Archives pour la catégorie Mervyn LeRoy

La ville gronde (They won’t forget) – Mervyn LeRoy – 1937

16. La ville gronde - They won't forget - Mervyn LeRoy - 1937Voix haute, ville basse.

   8.0   Un film une fois encore passionnant signé Mervyn Leroy, qui emprunte ici les voies du procès, de l’injustice, du pouvoir de la foule, des médias et des hommes de loi, des rapports houleux entre le Nord et le Sud, dans le sillage évident du chef d’œuvre de Fritz Lang : Furie.

     Dans une petite ville sudiste des États-Unis, le jour du Confederate Memorial Day, une jeune fille est retrouvée assassinée. Ici, bien aidé par l’arrivisme d’un procureur ambitieux et hâtif, le coupable ne fait aucun doute aux yeux de tous, il s’agit soit du concierge noir, soit de l’instituteur nordiste.

     Le film s’inspire d’un fait divers qui vit un enseignant accusé du meurtre d’une de ses élèves, déclaré coupable, condamné à être exécuté avant d’être gracié par le gouverneur puis de se faire lyncher à mort par la foule.

     Satire virulente du système judiciaire dans le deep south américain, La ville gronde est un grand film sur les pressions exercées sur les masses, qui n’existent plus qu’au travers de leurs libertés bafouées par la peur : un barbier et un concierge qui craignent de revenir sur leurs témoignages respectifs imposés, un juré sceptique qui préfère se plier à l’avis du groupe. Film brillant, glaçant, révoltant.

Ville haute, ville basse (East side, west side) – Mervyn Leroy – 1949

08. Ville haute, ville basse - East side, west side - Mervyn Leroy - 1949Faux-semblants.

   7.0   Film tellement féminin – et écrit par une femme : Isobel Lennart – qu’il apparait presque comme une sorte de Johnny Guitar du film noir. D’une élégance rare, le film offre un terrain de jeu imparable pour la crème de la crème des stars hollywoodiennes qu’il réunit : Un casting hallucinant puisqu’on y trouve Barbara Stanwyck, Ava Gardner & Cyd Charisse, mais aussi James Mason & Van Heflin. Excusez du peu.

     Ville haute, ville basse s’ouvre sur un laius de Jessie à propos de sa ville, New York, dont elle adore la respiration, les battements de cœur, ainsi que son impossible communication entre l’east side et le west side. On apprend bientôt qu’elle est mariée à un certain Brandon et qu’ils filent tous deux le parfait amour. Chaque jeudi, ils se retrouvent chez ses parents (à elle) pour un diner. Mais quelque chose cloche. Lors de l’un de ces jeudis, les tensions apparaissent subtilement. On découvre un garçon très séducteur avec sa belle-mère, ça pourrait avoir l’air de rien, mais ça nous prépare au personnage. Lorsqu’ils partent, les parents de Jessie s’inquiètent à l’idée de leurs querelles passées. Derrière les apparences feutrées, la réalité naît. L’apparence de bonheur se fêle insidieusement. L’idylle amoureuse est à l’image du portrait idéal que brossait Jessie de sa ville : La facticité plane.

     Et le film va s’employer à détruire ces apparences, à inverser les rôles, à multiplier les trahisons, les rebondissements. Le décès étrange d’une ancienne conquête de Brandon. Sa rencontre avec Rosa tandis que Jessie de son côté, tombera sous le charme de Mark, l’enquêteur. La lutte des classes, promise par le titre, se transforme en lutte des femmes et en récit d’une lucide renaissance. Très beau.

La valse dans l’ombre (Waterloo bridge) – Mervyn LeRoy – 1940

07. La valse dans l'ombre - Waterloo bridge - Mervyn LeRoy - 1940The river of a memory.

   9.0   C’est une véritable déflagration. Un récit qui nous saisit de la première à la dernière seconde. Une histoire qui s’ouvre et se ferme sur un pont, véritable témoin triste du temps. Sur un fondu enchaîné sur un visage, nous voilà convié au sein d’un souvenir. Celui de Roy, un officier britannique de la seconde guerre, traversant le Waterloo bridge (qui donne son nom au titre original) un talisman dans la creux de la main. Il se souvient d’y avoir rencontré ici-même une femme, jadis, dans une autre vie, lors d’émeutes en plein pendant les bombardements de la première guerre. Il y a déjà une symétrie, temporelle et géographique. Elle c’est Myra, elle est ballerine dans un ballet.

     C’est donc au moyen d’un immense flashback que s’articule la narration de La valse dans l’ombre. C’est un film en apesanteur. Qui épouse l’état d’esprit de ses deux personnages, magnifique couple tragique, incarnés par deux acteurs au sommet : Vivien Leigh (qui sort d’Autant en emporte le vent) et Robert Taylor. Evidemment, la mise en scène de Mervyn LeRoy et la sublime photo de son chef opérateur Joseph Ruttenberg (Fury, Brigadoon, entre autre) est superbe à tous les égards, mais si le film est un vertige permanent, il leur doit beaucoup. Et notamment à Vivien Leigh, sublime Myra – puisque c’est elle que l’on suit quand lui devient hors champ – dont il est très difficile de ne pas tomber amoureux éperdu, de ressentir chaque soubresauts, enchantés ou désespérés.

