Archives pour la catégorie Michel Hazanavicius

La plus précieuse des marchandises – Michel Hazanavicius – 2024

20. La plus précieuse des marchandises - Michel Hazanavicius - 2024Et la vie continue.

   7.0   Lu le livre de Jean-Claude Grumberg juste avant d’aller voir le film de Michel Hazanavicius : L’histoire d’un nourrisson recueilli par un couple de bûcherons, après avoir été jeté d’un train qui prend la direction des camps de la mort. Il s’agit évidemment d’un conte. Un conte pédagogique sur la Shoah. C’est très beau. D’une simplicité étonnante et d’une grande puissance d’évocation. Un beau récit contre l’oubli.

     Hazanavicius qui touche décidément à tout décide de l’adapter en film d’animation. Difficile de l’imaginer autrement, de toute façon. Il reste globalement très fidèle au livre, très littéral, à quelques exceptions près. Tout d’abord son montage alterné diffère. Dans le livre on est d’un chapitre à l’autre soit dans la forêt avec les bûcherons, soit avec la famille du bébé, dans le train ou les camps. J’ai d’abord cru qu’Hazanavicius allait couper la partie camp mais il y vient tardivement, comme s’il retardait l’inévitable : Elle est essentielle pour l’issue du récit, il faut qu’on y fasse la rencontre de ce père.  

     Dans les camps de concentration, Hazanavicius n’est jamais ostentatoire. Ses images agissent en saillies aussi brèves que puissantes, renforcées par ce dessin proche parfois de celui du Conte de la princesse Kaguya, s’il fallait nécessairement lui trouver un modèle. Et ce dessin c’est celui d’Hazanavicius lui-même. C’est un projet d’autant plus personnel / qui lui tenait à cœur, que Grumberg est un ami de ses parents.

     Le film prend donc peu de liberté par rapport au livre mais il en prend tout de même deux. Une première, assez embarrassante, qui agit en transition, puisqu’il s’agit de suivre un oiseau à travers la forêt, de la maison des bûcherons au camp d’Auschwitz. Une seconde, terrifiante, consistant à reproduire l’horreur des fours à travers des amas de visages s’égosillant, statufié par la peur, en image fixe, silencieux et noir et blanc, à la façon du Cri de Munch.

     Le film est très réussi, digne, émouvant (la fin avec la scène de la nappe et des crottins de chèvre, le reflet dans la vitrine, terrible…) encerclé, en introduction et en conclusion, par la voix off de narrateur-conteur, non moins émouvante, de Jean-Louis Trintignant, sa dernière « apparition » au cinéma.

Coupez ! – Michel Hazanavicius – 2022

09. Coupez ! - Michel Hazanavicius - 2022Le redouté.

   8.0   Commençons par le faux débat : Oui, Coupez ! est un remake, celui de Ne coupez pas ! un film japonais sorti en 2017 et oui il y a nettement plus de thune dedans puisque le film de Shin’ichirō Ueda était un truc d’étudiant bricolé avec rien. On pourrait donc faire les mêmes reproches à Hazanavicius qu’on le faisait à quantité d’auteurs occidentaux ayant remakés des films confidentiels qui traversent difficilement les frontières. Sauf que Coupez ! a l’honnêteté d’intégrer l’idée qu’il est un remake. C’est un remake qui n’a jamais autant parlé du film original puisqu’il l’intègre dans la diégèse même du film. Bref, le débat – si tant est qu’il en existe un – est clos.

     Ce d’autant plus qu’il s’insère parfaitement dans l’identité de son auteur, Hazanavicius n’ayant quasi fait, à sa sauce bien sûr, que des déclarations d’amour au cinéma, en détournant ou pastichant ce qu’il cite, d’OSS 117 au Redoutable, en passant par The artist et bien entendu par La classe américaine, le grand détournement. C’est vrai qu’il n’avait jamais fait de remake pur. C’est chose faite. Alors loin de moi l’idée de comparer l’original et son remake, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas vu l’original, mais s’il y a une chose que je reconnais au film d’Hazanavicius c’est de m’avoir donné envie de découvrir le film de  Shin’ichirō Ueda. Bref, il ne me semble pas que ce soit un projet de substitution ou un truc crée pour que le français puisse voir un film japonais francisé. J’aurais même tendance à penser qu’il en est son prolongement. Idée géniale, donc.

