Publié 4 janvier 2019
dans Mahamat-Saleh Haroun
Un homme qui souffre.
5.0 Il y a de bonnes intentions (Raconter la vie en France d’un père et ses deux enfants ayant fui la république centrafricaine en pleine guerre civile) dans ce nouveau film du réalisateur tchadien, le premier qu’il tourne en France, mais tout sonne faux car on ne voit que la fabrication, les coutures, les intentions, jamais l’incarnation. Même quand le personnage est énervé (car il n’a pas obtenu son droit d’asile, donc reste sans papiers) et qu’il tape dans une poubelle et balance des pastèques par terre (Il bosse sur les marchés) ça sonne faux. C’est un détail mais c’est à l’image du film entier : Haroun n’est décidemment pas le cinéaste de la subtilité – Souvenir d’un calvaire devant Un homme qui crie. On a donc droit à une perte d’emploi, une immolation à la cour nationale du droit d’asile, une expulsion d’appartement, une traque policière, une scène au carré des indigents, des hommes qui n’arrivent plus à bander. C’est un programme certes réaliste, mais un peu lourd sur 1h30. Et tout est lourd, jusqu’à cette musique illustrative, jusqu’à la voix off du fils d’Abbas. Et ça me gêne de le dire, car une fois encore les intentions sont louables, mais les enfants sont mauvais, c’est terrible. Néanmoins, quand on finit par s’y faire et accepter qu’il est une chronique un peu terne (avec sa photographie sans relief, son récit programmatique et didactique, mais sujet de société : ce sentiment de rejet éprouvé par les migrants) on s’y attache, sans doute car le film parfois, prend le temps d’étirer ses plans, tente de débusquer une émotion, une fragilité, plutôt que de nous asséner un discours, c’est toujours ça de pris. Autrement la fin est assez réussie et l’on sent qu’Haroun a voulu y aller de son clin d’œil à Sans toit ni loi, de Varda, en suivant Sandrine Bonnaire déambulant sur cet immense terrain vague que sont les dunes de la « jungle de Calais » jusqu’au regard caméra qui nous prend à témoin. Classique mais efficace.
Publié 21 janvier 2015
dans Mahamat-Saleh Haroun
5.0 C’est pas mal, en effet, incomparable au précédent Saleh Haroun qui était une vraie purge auteuriste vide. Là il y a vraiment la mise en espace d’un corps et c’est très réussi. Après, narrativement, ça ne me passionne pas des masses, malheureusement donc ça ne m’émeut pas non plus car le film est trop embrigadé dans la fiction et sa représentation un poil trop écrite à mon goût. Fusionner le documentaire et la fiction peut s’avérer très beau mais force est de constater que Saleh Haroun est moins à l’aise avec le second.
Publié 27 octobre 2010
dans Mahamat-Saleh Haroun
1.5 C’est tout de même l’histoire d’un homme qui trahit son fils, par simple peur d’être relégué au rang de vieux, simple peur de perdre, en l’envoyant au front en réponse à la demande d’effort de guerre. C’est quelque chose d’indicible, qui le tiraille et lui commande de faire ce geste courageux, que l’on voit comme une lâcheté, parce qu’il est réalisé après que le fiston ait pris la place de son père, en tant que maître-nageur pendant que ce dernier sera dorénavant garde-barrière. Sur le fond le film pourrait dire des choses très fortes sur l’esprit compétitif (rappelons que le personnage en question est un ancien champion de natation) et la recherche de rédemption. Mais il utilise tout cela de façon si lourde, si insupportable que le film est un véritable calvaire. A commencer par l’utilisation symbolique : la première séquence par exemple voit le père et son fils se défier en apnée. Le fils gagne, ça semble être la première fois, il exulte. Avec le recul du film, c’est d’une lourdeur. Et puis que dire de ce nombre incroyable de plans visages uniquement à dessein de voir des yeux embués, des larmes en couler. C’est affreux. Et puis le cinéaste ne filme absolument rien de son pays. Tout est fade, jusque dans l’utilisation des couleurs. Et quand il a la bonne idée d’étirer les plans, rien, on ne voit rien, les personnages n’existent plus, ils surjouent, à l’image de ce plan fixe et hyper cadré d’une famille en plein repas à l’ambiance pas très joviale. Juste mauvais. C’est un film qui recherche une certaine pitié, qui voudrait que l’on s’apitoie sur le sort de cet homme. En guise d’exemple : la scène où l’on voit la première fois Adam satisfaire les clients qui klaxonnent en leur ouvrant la barrière, chacun leur tour, pour entrer, pour sortir. Il y a comme un va-et-vient incessant qui a vocation comique, quelque chose de Tati dans ce plan fixe répétitif. Mais c’est froid, sans saveur, ça ne demande qu’à être plaint. Et c’est ça tout le temps, jusque dans la scène de fin.