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Coco – Lee Unkrich & Adrian Molina – 2017

26. Coco - Lee Unkrich & Adrian Molina - 2017Réparer les vivants et les morts.

   9.0   Déjà, sans faire de faux roulements de tambours, c’est absolument somptueux, visuellement parlant. Dans un monde comme dans l’autre. Dans le jour comme dans la nuit. L’horizontalité ici, la verticalité là. Les rues du village mexicain autant que le labyrinthe urbain chez les morts. C’est plein de détails qui pullulent, de profondeur hallucinante, d’explosions de couleurs. C’est un émerveillement de chaque instant.

     Il y a quelque chose de plus simple dans ce nouveau voyage Pixar et le film annonce clairement la couleur dans son générique d’ouverture puisque les crédits sont affichés sur des fresques de papier découpé : Il y a déjà cette notion d’intimité familiale dans ces décorations de fête des morts et donc, forcément, une plongée dans la culture mexicaine. Alors c’est sûr qu’on n’est plus dans le cerveau d’une petite fille, mais l’idée est tout aussi excitante.

     Au début du film, chez les vivants, les personnages sont parfaitement dessinés. Et c’est pas si évident car on les quitte très vite. Et quand on les retrouve on chiale. Miguel est le jeune héros que Pixar méritait d’avoir, avec ses qualités et ses imperfections. Un Vice-Versa sur le personnage de Miguel, imagine un peu ce que ça pourrait donner. Il y a un discours passionnant sur l’ambivalence rêves/famille, l’abandon et le deuil, sur les vérités qu’on croit détenir, sur les notions d’art, de réussite.

     J’ai d’abord eu peur que le film utilise deux comic-sidekicks trop identifiables, avec le chien Danté et le mort Hector. Quand on sait ce que le récit réserve au second, les doutes sont vite envolés. Déjà ça (l’échange des rôles, l’imposture, le poison…) c’est à te faire chialer. Mais ce qu’on va broder autour d’Hector et de Mama Coco, mamma mia. Difficile de trouver un équivalent mais j’ai un peu l’impression que Fassbinder ou Sirk ont débarqué chez Pixar, si tu vois ce que je veux dire.

     Chez les vivants, « Dia de los muertos » leur donne l’occasion d’offrir des présents (offrandes, fleurs, nourritures) à leurs morts. Afin de revoir leurs descendants, les ancêtres, eux, traversent la douane qui vérifie qu’ils ne sont pas oubliés des vivants, qu’il y a des photos d’eux dans le vrai monde. Afin de revoir les vivants, les morts doivent traverser un pont tout en pétales dorés. C’est le plus beau viaduc qu’on aura vu au cinéma en 2017, après celui, surplombant le village dans La Villa, de Guédiguian.

     Dans le cas tragique où aucune photo d’eux n’orne d’autel, ils n’ont pas accès au pont, ne peuvent même pas forcer la traversée puisqu’ils s’enfoncent dans les pétales comme dans les sables mouvants. Idée absolument vertigineuse qui en amène une autre : Les morts peuvent aussi mourir dans le monde des morts, puisque sitôt qu’on les oublie, ils meurent physiquement à petit feu avant que leur âme, envahie par la tristesse, ne s’évapore à jamais. On savait les studios Pixar inventifs et capables de nous faire chialer en voyant des jouets attirés dans un incinérateur, mais je pensais toutefois pas qu’on irait jusqu’à pleurer la mort des morts.

     Ils passent donc la douane. Ou tentent de passer la douane à l’image d’Hector, qui sent qu’on l’oublie et se déguise en Frida Kahlo – Running-gag absolument génial. Comme souvent chez Pixar quand c’est drôle ça peut aussi être très drôle. Et ce qui est très beau (et pas si gratuit) avec ce gag c’est qu’il rejoint le récit : Dès l’instant que tu te situes dans la mémoire commune, tu ne risques pas de disparaître. Ça dit de belles choses sur l’imposture (déjà au cœur de Là-haut), de ces stars qu’on glorifie pour rien et de ces artistes de l’ombre qui sont les vrais perdants de l’Histoire. Hector en fait partie, le film prendra son temps pour nous le faire comprendre. On peut le sentir venir dès le départ, j’imagine, personnellement j’y ai vu que du feu, pour moi il était très vite évident qu’Ernesto de la Cruz soit l’arrière-grand-père de Miguel, sans doute car j’étais à fond dans le film comme jamais je ne l’avais été dans un Pixar – Voire dans un dessin animé tout court.

     Coco trouve grâce à mes yeux dans sa façon de jouer sur deux registres difficilement conciliables puisque c’est à la fois un film festif et féérique, donc conforme à son idée de base (Le jour des morts) et un mélodrame bouleversant. Le film brise la frontière entre les deux mondes, fait rejoindre les vivants et les morts, perturbe toute notion de temporalité et le tragique « cours normal des choses » comme jamais on l’avait ressenti depuis Titanic. Mama Coco c’est un peu Rose Dawson, avec moins le souvenir d’une passion que celui d’un père. Le dessin est remplacé par une chanson, le bijou par une photo déchirée, mais dans les deux cas c’est un visage tout en rides qui nous transporte dans le vertige du temps.