    Parlons un peu du film : Il faudra être solide, très solide, durant les trente-deux premières minutes, qui est un plan-séquence unique dans un centre commercial désaffecté, où une équipe tourne un film de zombies avant que le tournage soit perturbé par de vrais zombies ayant surgit suite au réveil d’une malédiction. Il faudra être solide car c’est quasi irregardable sur la durée : C’est mal joué, mal rythmé, mal filmé, l’image (façon DTV des enfers) est hideuse et la musique d’accompagnement complètement aléatoire.

     Oui mais voilà, une fois qu’on a franchi cette étape, un autre film commence : Une seconde partie suivra les prémisses de ce tournage, un mois avant, une semaine avant, un jour avant, une heure avant, une minute avant. Et une troisième partie viendra saisir le contre-champ de la première partie, sorte de making-off du tournage catastrophique ayant offert les images qu’on s’est farci au préalable. Et par un miracle absolument jubilatoire, on n’a jamais eu autant envie de baffer un film pour sa première demi-heure puis de le remercier de nous l’avoir fait subir.

     Car là où il y avait beaucoup de gêne (quand bien même le film rende allègrement hommage aux séries Z) c’est maintenant une avalanche de fous rires qui se relaient. Mais vraiment, je n’avais pas ris comme ça au cinéma depuis très, très longtemps. Et en grande partie – et c’est là le gros tour de force du film – car tous les acteurs sont extraordinaires alors qu’ils étaient nuls à chier pendant la première demi-heure. Tout prend sens : Une faute de rythme, une improvisation ratée, un curieux bruit, une hache abandonnée, un plan suspendu, une proéminence de zooms, un travelling tremblant. Et j’appuie là-dessus : Il y a des interprètes formidables, de Romain Duris à Grégory Gadebois, aux moins connus : Sébastien Chassagne (Irresponsable) ou Raika Hazanavicius (Les sept vies de Léa) pour ne citer qu’eux. Mention spéciale à Jean-Pascal Zadi, qui m’a fait mourir de rire : « Je suis dans les choux, moi ».

     C’est vraiment une super comédie. Un nouveau très beau détournement, signé Michel Hazanavicius. Et une joyeuse célébration du groupe, de la bricole, de la fabrication d’un film. Qui parvient même in extremis, après sa demi-heure miroir de pure jubilation, à faire une sortie émouvante, d’une tendresse inouïe.

Le prince oublié – Michel Hazanavicius – 2020

16. Le prince oublié - Michel Hazanavicius - 2020Quand on a 11 ans.

   5.0   Hazanavicius a beau refaire Vice-versa ou plutôt en proposer une suite live, dans la mesure où le personnage de son film, que l’on va suivre dès son entrée au collège où elle aura ses premiers émois, a onze ans – tout le projet de l’épilogue en suspension qui clôturait les aventures de Riley, dans le chef d’œuvre de Pixar – et qu’il le refait en nettement moins bien, inventif, émouvant, j’ai une certaine tendresse pour son film malgré tout. Une tendresse comme j’en ai pour chacun de ses films (même les moins bons : The Artist, Le redoutable) quand bien même je ne vois pas comment il pourra un jour faire mieux que ses OSS. Là on est sur un dispositif formel super laid, il faut bien l’avouer : Dès l’instant qu’on bascule dans l’envers du décor, dans la tête de la petite fille, le film est atroce esthétiquement, on croirait un Gondry tourné au Parc Astérix. L’idée du studio hollywoodien c’est chouette au début mais ça ne débouche sur rien d’autres que des blagues de bébés. Ceci étant et affaire d’humeur sans doute, l’aspect sirupeux du film, dans sa partie réelle, m’a touché, aussi bien le rapport père/fille, l’amour de jeunesse que la rencontre avec la voisine. Evidemment, le film ne peut s’en tenir à ça puisqu’il n’insère aucun contexte socio-économique (Que fait le père ?) c’est un monde sous cloche, hors du temps. Un monde à la Paterson ou Brigadoon. Mais Hazanavicius n’est ni Jarmusch ni Minnelli, la poésie c’est pas son truc et son exploration de l’imaginaire enfantin est quand même assez superficielle. C’est un film pour les enfants, mais pas certain qu’ils aiment ça, en fait.

