Archives pour la catégorie Larry Clark

Wassup Rockers – Larry Clark – 2006

24La vie rêvée des anges.

   8.5   C’est dans le quartier South Central (dit du ghetto) de Los Angeles, que se déroule la première partie de Wassup rockers. On s’immisce dans le quotidien de sept jeunes immigrés, salvadoriens ou guatémaltèques (Et non mexicains, case dans laquelle voudraient systématiquement les caser flics et bourgeois de Beverly Hills) qui se déplacent en skate board, arborent des jeans moulés et t-shirt noirs à l’effigie de groupes de punk rock (Ramones, The Casualties…) et s’excitent à l’occasion sur leurs guitares électriques.

     On aperçoit leurs mères les réveiller puis elles disparaissent, on ne les verra plus. Les pères, eux, ne sont nulle part, quand ils existent – L’un d’eux dira qu’il ne connait pas le sien. Clark filme ce quotidien comme un documentaire puisque les jeunes en question portent les noms et prénoms qu’ils portent dans la vie. Le film va même jusqu’à s’ouvrir sur une interview à la volée de l’un d’eux dans sa chambre d’ado, saisi en un split screen de deux plans distincts à la temporalité identique, l’un cadrant de face, l’autre de côté. Ces premiers plans racontent déjà ce que le film saisira autrement ensuite : Une curieuse adéquation entre la liberté de mouvement et l’identité malmenée.

     Quelques rencontres avec des filles parsèment la chronique, on comprend que certains flirtent et/ou baisent plus facilement que d’autres – L’un des jeunes, mal dans sa peau, tente même de se suicider maladroitement, en mettant la tête dans un lavabo rempli d’eau ; Personne ne s’en inquiètera, comme si ça semblait être une habitude de sa part, on le charrie plutôt qu’autre chose. La cruauté adolescente est la même qu’ailleurs.

     Puis le film glisse. Il quitte le ghetto et les sorties du lycée pour filer vers un spot « Le nine stairs » de Beverly Hills où notre petite bande enfile les sauts dangereux comme d’autres passeraient le temps sur leur console vidéo. Ce sont les plus beaux instants du film à mes yeux, tout simplement car ils symbolisent une forme d’accomplissement de leur journée et parce que Clark construit en quelques minutes une véritable chorégraphie de groupe, un concert de sauts où chacun récite sa partition, dans un agréable brouhaha de roues en uréthane et planches en bois heurtant le bitume, râles de douleurs, discrets témoins d’admiration.

     Dans la foulée de ce moment de suspension, une nouvelle rencontre s’impose, avec deux adolescentes cette fois, deux filles de la haute, qui permettent au film de prendre un nouvel élan. Le film bascule dans une autre parcelle de chronique (Le contrôle de police d’un flic zélé) puis dans la fiction improbable, sur les hauteurs de LA, dans ces immenses baraques de stars où les demoiselles ont convié les garçons. Avec dans leur fuite, l’irruption dans une villa d’artiste bigarré, celle d’une milf alcoolique et en point d’orgue la rencontre tragique dans la propriété d’une célébrité (Qui ressemble beaucoup à Clint Eastwood) qui va utiliser son arme car chez lui, dit-il, on tire avant de parler.

     Malgré la teneur dramatique (Un garçon est arrêté, un autre est tué) de cette étrange journée hors des bases, le film est parsemé de moments très drôles qui lui confère un parfum de liberté foutraque, comme si enfin on avait donné à ces jeunes oubliés de LA la possibilité de jouer la comédie, d’investir des lieux de rêves voire même de pouvoir y mourir. C’est passionnant. Quant au dernier échange qui clôt le film après un interminable et magnifique retour par les transports, façon Les guerriers de la nuit, il est absolument somptueux, doux, groupé. A l’image de la mise en scène globale, sensuelle, qui sait varier les focales, saisir le groupe d’adolescents autant que leur épiderme. Grand film.

Bully – Larry Clark – 2001

Bully - Larry Clark - 2001 dans Larry Clark 69217932_ph3High school revenge.

