Un dîner sans fin.
7.5 C’était ma deuxième fois. Si j’aime le ton et la folie qui en émane en permanence, ce n’est pas le film de Buñuel qui me touche le plus, la faute sans doute à un récit plus conceptuel qu’à l’accoutumée. On garde les boucles et l’incapacité à s’en extraire de L’ange exterminateur, mais ce dernier faisait davantage magma tragique quand Le charme discret joue sur une nonchalance nettement plus sarcastique. Enfin, ce n’est que mon avis.
Ici aussi il s’agit d’un dîner qui n’ira jamais à son terme, empêché continuellement, réitéré jusqu’à l’infini, dans lequel sinon les cloisons invisibles, on ne sait plus trop ce qui tient du réel, du songe ou du rêve, parfois imbriqués les uns dans les autres. Le plus fort je trouve ce sont les plus infimes sources de dérèglement qui enveniment chaque repas. Buñuel construit toute sa mise en scène autour de ces interférences à la fois énormes et invisibles. Il faut dire que le film n’hésite pas à emprunter les voies les plus improbables à l’image de l’histoire de cet abbé jardinier qui va rencontrer celui qui a jadis empoisonné ses parents à l’arsenic ou encore de ces histoires/rêves contées par cet officier de manœuvre.
C’est un film complètement barré. Où les repères sont systématiquement bousculés à l’image du jeu volontairement outré de chacun des acteurs qui exagère son statut en permanence : Le trop grand sourire de Delphine Seyrig, qui masque une relation parallèle avec Fernando Rey ; Le penchant alcoolique de Bulle Ogier qui fait vraiment office de loque et pièce rapportée ; L’apparence éternellement ahurie de Jean-Pierre Cassel. Ce serait passionnant à analyser de fond en comble, il me semble.
Après ça ne me stimule pas autant les sens que d’autres Buñuel, notamment Le journal d’une femme de chambre, pour me hanter durablement. Autant qu’un certain Cet obscur objet du désir, j’y reste relativement spectateur, admiratif mais lointain. Bon, je fais mon pisse-froid là, mais je trouve ça aussi proprement génial sur bien des points.