OSS 117 : Le Caire, nid d’espions – Michel Hazanavicius – 2006

33. OSS 117, Le Caire, nid d'espions - Michel Hazanavicius - 2006« J’aime me beurrer la biscotte ! »

   9.0   Dans son genre qu’est le pastiche du film d’espionnage il sera difficile d’égaler cette merveille qui réussit absolument tout. C’est bien écrit, rythmé juste comme il faut, drôle, beau, interprété avec panache. La première fois, au cinéma, j’étais resté relativement en retrait, gêné par son impertinence, probablement. Et puis je l’ai revu à de nombreuses reprises. La dernière en date suivie de son second volet à Rio, tout aussi génial. Récemment je ne vois aucune comédie qui rivalise avec ces deux-là dans la catégorie « Films dont les répliques sont entrées dans mon langage courant ».

« Vous voyez l’automobile derrière moi ? Ça fait un petit moment que je l’observe. Eh bien, elle est absolument impeccable. C’est quand même bien mieux une voiture propre, non ? À l’occasion, je vous mettrai un petit coup de polish. »

     Ce qui marque le sytle d’OSS 117 et du cinéma d’Hazanavicius de manière générale, c’est le soin apporté à la forme de ses films qui auraient pu se reposer sur leur mécanique comique. Il y a beaucoup de travail dans OSS 117, on le voit : La plume de Jean-François Halin, le jeu de Jean Dujardin (et de l’intégralité de la distribution qui gravite autour de lui), la photographie de Guillaume Schiffman, les décors (de Maamar Ech-heikh, qui sera récompensé aux Cesar) les costumes. Tout est parfait, s’agence à merveille. Et tout est minutieusement orchestré par son stimulant réalisateur, qui parvient à insuffler un tempo, un ton, une ambiance qui fassent tenir le film sur un fil ténu mais divin, de bout en bout.

« Cigarette ?
- Non, merci, je ne fume pas. J’arrive pas à aimer cela.
- Quel dommage, pourtant fumer détend. Surtout dans votre travail.
- Je sais, j’enrage. Ne pas fumer me tue. Je vais réessayer je vous le promets »

     OSS 117, un peu de Sean, beaucoup de Conneries. Voici le slogan sur lequel appuyait la promotion du film lors de sa sortie en février 2006. Et c’est sans doute cet équilibre si particulier entre l’hommage et le pastiche qui fait la réussite du film. Sans forcément se reposer sur les aventures de James Bond, Hubert Bonisseur de La Bath pourrait être une sorte de Cary Grant échappé de La mort aux trousses croisé avec le Jean-Paul Belmondo du Magnifique, mais leur version crétin puisque si c’est un espion sympathique, toujours en réussite, il est aussi suffisant, raciste, misogyne, homophobe, ignorant. De Broca et Hitchcock en ligne de mire, donc, avec forcément en figure tutélaire L’homme qui en savait trop. Rien d’étonnant, du coup, à voir Arsène Mosca là-dedans tant il est un presque-sosie de Peter Lorre.

« Pour sceller notre amitié, je vais te donner quelque chose. Regarde, c’est notre Raïs à nous : c’est M.René Coty. Un grand homme. Il marquera l’Histoire. Il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Marocains, les Sénégalais… c’est donc ton ami. Ce sera ton porte-bonheur. »