   7.0   L’ayant découvert il y a une dizaine d’années, déjà, Bully, qui était alors mon premier Clark, avait été un choc. Je me souviens l’avoir revu dans la foulée, enfin quelques jours plus tard, tant il me hantait. C’est un peu différent de s’y confronter à nouveau aujourd’hui car si le film est toujours aussi fort, cinglant, détraqué, il semble davantage concourir à l’exercice de genre. On a un peu cette impression d’en ressortir manipulé tandis que Kids continue de nous meurtrir. Quoiqu’il en soit et ce bien qu’en en connaissant ses rouages, Bully reste un beau portait d’une jeunesse américaine désœuvrée, sans objectif, sans morale. Jeunes que Clark vient caresser de sa caméra dans leur beauté, leur transpiration et leur violence, sans jamais ne s’en extraire. De la drogue, de la sueur et du cul il ne s’agit que de ça. Les skate-boards sont provisoirement remplacés par les jeux vidéo, Mortal Kombat à l’honneur. On y joue même sous acide dans les arcades. Les célèbres Fatalités les font gerber. Et à côté qu’y a-t-il de changé encore ? Une histoire de vengeance toute simple, sorte de colère groupée intraitable qui ira jusqu’au bout dès l’instant que le groupe aura pris une autre dimension (Un ami flingué aux amphètes, un autre recruté en tant que tueur à gages). Bobby n’est alors plus le connard qui malmène son ami d’enfance, le frappe, l’humilie, ni celui qui viole les ados mais un pauvre looser fils à papa qui veut réussir son bac et que l’on va trucider au couteau et à la batte avant de le jeter aux alligators dans les marécages. C’est La Floride qui est à l’honneur dans Bully mais elle ne ressemble aucunement à celle que l’on a l’habitude de croiser au cinéma. Du pur Clark, qui explose littéralement dans cette scène de meurtre sur la plage, véritable opéra macabre construit dans le même vertige que celui qui traverse, habite, secoue chaque personnage.

     Auparavant, Bully n’est que suite de séquences sans liant distinctif, scénaristique autant que temporel, captant cette jeunesse qui s’enfonce dans le néant, comme ça l’était déjà dans Kids et sera durant toute la filmographie de Larry Clark. La mise en scène reste indomptable, constamment boostée à l’énergie, n’hésitant ni un interminable et gratuit plan circulaire, ni des expérimentations fiévreuses et inserts d’entrejambe en tout genre. Dans un élan similaire, les préparatifs du meurtre sont saisis dans leur folie instinctive, tout en excitation et inconséquence, jusque dans son accomplissement et ce qui s’ensuit, longues disputes groupées autour de qui a planté le premier et tuer le dernier, jusqu’au sein même du tribunal, dans une séquence finale absurde où certains ne comprennent toujours pas ce qui les attend, tandis que l’une des filles est enceinte et une autre a fini par balancer tout le monde. Pour saisir ce vertige post meurtre Clark utilise l’un des plus beaux morceaux de Fatboy Slim, Song for shelter. Et un peu plus tôt, pour la scène pivot, il accompagne le massacre d’une des merveilles de Thurston Moore. Quand on combine à ce point le bon goût et le talent ça laisse forcément quelques traces. Il y a chez Clark une science du désastre qui se traduit systématiquement par des propositions mise en scénique que l’on ne croise nulle part ailleurs. C’est surtout pour ça que j’aime autant son cinéma, même s’il a tendance à perdre de sa superbe au fil du temps et des revoyures.

Kids – Larry Clark – 1995

31.-kids-larry-clark-1995-1024x570Le fantôme de la liberté.

   10.0   Les jeunes sont pour Larry Clark plus qu’une inspiration, un véritable amour obsessionnel, peints dans une caresse folle des corps, dans leur énergie sans cesse renouvelée, un appétit de la destruction et une quête sans fin du plaisir instantané sans préoccupations pour les lendemains. Que le récit se déroule sur une seule journée en dit long. Mais la beauté paradoxale de Kids, premier essai de l’auteur, alors seulement photographe, est de justement ne faire que penser leurs lendemains, entre ces collisions de générations de gosses, aussi brèves soient-elles parfois, ainsi que dans la propagation invisible du sida. Avions-nous vu auparavant les groupes filmés comme ça, aussi crûment, frontalement, avec une telle violence et empathie mêlées ?

     Une journée, une seule, sans autre repère temporel que la lumière naturelle et cette chaleur extrême pour nous accompagner, entre les appartements, les rues new-yorkaises, un skate parc, une piscine, un night club puis de nouveau un appartement, orgiaque, exterminateur. Lieux traversés comme le vent, sans cérémonie, sans apitoiement, sans méthode, dans sa représentation la plus instinctive. Défilé de corps à n’en plus finir, trempés par la canicule, avachis, mouvants, heurtés, contemplés. Corps qui ne sont plus sujet à gêne, partagés entre tous les possibles, littéralement souillés par l’annihilation cérébrale. Drogue, alcool, violence (une scène de lynchage absolument immonde) et baise sont les uniques credo valables.

     Et au milieu de cette vacuité convoitée, de ces vies qui ne sont plus que représentation de mascarades, se noue quelques chose de terrible, un drame en sourdine via Jennie (Premier rôle de Chloë Sevigny) dans sa quête pour retrouver le garçon qui lui a très certainement refilé le virus puisqu’il est le seul auquel elle s’est offert. Un kid comme un autre, dont le gros kif quotidien est de déflorer les minettes, sans se faire chier à enfiler une capote. Le film s’était par ailleurs ouvert sur une séquence particulièrement crue qui donnait le ton : une baise avec une jeunette que l’on ne reverra jamais. Quant à Jennie, qui au départ faisait un test pour accompagner sa meilleure amie (Premier rôle de Rosario Dawson) elle se retrouve à errer en ville, entre les taxis, dans une quête vaine, déjà délaissée et bientôt endolorie par une prise d’ecstasy qui l’emmènera jusqu’au bout de son processus de relais destructeur.