     Et puis ça pourrait n’être qu’un détail dans les investigations de Miguel lors de sa traversée du monde des morts, mais son guide (Hector) pour voir son ancêtre, lui demande d’emmener une photo de lui pour pas qu’on l’oublie et qu’il puisse un jour revoir sa fille. Cette simple photo, revenue d’entre les morts, était au cœur d’un autre film cette année, le magnifique Carré 35, d’Eric Caravaca. C’était la petite touche en plus, me concernant : Les larmes discrètes allaient se transformer en torrents.

     Pour finir, petite anecdote personnelle. J’y suis allé avec mon fils. Je pense pouvoir dire qu’il s’agit là de notre première vraie claque émotionnelle ensemble dans une salle de cinéma. C’est simple on pleurait tous les deux à la fin. « Papa c’était trop triste » m’a-t-il chuchoté dans l’oreille quand le générique est arrivé. Devant nous se trouvaient un père avec ses trois enfants, deux garçons qui avaient sensiblement le même âge que le mien et une petite fille de huit ans. Elle était inconsolable, complètement défaite, c’était terrible. Et le papa était dans le même état que nous. Punaise, j’avais déjà du mal à gérer l’émotion de mon fils et la mienne alors en gérer quatre, bravo, mec. On a discuté un peu en sortant. Il m’a dit que sa fille avait toujours été comme ça, hyper sensible, hyper empathique. « C’est sa force » a-t-il ajouté. J’ai trouvé ça très beau. Et puis nous bah on a titubé comme ça jusqu’à la maison.

Toy Story 3 – Lee Unkrich – 2010

Toy Story 3 - Lee Unkrich - 2010 dans * 2010 : Top 10Soigner sa sortie.    

   8.5   Voilà 15 ans que le premier volet des aventures de Woody, Buzz et toute la troupe voyait le jour, 10 qu’ils étaient revenus dans une suite légèrement en deçà mais tout de même excellente, et moi je découvrais tout dans la semaine, 1, 2 et 3 avec l’honneur de voir le tout dernier sur grand écran. On pensait le premier opus imbattable et pourtant, Pixar a une nouvelle fois frappé fort, si fort qu’il n’y a pour moi, dorénavant, rien qui puisse prétendre être au niveau de Toy Story 3, pas même le superbe Monstres & cie.

     Il y a 15 ans (enfin moi il y a seulement quelques jours) on se demandait ce que deviendrait Toy Story lorsque l’enfant aurait grandi. Ou bien est-ce qu’ils allaient véritablement faire des suites ou peut-être même changer les personnages, les passer de l’un à l’autre, je ne pensais pas, sérieusement, que Pixar oserait montrer cela. Toutes les craintes qui nous parcourent durant les deux premiers films sont ici poussées à leur paroxysme. Les éléments perturbateurs tels que l’enfant monstrueux qui s’évertue à détruire les jouets dans l’un, l’épisode du vide grenier puis de l’homme qui veut muséifier des jouets rares dans l’autre, deviennent beaucoup plus menaçants encore dans Toy Story 3 puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins qu’une éternelle angoisse du grenier avant de devenir celle de la poubelle. L’enfant a grandi, il s’en va à l’université. Mais avant cela il doit faire un peu de ménage dans sa chambre : faire le tri de ce qu’il emmène avec lui, de ce qu’il donne à sa sœur, de ce qu’il laisse au grenier, faire le tri de ce qu’il garde et ce qu’il jette. On l’aura compris, ce volet est un adieu à l’enfance si on le prend du côté humain, l’angoisse de la mort si on le prend côté jouet.

     Par de multiples péripéties que Pixar sait bien entendu nous concocter (il faut voir à quelle vitesse tout s’engendre depuis le début du premier Toy Story c’est absolument incroyable) nos amis jouets vont bientôt être séparés entre le grenier et l’université, puis par erreur certains seront destinés à la poubelle avant de partir pour Sunnyside, une garderie qui reprend les vieux jouets, puis une fois encore vers la poubelle. On n’a pas fini de se ronger les ongles pour nos petits personnages en plastiques qui n’ont jamais été aussi malmenés, géographiquement comme émotionnellement. Ils ne cessent de voyager, en voiture, en camion de poubelle, en objet volant. Et s’en prenne pour leur compte, l’enfant n’hésitant pas au tout début à dire à sa mère que personne ne voudra de ses jouets car ils sont nuls, ou plus tard à devenir les cibles d’enfants exécrables dans une garderie un poil hardcore. Rex, le dinosaure, abattu se dira « mais on n’a jamais joué comme ça avec nous, ils savent pas jouer ces gosses » et bien je peux t’assurer pauvre Rex que la sentence est loin d’être terminée. Car cette garderie referme surtout un gang de jouets, dirigé comme il se doit par Lotso, un ours maléfique, qui sous sa carapace dictatoriale referme un passé douloureux, une horrible peluche donc, servie par des sbires comme Robot ou Ken (oui, l’ami de Barbie) qui en faire baver aux nouveaux arrivants, qui n’acceptent plus de se retrouver dans la classe des enfants violents.