     Et puis truc tout bête, mais le film s’appuie aussi sur une
superbe intrigue, jamais oubliée, toujours pleine de tiroirs. Avec des fausses pistes, des indices qui pullulent et de riches éléments de scénario partagés entre autres espions sous couvertures, ici les aigles de Kheops, là des archéologues nazis, le roi Farouk, le général Nasser, René Coty, autour d’une étrange disparition d’un navire soviétique, le Kapov. Bref il y a une vraie générosité globale, dans la réplique comme dans le récit, dans la gestion de ses situations absurdes autant que dans la magnificence de ses décors, dans la mécanique rythmique mais aussi dans le brio de ses compositions. Par exemple, la scène de course-poursuite nocturne tournée dans les rues de Casablanca s’appuie sur le procédé de la Nuit Américaine et offre une patine proche des vieux films autant que des cases bleues d’Hergé dans Les aventures de Tintin. On repense aussi à Tintin plus tard, dans les pyramides, qui rappellent forcément Les cigares du pharaon. Et des idées comme celle-ci, le film en est rempli.

« Ah dites-moi, Larmina, cette nuit j’ai été réveillé par des cris horribles, un homme hurlait à la mort de la tour là-bas, impossible de dormir, j’ai été obligé de le faire taire.
- Le muezzin ? Vous avez fait taire le muezzin ?
- Le ?
- Muezzin. Le prêtre qui appelle les fidèles à la prière du matin.
- Ah j’ignorais. C’était donc ça tout ce tintoin, les cris, le micro, d’accord. On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est une curieuse religion. A mon avis vous allez vite vous en lasser. Je ne lui prédis pas un grand avenir »

     De la même manière, le film est autant tourné au Maroc qu’il est articulé en studio, dans une mouvance vintage et magnifiquement vintage. La séquence introductive, en noir et blanc, se déroulant sur le tarmac d’un aérodrome (qui pourrait autant rappeler l’entrée en matière de Casablanca que de Some like it hot) puis dans l’avion, est imaginé exactement comme on l’aurait fait dans les années 50, au moyen de gimmicks tranchés (l’apparition du héros dans l’ombre, la musique illustrative, des dialogues très précis et audibles) et de trucages distingués mais aisément identifiables.

     Les détails sont légion. Il faudrait écrire des pages si l’on voulait tous les répertorier. On peut par exemple parler des transitions d’une ville à l’autre, écrite en caractère gras, sur fond de carte postale (La Tour Eiffel pour Paris, Le Colisée pour Rome etc…) accompagné par l’instrument de musique qu’on lui prête en cliché. Le film va parfois jusqu’à utiliser des stock-shot de façon à faire revivre les années 50. Ou la fameuse technique de la transparence, pour les scènes de voitures. Techniquement c’est assez imparable et notamment car on y utilise une pellicule bien précise, des projecteurs d’époque, une focale hitchcockienne. Les plans eux-mêmes sont très simples, les mouvements de caméra sont d’époque.

« Encore une djellaba ? Décidemment entre mon lanceur de poules, mon vendeur d’armes et mon tueur d’English.
- S’agit sans doute d’une seule et même djellaba.
- Une djellaba pour trois personnes ? Non Larmina vous êtes charmante mais je pense qu’il s’agit d’une seule et même personne. »

     Niveau matière comique c’est simple, le film écrase toute concurrence. De disposer quelques répliques entre deux paragraphes ici me permet de vous offrir celles qui ont ma préférence, mais franchement, y en a tellement qu’on pourrait faire un dossier complet des répliques d’OSS 117. Difficile de savoir depuis quand nous n’avions pas eu une comédie française aussi drôle, riche, subversive et lucide. C’est toute la France colonialiste, bête et méchante que l’on vient égratigner. Et du même coup la France post gaulliste d’aujourd’hui.

     Au rayon des anecdotes, souvent savoureuses, il y’en a une que j’aime beaucoup, sans doute pour son caractère citationnel autant que subversif : Michel Hazanavicius raconte s’être inspiré d’une affiche (assez improbable) plus que suggestive de Règlements de comptes, de Fritz Lang, pour la séquence du pistolet « Chargé, déchargé, chargé, déchargé, c’est une arme fiable, ferme, qui a un coefficient de pénétration… ». Il y a une volonté évidente de citer et le film ne sera pas avare en citations. Mais il y a surtout cette idée d’oser le mauvais goût et d’aller trouver le juste équilibre avant de basculer dans le trop plein.

