Gibson. Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ça fabuleux, dans la lignée du premier, mais dans une version plus démesurée encore (pour le meilleur et le moins bon, mais qu’importe) avec une simplicité narrative parfaite, un sens de l’action à tomber et un vertige de plus de trois heures qui passent comme deux. Et avec un « épisode » central incroyablement radical, d’une beauté et d’une douceur inouïes, qui prépare le final dantesque qui ira mixer Abyss, Titanic, Terminator 2. Du Cameron à l’état pur et en mode bulldozer, physique et émotionnel.

Ernest & Celestine, le voyage en Charabie – Jean-Christophe Roger & Julien Chheng – 2022

16. Ernest & Celestine, le voyage en Charabie - Jean-Christophe Roger & Julien Chheng - 2022En avant la musique.

   6.0   Si l’on fait exception de l’importante série de livres qui porte le nom de ces deux personnages emblématiques, l’ours grincheux & la souris énergique, Ernest & Célestine sont apparus la première fois au cinéma en 2012 dans un long-métrage magnifique, retraçant le quotidien puis la rencontre de deux êtres qui à priori ne doivent pas se rencontrer et qui finissent par s’apprécier et s’unir contre l’ordre des choses. C’était un vibrant film politique, social, une puissante ode à l’amitié et la différence, dessinée à l’aquarelle. Aussi bien pour les petits que les grands. Une réussite majeure dans l’animation, à mon humble avis. Mes enfants en sont fans.

     Plus tard, nous avions vu Ernest & Célestine en hier, constitué de quatre épisodes, assez proches de l’esprit des livres et littéralement fait pour les fêtes de Noel. Ernest & Célestine, le voyage en Charabie est donc le deuxième long-métrage des aventures de nos deux trublions. Une séance avec les enfants, bien entendu, qui ont adoré. Il me semble que cet épisode marque toutefois le pas, si on le compare à celui réalisé il y a dix ans. On en retrouve le ton, le charme, le rythme, la dimension satirique, mais peut-être avec beaucoup plus de lourdeur.

     Afin de réparer le violon de son ami et contre son avis ronchon, Célestine part en Charabie – le pays d’Ernest, où se trouve notamment le luthier en question – et essuie une tempête de neige, sauvée in-extrémis par son ours préféré. Arrivés en Charabie, pays sublime, coloré, entouré par les montagnes, la petite souris découvre que l’endroit renferme un régime totalitaire qui traque tous les musiciens, les instruments et les notes interdites. On y tolère que le Do. Un voyage qui révélera donc ses surprises et en premier lieu les origines d’Ernest et ce qui conduisit à soin exil.

     La seule devise qui règne ici « C’est comme ça et pas autrement » n’est bien entendu pas du goût de certains – dont un mystérieux justicier masqué (je n’y ai vu que du feu), allié à un réseau de maquisards auquel Ernest & Célestine vont apporter leur précieuse aide et faire souffler un vent de poésie et de liberté. Attendu, par les temps qui courent, mais salvateur, toujours tant la Charabie fait évidemment pot-pourri de tous les régimes de notre monde. Moins réussi que le précédent, dans l’ensemble, mais chouette malgré tout.

Le pharaon, le sauvage et la princesse – Michel Ocelot – 2022

09. Le pharaon, le sauvage et la princesse - Michel Ocelot - 2022Liberté au cube.

   5.5   En sortant, mon fils me dit que le point en commun entre ces trois contes c’est qu’ils sont à chaque fois des histoires d’amour. C’est un peu mon regret. Que le noyau soit systématiquement cet amour impossible entre une femme et un homme, qu’on navigue dans l’antiquité égyptienne, l’Auvergne médiévale ou l’empire ottoman. D’autant qu’à l’exception du second conte (Le plus beau et de loin) c’est le point de vue du prince qui nous guide. Bon, Ocelot a bientôt quatre-vingts ans aussi. Et Dilili à Paris, avec son ancrage dans La belle époque, son name-dropping, son discours politique, était adapté au circuit pédagogique. Ici on va dire que si ces romances impossibles et ces personnages au fort désir de liberté ne révolutionnent rien, l’écrin formel dans lequel ces trois récits évoluent est on ne peut plus séduisant, tant tout y est beau, magnifiquement cadré, très doux, raffiné dans ses contrastes mais aussi dans son verbe. Ocelot y reprend la recette de ses collections de courts réunis dans un long, avec en exergue de chaque une narratrice s’adressant à un public – nous, bien entendu – et écoutant ce qu’ils souhaitent qu’on leur raconte, afin d’en créer une histoire, plutôt plusieurs car « ceux qui n’ont qu’une histoire à raconter n’ont pas beaucoup d’imagination » dit-elle. Ici les ombres chinoises dans le deuxième conte, m’évoquent la beauté plastique de Princes et Princesses (2000) ou Ivan Tsarevitch et la princesse changeante (2016). Celui des trois que je retiendrai vraiment. Peut-être ce qu’Ocelot a fait de plus beau. Ce qui écrase (trop) les deux autres, à mon avis. Cette structure et ce rythme semblent avoir bien fonctionné sur mes enfants, en tout cas.

 

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