Archives pour la catégorie Matteo Garrone

Dogman – Matteo Garrone – 2018

28. Dogman - Matteo Garrone - 2018L’îlot chiens.

   5.0   Autant il me semble qu’il y avait beaucoup de choses à tirer de Gomorra et Reality (souvent pas bonnes mais au moins il y avait des choses) notamment des lourdeurs mais aussi des fulgurances, autant là je ne comprends ni les enthousiastes ni les détracteurs. Dogman est un truc minuscule, un film complètement insignifiant, la chronique banale d’un toiletteur pour chiens qui se transforme en polar aussi violent qu’il est trivial, avec l’affrontement entre ce même garçon simplet et le caïd du quartier, stéréotype de la brute épaisse, dans un lieu mystérieux, sorte de station balnéaire laissée à l’abandon, qui a tout pour être fascinant mais que Garrone filme platement, sans envie. Grande place circulaire sans vie filmée sans âme, d’où la sensation d’un petit théâtre fabriqué dans lequel il brosse son néo film noir. Il y a de belles scènes, des trucs qui nous sortent un peu de l’ennui, notamment la présence de Marcello Fonte – sorte de Buster Keaton napolitain sur lequel Garrone mise absolument tout – mais globalement le film est tellement programmatique qu’il est difficile d’y trouver le moindre intérêt, déjà pendant et davantage encore avec le recul. En sortant tout juste de Lazzaro Felice, qui lui ne cesse constamment de se réinventer c’est un peu triste de voir ce film-là. Bon, au final, c’est sans doute le moins mauvais film de Matteo Garrone, malgré tout.

Reality – Matteo Garrone – 2012

22. Reality - Matteo Garrone - 2012Regarde les hommes tomber.

   4.0   Dur, très dur d’aller au bout du film de Matteo Garrone, déjà responsable du boursouflé et surestimé (Auréolé du même prix que Reality à Cannes) Gomorra. Enfin, surtout de passer la première heure. Après, c’est mieux. J’y reviens.

     Rarement vu une photo aussi immonde, grasse, filtrée jaune ou surexposée pour faire ressortir les rouges et les verts. Afin de compenser cette indigestion de couleurs, Garrone cumule les longs plans séquences en mouvement (Souvent des va-et-vient lourdingues) qui ne font qu’ajouter à cette sensation de saturation.

     Si ce tâcheron de Sorrentino se la joue démiurge farceur, Garrone lui est persuadé qu’il peut ressusciter la comédie italienne – Genre pour lequel j’ai déjà très peu d’affinités, qu’on se le dise. Ils nous gâtent les ritals. Il y va donc de ses lourds sabots, propose une galerie de personnages caricaturaux, des bavardages creux incessants, des prouesses techniques dans chaque plan. Et ça se veut drôle mais ça ne l’est jamais.

     Mais je dois reconnaître que la dérive du personnage (Le seul qui sort d’un lot volontiers antipathique) m’a assez touché. J’aime le regard que l’auteur pose sur son « héros » et la fascination qui l’habite, la folie qui s’empare de lui progressivement. L’acteur est très bon d’ailleurs, son regard est fort, dans sa faculté de toujours sembler à côté, étrangement excessif ici, complètement rentré là.

     Il y a dès le début ce sentiment là, dans cette longue première séquence de mariage, trop impressionnante, quand il voit l’hélicoptère décoller. Le film est déjà dans un élan curieux aux côtés de ce personnage qui n’est rien mais qui se rêve star. Son obsession pour le reality show s’incarne dans ses yeux, avant qu’il n’aille littéralement s’y fondre, dans un final bienvenu, bien qu’un peu racoleur dans son illustration.

     Le film parait en retard, à première vue. Car Reality en 2012 c’est un peu comme si on faisait The Social Network en 2017. Cela dit, il tend davantage à montrer la télé réalité comme rêve de représentation et non comme aventure voyeuriste. Voir ce petit saltimbanque de mariages se rêver célébrité sous les projecteurs résonne forcément avec toutes ces pseudos stars qui sortent d’un reality show et ont juste à faire les guignols pour faire parler d’eux. Quand il est recalé par l’émission (Ayant participé au casting, il était persuadé d’être pris, allant jusqu’à fermer son petit commerce de poissons) il s’éteint, passe son temps devant la télé, observant les habitants de son aventure en se persuadant qu’ils incarnent tous une petite partie de lui. Le film trouve là quelques belles inspirations.

     Si critique de la télé réalité il y a je ne pense pas qu’elle soit si évidente et martelé – Comme ça peut être le cas ailleurs, de Truman show à Black Mirror. On sent surtout que Garrone est fasciné par cette drôle d’époque (anachronique, puisque le reality show en question ressemble davantage à un Loft Story qu’aux Anges de la télé réalité) autant qu’il l’est par la comédia del arte. Il en fait donc une mixture, souvent indigeste mais il y a des trouées, surtout dans la dernière demi-heure, quand le film a complètement abandonné l’excès et la comédie pour se libérer dans l’absurde et la poésie. Ça ne sauve pas le film pour autant mais c’est toujours ça de pris.


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silencio


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