« Le troisième Reich et l’idéologie nazie m’ont toujours rendu dubitatif.
- Blablablablablabla. C’est marrant que c’est toujours les nazis qui ont le mauvais rôle. Nous sommes en 1955, herr Bramard, on peut avoir une deuxième chance ? Merci. »

     A noter un élément aussi anodin en apparence qu’il m’apparait essentiel dans la signature d’Hazanavicius : Durant la toute première scène, on aperçoit Jean-François Halin, scénariste du film. Il joue Rubecht, l’allemand censé apporter les plans du V2 dans l’avion, assommé par Jefferson. Quelque part Hazanavicius annonce la couleur : Ce n’est pas le film d’Halin c’est le sien. Et c’est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans OSS 117 : Jamais la richesse de l’écriture ne vient faire de l’ombre aux choix mise en scéniques.

     OSS 117, Le Caire, nid d’espions, est la comédie française qu’on rêvait de voir. Plus qu’un magnifique divertissement, c’est un trésor de jubilation permanente. Et c’est sorti il y a (quasi) pile 12 ans, déjà, punaise.

Le Redoutable – Michel Hazanavicius – 2017

08. Le Redoutable - Michel Hazanavicius - 2017Deux ou trois choses qu’on sait de lui.

   6.5   J’attendais un naufrage intégral, en fait j’ai beaucoup aimé. Déjà c’est mieux que The Artist, c’est plus courageux. Hazanavicius fait un biopic à sa façon, en restant à la fois loin des conventions du genre tout en restant proche de Godard, dans l’imitation de Godard en tout cas. Ça donne quelque chose d’hyper bancal, voire d’un peu raté, mais d’assez touchant dans la démarche et la réalisation. On est souvent dans la farce, mais aussi beaucoup dans la mélancolie. Souvent dans l’imitation de Godard, mais beaucoup dans la patte Hazanavicius, aussi, j’ai trouvé – notamment dans la longue séquence dans la bagnole. J’ai tendance à dire qu’il est surtout le cinéaste d’OSS 117 (et j’ai d’ailleurs découvert Le redoutable la veille qu’on apprenne le retour des aventures d’Hubert Bonisseur de la Bath pour 2019) mais pour le coup, je trouve ce film très fort dans son genre. Osé ne serait-ce que dans son choix de faire singer Godard par Louis Garrel. WTF. Osé tant il peut rendre indifférent ceux qui n’ont jamais vu un Godard (Tout le grand public en gros) autant qu’il peut s’attirer les foudres des fans. Moi perso, ça m’a donné envie de voir (La chinoise, notamment, que j’ai jamais vu) ou revoir plein de Godard, donc rien que pour ça, le film me plait.

Les infidèles – Emmanuelle Bercot, Fred Cavayé, Alexandre Courtes, Jean Dujardin, Michel Hazanavicius, Eric Lartigau & Gilles Lellouche – 2012

04_-les-infideles-emmanuelle-bercot-fred-cavaye-alexandre-courtes-jean-dujardin-michel-hazanavicius-eric-lartigau-et-gilles-lellouche-2012Les couilles des hommes.   

   3.5   C’est un film intéressant. Oui. Contre toute attente. Non que ce soit honnêtement défendable dans son ensemble, mais il y a des qualités ci et là. C’est un film a sketchs. S’en méfier comme de la peste de ce sous-genre, prolifique dans le cinéma comique italien des années 50. S’en méfier parce que le court ne se fond pas naturellement dans le long. En fin de compte c’est un projet qui pourrait relancer l’intérêt pour le court-métrage en général, malheureusement l’effet produit est inversé. Sur ce point, Les infidèles réussit et échoue. Il réussit dans l’agencement des petites histoires et dans leur contenu, par son côté désorganisé et sa faculté à ne pas constituer de construction concrète et attendue. Ainsi, les variations autour de l’infidélité masculine ne sont pas bâties identiquement, certaines pastilles, par exemple, s’immisçant entre deux courts d’une durée même pas similaire. Je n’ai pas cette impression de cahier des charges ultra respecté, ça me plait. La linéarité est aussi mise de côté, les histoires ne cherchant pas à se répondre les unes aux autres de manière chorale, on échappe donc à ce dispositif lourdingue tant adoré des Jaoui, Klapisch et consorts. Malheureusement, ce côté cancre se retourne aussi contre lui, dans la mesure où rien ne répond à rien mais où tout se ressemble plus ou moins. C’est entre-deux eaux, j’aurais préféré que le film s’affranchisse intégralement de ça, pourquoi pas espérer un Holy motors de la comédie populaire, on peut toujours rêver ; ou qu’il y ait tout de même quelques passerelles entre chaque histoire, que quelque chose se noue à travers le temps. En l’état, le film s’amuse juste avec ses personnages, mais ils n’ont jamais le même rôle.

