« I’m alone. I’m not lonely »
Charlene (Ashley Judd) qui fait un geste de la main à Chris (Val Kilmer) pour lui interdire de monter, comme un joueur de blackjack qui indique au croupier qu’il ne veut plus de cartes. Ça a toujours été l’une de mes scènes préférées du film : ce dernier (?) échange de regard entre les deux, ce geste d’adieu, cette dernière complicité offerte alors qu’elle devait le trahir, c’est fabuleux. C’est un moment sur lequel Michael Mann revient dans son livre, Heat 2 (que j’ai lu cet été) au moyen d’un souvenir de Chris, dans sa nouvelle vie au nouveau Mexique (partie qui évoque largement l’ambiance de Miami Vice et Hacker).
Pour tout fan de Heat c’est un peu le livre rêvé, Heat 2 : un pavé de 700 pages contant le récit éclaté d’avant et après les événements du film, faisant donc office de suite et prequel, avec des échos, des correspondances (l’origine des fameuses Îles Fidji rêvées de McCauley par exemple) et des prolongements déments, non sans une certaine frustration : je ne verrai plus Heat de la même manière. Mon imaginaire avait modelé les origines des personnages et Mann m’en a offert d’autres. C’est très bizarre de revoir le film à l’aune de ces nouvelles informations, de ce background. De revoir Heat avec la connaissance du grand amour de Neil, par exemple, je n’en dis pas plus. Mais le bouquin est aussi une ouverture sur un autre monde et notamment sur un nouveau personnage, Otis Wardell, un Waingro x10, une figure du mal qui semble piocher chez tous les grands tarés du cinéma de Mann.
C’est peut-être qu’un roman de gare (après tout, Mann n’est pas romancier, quand bien même il soit guidé ici par Meg Gardiner, spécialiste des polars), saupoudré de fan service, mais c’est un beau récit, épique, cinégénique, forcément jalonné de trois gros morceaux de bravoure, dans un désert, une usine désaffectée et une parcelle d’autoroute. Quel dommage de pas avoir écrit et filmé ça à l’époque, dans la foulée car ça a vraiment la tronche d’un scénario, voire d’un story board écrit tant on y perçoit déjà de la mise en scène. Ça pouvait être son Parrain 2. L’adaptation est évoquée mais ça me semble difficile de se projeter, sans les acteurs et le Mann d’alors. Mais pourquoi pas…