     Un moment donné il y est question d’une danse dans un café. Il s’agit évidemment de la valse promise par le titre français, cette dernière danse sur Ce n’est qu’un au-revoir qui s’ouvre à la lumière et se clôt dans l’obscurité – toutes les chandelles à mesure s’éteignent – quand les musiciens cessent peu à peu de jouer, que la musique se tut ; et qui peut se voir en parabole du récit tout entier à venir (car on est encore dans le premier tiers) : Cette histoire d’amour, lancée sur un coup de foudre, terminée sur un coup de hache et qui n’aura cessé de s’évaporer à petit feu, à l’image de l’extinction progressive des chandelles, jusqu’à atteindre la pénombre.

     Le plus délicat pour un cinéaste, quand il raconte ce type de passion amoureuse contrariée c’est de nourrir une empathie pour ses personnages proportionnels aux dégâts affectifs qu’ils traversent. La valse dans l’ombre y parvient tellement qu’on tremble pour Myra lorsqu’on la voit déboussolée sur ce pont, qu’on pleure déjà quand on comprend ce qu’elle est sur le point de faire. Au risque de me répéter, mais tant pis : Il est rare de se sentir autant en communion avec un personnage au cinéma, de pleinement ressentir la descente aux enfers d’un personnage. Et LeRoy s’y risque avec une pudeur incroyable, choisissant par exemple de laisser la guerre et la prostitution hors champ.

     Quelle tragédie c’est de voir Myra s’évaporer physiquement et moralement, constater qu’elle doit affronter sa chute sociale et affective, sous le poids de la tristesse et de la honte. Et refuser, quand il réapparait miraculeusement, de revoir celui qu’elle aime tant elle ne peut supporter d’avoir eu à se prostituer pour survivre – Cette dernière rencontre, tout en regards désespérés, avec une vieille femme sur le pont, est un moment palpable, terrible de rencontre avec le double (à venir) en somme la mort, qui s’évapore d’ailleurs dans le brouillard. La valse dans l’ombre c’est aussi l’histoire d’une conscience torturée vécue via le prisme d’un tragique souvenir. C’est une sorte de mélodrame ultime, rêvé. C’est le film le plus triste du monde.

Le petit César (Little Caesar) – Mervyn LeRoy – 1931

11. Le petit César - Little Caesar - Mervyn LeRoy - 1931La lune ou le caniveau.

   7.5   Un an avant le Scarface de Hawks, qui s’est imposé en mètre étalon du genre, il y a avait aussi du rififi chez les affranchis de Mervyn LeRoy, qui fait partie de ceux qui ont ouvert la voie à ce type de polar, racontant l’ascension d’une petite frappe au rang de grand caïd, jusqu’à sa chute brutale – inspiré de la vie d’Al Capone. Séminal, Le petit César l’est malgré son approche, sa brièveté, sa quête de l’essentiel : 1h19, pas un bout de gras, jusque dans son casse central, dont on sent qu’il manque cruellement de budget.

     Si le film est relativement classique dans sa forme car dévoué à son personnage principal, il tente parfois des plans forts, comme lorsque Otero observe Rico en train de se regarder dans le miroir. Le plan est dingue car Rico est comme élevé dans un tableau, mais il ne cesse de vouloir briser les contours du cadre, de s’en extirper. La fin aussi est une merveille du genre, ironique et morale, quand Rico se meurt derrière l’affiche promotionnelle du spectacle de son ami danseur.

     Incroyable de constater à quel point Edward G.Robinson a cette démarche, ces grimaces siciliennes, ce parlé mitraillette, cette façon de jouer des épaules, cette brutale imprévisibilité, qui en font un gangster aussi sympa qu’effrayant, ressemblant à s’y méprendre aux Joe Pesci et Harvey Keitel, croisés longtemps plus tard chez Scorsese, dans Mean streets ou Les affranchis.

     Bref, la sècheresse de son style, la concision de son récit permettent au film de garder un rythme soutenu tout du long. C’est un beau film de rue, un beau film de gangsters, réalisé en pleine Grande Dépression et dont l’ambition première est de raconter l’autre face du rêve américain, en suivant les arrivistes sans scrupules qui refusent que la société les laisse dans le caniveau.

Prisonniers du passé (Random harvest) – Mervyn LeRoy – 1947

30. Prisonniers du passé - Random harvest - Mervyn LeRoy - 1947Amour et amnésie.

   4.5   Premier Melvyn Leroy que je voie. Soyons clair, j’adore les mélodrames et Prisonniers du passé a tout du parfait mélo, saupoudré d’amour impossible, pas si loin de Lettres d’une inconnue (chef d’œuvre) de Max Ophuls. Le problème avec le mélo c’est ce qu’il faut y croire pour que ça fonctionne, ce qui est loin d’être le cas ici, la faute à un scénario fort de café qui mise sur une double amnésie : Une femme rencontre un officier de la première guerre, amnésique échappé d’un asile. Ils s’enfuient et se marient. A défaut de recouvrer sa mémoire d’avant-guerre, l’homme retrouve toutes ses capacités intellectuelles. Mais un jour il est renversé par une voiture. Je vous le donne en mille : Il oublie tout ce qu’il a vécu après-guerre mais recouvre sa mémoire d’avant. Je veux bien que l’amnésie soit un ressort romanesque idéal, mais ici ce n’est plus un ressort mais un moteur et comme on n’a du mal à y croire, il ne reste pas grand-chose à quoi se raccrocher. Et le film est beaucoup trop long. Mais peut-être étais-je mal luné, c’est tout à fait possible, aussi.


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silencio


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