     Larry Clark, cinquante ans au compteur, pond ce brûlot, qui n’est qu’affaire de flux, de mouvements, non pas débarrassé des attributs narratifs (le film est par ailleurs écrit par Harmony Korine, 19 ans, qui joue aussi dans le film) mais sans schéma préalablement conçu. Le film semble en effet manifester une trame classique pour mieux la distordre. Il semble voguer dans un onirisme latent, entre l’euphorie et la tétanie. Je crois n’avoir jamais retrouvé cette puissance et cet abandon autre part.

     C’était ma deuxième fois. Ma première avait été un choc, l’un de mes plus grands chocs de cinéma. Je continue donc de le voir comme un vrai manifeste d’une jeunesse insouciante, qui hérite et transforme à l’excès indomptable les revendications sex & drugs de ses aînés, au point de se ronger de l’intérieur dans sa propre solitude, encore masquée par l’idée de s’y noyer tous ensemble. Les dernières scènes du film sont terribles dans ce qu’elles offrent de fresque éclatée. Et les derniers mots « Jésus Christ, what happened ? » signés Casper, futur fantôme de la liberté, sont les plus tranchants et troublants que Clark pouvait nous offrir.

The smell of us – Larry Clark – 2015

smell1Kids return.

   7.0   Je ne savais pas que Larry Clark avait cet âge-là. Je ne m’étais jamais posé la question à vrai dire. Je m’étais fait à l’idée qu’il n’était plus si jeune, mais qu’il l’avait été à l’époque de son premier long métrage. Surpris donc quand j’appris que pour Kids, que je considère comme étant son chef d’œuvre et l’un des plus grands films des années 90, Clark avait déjà la cinquantaine, tassée. Je crois que ça me fait l’aimer davantage, en fin de compte. Entre Kids et The smell of us se sont donc écoulés vingt ans et en tout et pour tout sept films, dont un (que je n’ai pas vu) seulement visible sur le net. Il en reste donc six. Six films vibrants, singuliers pour lesquels j’ai au minimum une profonde affection. J’adore le regard que chacun porte sur l’adolescence. J’adore la touche Larry Clark.

     Peu importe le fond, qu’importe aussi la forme, entre des films difficiles et d’autres plus aguicheurs, le regard est le même, sur des ados en errance et en fuite, topographiés dans une ville américaine chaque fois différente (New York dans Kids, Le Midwest dans Another day in paradise, Le sud de la Floride dans Bully, Visalia en Californie dans Ken Park, Los Angeles dans Wassup rockers, Le Texas dans Marfa girl) ou pour la première fois aujourd’hui à Paris. Chacun de ses films aura déposé sa marque sur moi, entre le choc terrible, la claque jubilatoire, le malaise insistant et la balade envoutante. Des films que je n’ai pas oublié, que j’aimerais beaucoup revoir d’ailleurs. J’essaierai dans le même élan de parler de chacun d’eux.

     The smell of us pourrait être un condensé de tout ça et en un sens il l’est. C’est un film fort. Le plus déluré de sa filmographie haut la main. Il fallut qu’il sorte de ses terres pour laisser libre court à ses pulsions, sans se soucier d’une trame narrative préfabriquée. Zéro linéarité, personnages interchangeables, saynètes isolées. Le tournage fut parait-il laborieux et ça se ressent à l’écran. C’est probablement le film le plus déstabilisant que je verrais en salle cette année. Le plus volontairement foutraque, le plus gênant aussi. Un objet étrange qui ne ressemble finalement pas à grand-chose et c’est tant mieux. Mais c’est aussi sa limite. Clark a franchi un cap formel, comme s’il voulait refaire Kids, en lui ôtant ses attributs narratifs et séducteurs. Un Kids post moderne, en somme. J’aime l’idée globale et certaines séquences lumineuses ou terrifiantes. J’aime aussi moins certaines utilisations – notamment dans les différents régimes d’images – qui me semblent tomber dans un certain fétichisme.

     Je pense que cette forme discutable va de pair avec la démarche globale, le récit lui-même comme ses élans les plus gênants, dont l’acmé se situe probablement dans deux scènes immondes et insoutenables : Celle de la mère et celle du bourgeois lynché. Le film est sans structure pourtant tout semble se répondre. C’est un grand film malade. Et quand bien même naît une forme de rejet, n’y a-t-il pas de l’incandescence dans le regard maladroit et bienveillant du cinéaste ? Il est rare aujourd’hui de voir un tel brulot poétique. Une telle passion des corps chantée avec la sensualité du désespoir. On n’avait peut-être pas vu ça depuis Pasolini.