     Le film est donc bancal d’autant que forcément, les sketchs ne sont pas réalisés par les mêmes réalisateurs. Exit les pastilles réalisées par Courtes, véritables interludes sans intérêt, aussi bien mises en scène qu’une pub trash, sortes de copie de Bref version « Bref, je me suis fait gauler ». Exit le sketch de Courtes, toujours – décidément très mauvais metteur en scène – sur les infidèles anonymes, complètement nul, excepté la présence de la magnifique Sandrine Kiberlain et de deux/trois mots lâchés par Manu Payet, plutôt inspiré. Exit aussi le prologue, réalisé par Cavayé, non que ce soit mauvais mais c’est pile poil ce à quoi je m’attends quand je lance le film, donc ça ne m’intéresse pas, pire, je pense que rétroactivement, ce sketch ne correspond pas du tout à l’esprit du film. Exit le dernier, Las Végas, réalisé par les deux compères acteurs en vogue, même si l’on fini par y voir l’un sodomiser l’autre, fallait oser. Celui-ci est d’ailleurs clairement le prolongement du prologue. Reste le Lartigau, pas mal, un peu plus grave, mais un peu court, à court d’idées surtout. Et les deux qui retiennent mon attention : La bonne conscience, de Michel Hazanavicius ; La question, d’Emmanuelle Bercot. Comme quoi, il n’y a pas de secrets, c’est en parti pour ces deux « vrais » cinéastes que je me suis penché sur Les infidèles. Je précise au passage que le film ne situe jamais, en tout cas pas avant son générique final, la provenance de ses sketchs. C’est donc une fois le film terminé que je me suis aperçu que mes deux préférés étaient fait deux réalisateurs que j’estime. Point de conditionnement de politique des auteurs ni de mauvaise foi envers les autres.

     Celui d’Hazanavicius est une sorte de Lost in translation chez Houellebecq ou de OSS 117 perdu dans Les bronzés. L’ambiance, la minutie géométrique de cette errance dans les couloirs et le ton du dialogue, on ne peut pas se tromper longtemps, on reconnaît le style. Il faut simplement accepter un ton nettement plus dépressif. Dujardin y ère dans un grand hôtel à la recherche d’une nénette avec qui passer la nuit et finira par convoité la moins attirante de toute, celle qu’il n’aurait jamais draguée ailleurs. C’est un loser terrifiant. Je le reverrai volontiers celui-ci, j’ai l’impression qu’il m’a un peu échappé. Ce qui ne fut pas le cas pour le sketch d’Emmanuelle Bercot, mention spéciale, la bonne surprise, qui m’a un peu calmé, je dois bien l’avouer. Le récit est quasi uniquement centré sur le couple Dujardin/Lamy, Lellouche y faisant son apparition aussi, mais seulement comme ami avouant honteusement ses coucheries dans le dos de sa femme, abandonnée dans la cuisine, lors d’un dîner entre amis. Ce dialogue va en engendrer un autre, plus tard, quand le couple sera de retour au bercail. Une question, la tourmente. L’aveu installe un malaise, puis la violence, puis un autre aveu. La parole se perd dans l’espace, les corps tournoient dans la maison, autour des tables, du canapé, du lit, l’ambiance est électrisée, elle devient même méchante, pleine de rage, de désespoir Cassavétien. Le fait que le couple en soit un vrai provoque une impression bizarre, comme s’ils étaient face à face, à cœur ouvert, tous deux sont excellentissimes, au passage. C’était hyper déstabilisant, hyper culotté surtout. Et ça ne fait que confirmer que ce n’est pas un film drôle et misogyne, au pire on peut le trouver un brin caricatural et moraliste. Et donc ça n’a strictement rien à voir avec les affiches matraquées sur les quais de gare au moment de sa sortie, affiches qui ont tant fait parler d’elles. Non, ce n’est pas vraiment drôle, enfin ça ne met pas la pêche, c’est drôle par-ci par-là, les moins bons moments du film d’ailleurs, mais c’est surtout sinistre et glauque, limite cafardeux. Donc ce n’est pas terrible dans l’ensemble, c’est bancal, mais tout de même je ne m’attendais pas à ça.