     C’est alors que le film embraye une nouvelle fois dans une autre direction. Notre petit groupe de jouet était éclaté et il va se reconstruire, par l’intermédiaire du malin et courageux Woody (s’il m’entendait, il hausserait les épaules, se tiendrait tout droit, fier autant que gêné) qui s’empresse de préparer tout un plan d’évasion nocturne. Cette partie du film dure un long moment, et il en faudra, une fois encore, des réussites mais aussi des échecs, avant d’arriver à leur seule destination de sortie, qui comble de l’ironie, n’est autre que le vide ordure de l’établissement. C’est comme ça tout le temps Toy Story : ne jamais s’imaginer que l’on est tiré d’affaire parce que tout semble dans la poche, il y a toujours une couille au dernier instant. Mais de la même manière il ne faut jamais s’avouer vaincu, nos jouets sont tellement intelligents et perspicaces qu’ils trouvent toujours un moyen de s’en tirer. Sauf que ce Toy Story 3 est beaucoup plus cruel que je ne l’imaginais ! Car non contents d’en avoir fait les pantins d’enfants disgracieux, les martyrs de jouets machiavéliques, c’est encore une fois avec la poubelle, mais cette fois ci une déchetterie, donc la mort, que tous nos personnages vont être confrontés. Une dernière course contre la mort, la plus éprouvante de tous les films Pixar, pour terminer sur une musique façon Terminator 2, les jouets se tenant tous la main, descendant inéluctablement vers les flammes, simplement résignés pour une fois, avant qu’un coup du sort aussi émouvant que si ça avait été leur dernier salut, viennent les sauver, j’ai nommé les trois aliens verts, ceux qui depuis le premier opus sont obnubilés par le grappin qui devait les mener au paradis, pensaient-ils, dans leur boite attrape-couillons de fête foraine. Une grue a remplacé ce grappin, dans une séquence absolument magnifique (j’en ai les frissons rien que de l’écrire) où le cœur n’était plus très loin de lâcher, où les larmes avaient pointer le bout de leur nez.

     Mais ce n’est pas terminé, car la véritable fin de Toy Story (j’ose espérer qu’il n’y en aura pas d’autres, cette fin est tellement parfaite) la voilà : Rentrés à la maison grâce au camion de poubelle avec l’éboueur qui écoute sa musique au casque, les jouets reprennent leur place, à savoir dans le carton qui les destinerait au grenier. Finalement, par l’intermédiaire d’une pirouette à la Woody, le jeune garçon choisit de donner ses jouets, à une jeune petite fille dont Woody a fait la connaissance durant son escapade cauchemardesque, seul brun de douceur dans lequel il semblait bien installé, avant qu’il ne dut se rendre à l’évidence que le sauvetage de ses amis dans les mains de Lotso était primordial. C’est probablement une adresse qui est écrit sur ce post-it, Woody ayant fait comme si c’était la mère de l’enfant qui lui conseillait de donner ses jouets. La fin, comme un passage de relais, est quelque chose d’absolument fabuleux. Ce n’est pas un simple échange, c’est un adieu, l’enfant maintenant presque adulte joue une dernière fois avec ses petits amis inanimés comme pour montrer à la jeune fille quels sont les pouvoirs de ceux-ci, quels sont les noms de ceux-là. Et c’est en rallongeant cet échange que l’émotion vient le submerger, et qu’elle vient nous submerger par la même occasion. Les jouets continueront à vivre. A travers les yeux d’un nouvel enfant mais aussi à travers la mémoire d’un enfant devenu grand.

     Pourquoi vaut-il mieux avoir vu les deux premiers épisodes avant de voir le troisième ? Je pense que ça a à voir avec la proximité que l’on peut ressentir envers les personnages. La première séquence du train n’aurait pas cet impact là sans la connaissance des Toy Story précédents. Il y a toute une science de la construction des personnages qui trouve son aboutissement dans celui-ci mais qui en a déjà beaucoup dévoilé auparavant. On sait comment réagissent certains, comment pensent d’autres, il y a toute une gamme de sentiments que l’on connaît déjà pour chacun d’entre eux, avant qu’ils soient décuplés dans ce troisième opus. Selon moi c’est très important de se les regarder dans l’ordre, enfin c’est ce que j’ai fait, même sur un laps de temps assez moindre, et j’en suis ravi.


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silencio


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