Publié 16 avril 2023
dans Louis Garrel
Ecolo bobo.
5.0 Les dix premières minutes fonctionnent bien, quand le film n’est pas encore entièrement dans la fable écologique. Il s’agit plutôt d’en faire un comique de situation faisant entrer en collision deux mondes, celui des petits et celui des grands, mais à l’échelle d’un foyer, d’un garçon de treize ans face à ses parents.
Abel, Marianne et leur fils Joseph, vivent à Paris. Leur vie quotidienne est bouleversée quand les parents découvrent que Joseph a secrètement vendu des objets de valeur afin de financer un mystérieux projet écologique que lui, ses amis et de nombreux enfants du reste du monde ont en Afrique.
La découverte de cette vente de biens de luxe (montres, chaussures, bouteilles etc…) – « que vous utilisez pas car ça prend la poussière » dit Joseph – occasionne une autocritique (Casta & Garrel sont en couple en vrai et je me suis demandé s’ils tournaient pas chez eux, dans ce gigantesque appartement parisien) assez féroce et savoureuse de la bourgeoisie et de la surconsommation.
Il y a un vrai sens comique qui couve chez Garrel, qu’il poussera plus loin encore dans L’innocent, mais qui demande à exploser davantage un peu comme chez Salvadori : D’ailleurs, si L’innocent rappelle un peu (tout ce que je déteste de) En liberté, La croisade m’évoque vite fait (ce que j’adore dans) La petite bande.
Dommage que le film manque un peu de folie, d’ambition, de déploiement. De comique absurde aussi : Pourquoi ne pas rire de ces choix de prénom (Abel, Marianne, Joseph…) et de titre (La Croisade) ? Dommage que la suite ne soit pas à la hauteur de son ouverture, aussi. C’est un film qui respire trop la pandémie et qui l’intègre un peu maladroitement dans le récit : une alerte aux particules fines plonge le pays dans un couvre-feu général et le port du masque FFP2. Garrel n’est pas les Larrieu : Entre La croisade et Les derniers jours du monde, il y a un monde.
Publié 20 mars 2023
dans Louis Garrel
Au diapason de l’axolotl.
5.5 Louis Garrel, cinéaste, qui investit les terres du braquage, après tout pourquoi pas ? Le mélange des genres convoque ici aussi les mélanges des jeux, des ambiances, des lieux. Une prison, une voiture, un entrepôt, un futur magasin de fleurs, un restoroute, un aquarium. C’est comme si le film tentait de faire tenir plein de choses ensemble, à commencer par le mélodrame (le film mère/fils) et le film de genre (le braquage). L’innocent circule de la comédie de boulevard au film d’action, en passant par le thriller et la rom’com. Il y a une vraie générosité qui l’anime. Or, le film transpire mais respire assez peu. Son ambition burlesque le rend aussi beaucoup trop hystérique. Et pourtant, du plaisir le film en donne aussi beaucoup. En partie grâce à une Noémie Merlant absolument fabuleuse, loin de ce qu’elle avait offert chez Céline Sciamma. Vivement qu’on la voit dans d’autres comédies. En partie parce que le début du film est très accueillant, plein d’idées, puis que sa partie restoroute est assez jubilatoire, réhaussée par la scène des préparatifs au braquage, sans doute la scène la plus drôle du film. Mais à vouloir trop en mettre, dans le rythme comme dans la forme, se manifeste une certaine indigestion, symbolisée par cette photo franchement passable, avec son aspect vintage fabriqué, un peu trop dans l’imitation du cinéma des années 80. Il y a du De Broca là-dedans, mais pas forcément le meilleur.
Publié 9 mars 2020
dans Louis Garrel
Les vies à deux.
5.0 Si les premiers essais courts de Garrel (petit)fils m’avaient complètement indifféré – mention spéciale à Petit tailleur qui semblait ne pas réussir à choisir entre le cinéma de son père et celui de Truffaut, créant plus d’embarras qu’autre chose – son premier long métrage, Les deux amis (qui réunissait un trio Macaigne/Farahani/Garrel aussi réjouissant que complémentaire) m’avait relativement enthousiasmé, sur la durée qui plus est. A peu près tout le contraire de L’homme fidèle, qui m’intrigue au départ (Magnifique séquence de rupture, secondée par une troublante ellipse de plusieurs années) avant de progressivement me laisser sur la touche, la faute à des acteurs/personnages pas toujours passionnants : Le héros est trop effacé, Lily Rose-Depp ne dégage rien, mais il y a Casta (excellente) et l’enfant, pour parfois faire pencher la balance. L’atmosphère de triangle amoureux, évoque cette fois d’abord le cinéma de Mouret, dans son utilisation élégante de l’espace et de la parole. Et j’ai l’impression que c’est un style qui pourrait lui correspondre à Garrel. Mais il veut embrasser plus large : Un soupçon de comédie de remariage, un peu de thriller hitchcockien, une (triple) voix off très truffaldienne, le marivaudage sur l’exemple rohmérien, le recyclage musical de Sarde. Si l’on ressent curieusement une générosité d’emprunt et de déploiement malgré sa durée ramassée d’1h15, son épure de la scène ennuie plus qu’elle ne séduit. Mais c’est pas mal, dans l’ensemble. Et ça a l’élégance de faire court.
Publié 13 octobre 2016
dans Louis Garrel
La règle de trois.
6.0 Ou le manifeste Golshifteh Farahani, beauté absolue, imaginaire, saisie dans les gestes les plus quotidiens, sous la douche, aux toilettes, se brossant les dents, prenant le train, vendant des sandwichs. Elle est partout et elle est magnifique. Louis Garrel doit en être éperdument amoureux pour la filmer ainsi ; Muse qui rappelle un peu celles du cinéma de son père, qui incarnaient souvent sa Nico. Il y a quelque chose de tragique dans ce rôle de fille qui doit pointer chaque soir en taule, quelque chose que Garrel père saisissait à merveille. Mais c’est davantage au cinéma de Honoré (Rien d’étonnant à le voir cosigner le scénario) auquel on pense ici. La mayonnaise peine à prendre au début mais dès que c’est le cas, on s’y sent bien dans ce film, spontané, tendre, hédoniste, à la fois drôle et grave, que l’actrice (Je me répète hein, mais elle est sublimissime) tient sur ses frêles épaules, bien accompagnée par les trublions Macaigne et Garrel, qui semblent réchappé d’une bromance forcée. Si le film n’est pas toujours très subtil à l’image du tournage (Macaigne joue un figurant de cinéma) soixante-huitard, il s’y déploie brillamment, à chaque fois et dans cette séquence comprise. Bref c’est nettement mieux que Petit tailleur, l’un des trois courts de Garrel qui précédaient ce long métrage, qui trouve avec Les deux amis une singularité attachante.