     La clé de sa démarche intervient dans une scène de club assez magique (difficile de filmer ce genre de séquence aussi bien que Larry Clark) où Math, éphèbe dominé, semblant voguer en parfait spectre sexuel, se fait effleurer et renifler au beau milieu d’une foule assaillie par une grosse techno, de laquelle il semble finir par s’extraire, s’en lever le regard sur une toile abstraite puis se déhancher sensuellement sur un morceau beaucoup plus doux et songeur : Forever young, de Bob Dylan. On est dans le fantasme. Un parfait inconnu l’approche et le caresse puis de se dérobe.

     Le film est parfois parcouru de ces moments lumineux, instantanés perdus dans la fusion, comme il peut s’enfoncer dans des scènes malaisantes à l’image de celle voyant cette mère détruite de partout, tentant de se réconcilier avec son fils par l’inceste. Dominique Frot habite littéralement cette longue séquence, tournée en une seule prise. Elle y est magnétique, terrifiante. En parallèle à ce type de scène complètement dingue, Clark lâche des choses plus écrites, communes et foireuses, à l’image de la dispute de JP avec ses parents. Déjà, la scène n’est pas bonne, sur jouée, mais surtout elle est brève, grotesque et sans fondement.

     Même réserve concernant sa manière de se mettre en scène. C’est la première fois qu’il entre dans l’un de ses films. L’aspect autoportrait qu’il lui confère l’éloigne d’un dispositif réel et vivant. Ça ne m’émeut pas autant qu’un Kids ou un Ken park, qui m’avaient en leur temps terrassés, car ce que j’aime dans son cinéma avant tout c’est la plongée, le cul et le skate dans ce que ça libère de réalisme cruel. Disons que ça pourrait être très beau mais qu’on en reste  un petit gimmick un peu gratuit et inconséquent, qui navigue pas si loin de la farce. On va dire que Carax fait cela beaucoup mieux, c’est tout. On pourrait d’ailleurs grossièrement comparer The smell of us à Holy motors, que j’adore pour de nombreuses raisons mais qui me bouleverse nettement moins que Les amants du Pont neuf par exemple.

     Sinon, j’aime beaucoup le personnage qui filme tout, Toff. Sorte de prolongement de Larry Clark lui-même. Son ubiquité improbable crée une poésie surréaliste un peu macabre. Il est dieu. Il est aussi là où il ne peut pas être. Il filme tout et Clark intègre certains de ses rushs au sein même de son film. Cette liberté-là me fascine aussi, que l’un de ses acteurs, qui plus est l’un des plus jeunes, fasse aussi caméraman d’occasion.

     Un plan à lui seul, sublime, rêveur, englobe le cinéma clarkien, enfin ce qui me touche dans son cinéma. Il se situe à la toute fin, sur le pont de chemin de fer, où les kids se sont réunis et posés après avoir brulé une bagnole. Un peu avant, la jeune Marie aura demandé à son ami s’il veut la rejoindre le soir pour baiser. En une fraction de seconde, la planche sous le bras, les garçons se lèvent et fuient le champ, laissant Marie seule dans le cadre. C’est une séquence pleine de drôlerie et de cruauté mêlées, à la fois crue (réelle) et élévatrice (irréelle). Le plan s’attarde un peu, cadrant son inexorable solitude et la fuite des garçons au loin, sur leur skate, fuyant le champ jusqu’à devenir minuscules. Puis un train passe. En dessous d’elle. Il y avait déjà ce type de scène dans les précédents Clark. Des détachements dont j’ai le sentiment d’avoir déjà vu, ou sensiblement vu, chez lui, autrement. Il y a dans cette captation une forme d’absolu et de détresse, un regard bienveillant sur quelque chose qui se consume sans aucun contrôle, comme un rêve. Le Forever young de Dylan, encore, vient achever le poème.

     Je ne sais pas vraiment où j’en suis avec ce film, il m’a beaucoup bousculé, trop peut-être pour pouvoir écrire quelque chose si tôt et avec un minimum de recul. C’est un film de l’ordre du fantasme, du chaos sensuel. Je trouve que l’on ressent à merveille cet état d’abandon irréfléchi, avec ces corps réceptacle à tentations, vieux et jeunes, détruits ou sublimes. Il se dégage un truc terrible dans leur association, qui peut tenir en un plan, un regard, un visage, une caresse. J’y reviendrai un de ces jours. J’ai aussi prévu de revoir tous ses films. Depuis, je ne pense plus qu’à revoir du Larry Clark. C’est bon signe.


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