Faites l’amour, pas la guerre.
7.0 Quitte à faire découvrir James Bond à mon fiston, autant y aller avec mon épisode préféré de la saga. Pas le meilleur, j’en conviens, mais celui que je connais le mieux, que j’apprécie de revoir toujours aujourd’hui. Il y en a que deux, en fait. L’autre c’est Goldeneye. J’ai grandi avec ces deux films. Mais L’espion qui m’aimait a un truc en plus. Barbara Bach, probablement. Et sa chanson de générique : Nobody does it better.
En outre, revoir L’espion qui m’aimait avec un peu de bagage cinéphile est une expérience assez déroutante. Les références sont placardées, mais plutôt bien digérées. A moins qu’elles soient simplement moins lourdes que l’ensemble des dialogues : Je n’avais pas le souvenir que c’était si beauf, si grotesque, ce sempiternel sous-texte sexuel et ces pointes d’ironie débridée so british. Franchement, Bond, dans L’espion qui m’aimait, est encore moins fin que Bonnisseur de la Bath, dans OSS 117, c’est dire.
Et si l’on pense au film d’Hazanavicius, c’est en partie aussi parce qu’un chapitre de cet épisode se déroule au Caire. Le chapitre que je préfère. Celui pour lequel j’ai gardé le plus d’images en tête. J’adore l’imaginaire déployé : De nuit comme de jour, la résidence de luxe de Fekkesh, les pyramides de Gizeh, le Mojave club de Max Kalba, la traversée du désert (accompagnée par la musique de Maurice Jarre, composée pour Lawrence d’Arabie), jusque dans celle du Nil. Lewis Gilbert n’est sans doute pas aussi à l’aise qu’Hitchcock quand il tourne L’homme qui en savait trop, au Maroc, mais on le sent malgré tout investi, fasciné.
Mais si j’aime tant ce film c’est aussi pour ce qu’il témoigne du cinéma de son époque : Il débarque pile quand le Nouvel Hollywood meurt. Il en devient même l’acteur direct tant il s’inspire ouvertement de Jaws, de Spielberg – Quel film, autre que Jaws, se charge de tuer les hippies dès son ouverture ? Il faut noter que Spielberg devait initialement réaliser cet opus. Requin, incarné par le grand Richard Kiel, fait donc son apparition dans la saga, une demoiselle se fait dévorer par un squale dès les premières minutes du film et une Lotus fait paniquer les estivants lors de son arrivée sous-marine sur une plage.
Rien d’étonnant, la saga fonctionne beaucoup sur ce qui se fait autour d’elle. C’est une franchise complètement impersonnelle, formellement. Du coup elle surfe sur la vague. Quand L’espion qui m’aimait sort, la vague c’est Les dents de la mer. Quand Moonraker (Le suivant) sort, la vague c’est Star Wars, évidemment.
Le film s’inspire mais assume pleinement sa légèreté, renforcée par le jeu de Roger Moore et le texte qu’on lui donne. C’est une farce en pleine guerre froide. Puisque Bond, agent des services secrets britanniques fait équipe avec l’agent Anya Amasova, des services de renseignements russes. Faites l’amour pas la guerre, semble dire la dernière scène.
Pour le reste, L’espion qui m’aimait me plait car il est chargé de beaux gadgets. De chouettes apparitions. De personnages mais pas seulement : La Lotus Esprit, joli bolide blanc embarqué dans une belle course-poursuite face à un side-car puis un hélico, avant de plonger dans la Méditerranée où soudain on pense au sous-marin d’exploration de Tournesol dans Le trésor de Rackham le rouge. Quant au QG sous-marin Atlantis, il évoque le Nautilus de Vingt mille lieues sous les mers. Et les obsessions marines et mégalos de Stromberg renvoient à celles du capitaine Nemo.
Au rayon des anecdotes, il semble que Kubrick, appelé en renfort, supervisa l’éclairage de la scène du pétrolier. J’aime croire que ça se voit, j’aime beaucoup cette séquence.