The Artist – Michel Hazanavicius – 2011

The Artist - Michel Hazanavicius - 2011 dans Cesar du meilleur film 791804_the-artist-300x199     5.5   La réussite est totale ! J’ai pourtant cru un temps que ça finirait mal cette histoire. Lorsque Georges Valentin (Jean Dujardin) est sauvée de justesse du suicide par la belle Peggy (Bérénice Béjo) qui lui avoue avoir une idée lumineuse en réponse à ce mal-être qui le ronge selon lequel les spectateurs, désormais accoutumés aux voix, ne veulent pas l’entendre. L’idée c’est la comédie musicale. Et le film se terminera là-dessus, sur ce happy-end alors qu’il aurait pu opter pour un penchant régressif, nostalgie du muet autant qu’il aurait pu être un simple pastiche fun mais l’heure est plutôt à la cohabitation artistique des genres et des évolutions. Le muet est has-been, la faute au parlant. Le muet musical fait alors son apparition. L’idée ingénieuse est double puisque le parlant intervient par deux fois seulement dans le film. Lors d’un rêve dans un premier temps, cauchemar de la star qui matérialise ses obsessions et ses craintes, dans lequel il s’invente muet au milieu d’un monde sonore. Puis plus tard, dans la scène de fin, où précédé par le son des claquettes de nos deux danseurs, les mots de l’équipe technique en tournage retentissent, avec cette caméra qui s’éloigne de la scène (muette) et du plateau afin d’enrober ce vaste espace d’échange (parlant) qui se conclue par un traditionnel « Silence ! Moteur ! Action ! ». Le film ne sonne pas tant comme un rappel nostalgique d’un âge d’or révolu que comme la conscience d’une page qui se tourne, d’un monde qui change, évolue et c’est tant mieux, mais que se replonger dans le patrimoine a quelque chose de savoureux. The Artist pourrait donc être le film qui réconcilie les époques, le film d’Aujourd’hui qui donne envie de se replonger dans ceux d’Hier. C’est sa seule véritable ambition. Le reste, comme je le disais, est amplement réussi, aucun doute là-dessus mais il ne faut pas oublier que le film se contente d’être un pastiche, le voir comme tel, ne pas espérer davantage. Sans pour autant le submerger, les références inondent l’écran. Georges Valentin, star déchue, fait inévitablement écho à Sunset boulevard. L’évolution cinématographique dans une période charnière qui voit le parlant reléguer le muet c’était le cœur de Chantons sous la pluie. Quant au personnage de Dujardin, avec ces tentatives de burlesque Chaplinesque, on ne peut s’empêcher de penser aux Feux de la rampe, surtout que l’idée du vieillissement est aussi évoquée ici « les jeunes prennent la place des vieux » dira Peggy à la presse sans savoir que la star du muet l’écoute. Il ne faut pas oublier de signaler le bel emprunt au score de Vertigo et dire que la musique dans The Artist est de manière générale assez géniale. Pour le reste, car « ce film performance » mise aussi beaucoup sur son interprétation : Dujardin est impeccable, qui en aurait douté ? Bérénice Béjo est sublime, sex appeal de l’année haut la main. Quant à Uggy, aucune récompense du meilleur chien ne peut lui échapper, il est fabuleux.


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silencio


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