Archives pour la catégorie Mouk 2



Une déflagration (A blast) – Syllas Tzoumerkas – 2014

10. Une déflagration - A blast - Syllas Tzoumerkas - 2014Hellène à vif.

   2.5   Scindé en deux parties, se déroulant sur dix années d’intervalle, Une déflagration repose sur un dispositif ordinaire consistant à mettre en parallèle l’histoire d’une femme avec celle de son pays, en l’occurrence la Grèce. On saute d’une temporalité (2004) à l’autre (2014) en permanence, sans doute pour donner un rythme particulier mais ça n’offre rien de plus qu’un montage lourdingue, exténuant. Son sujet, double, fonctionne lui aussi sur une analogie d’une grande subtilité : La famille de Maria, mère de trois enfants qui souffre de l’éloignement physique de son mari – Il travaille sur un cargo pendant plusieurs mois – se trouve confrontée à un important problème fiscal, tandis que la crise économique divise le pays tout entier.

     Il faut que tout soit déréglé. Afin de combler son manque, Maria va mater des pornos dans un cyber café. Sa sœur se laisse séduire par un néo-fasciste (qui accroche chez lui des croix gammées en étendard : Oui, c’est très fin) tandis que sa mère, handicapée, préfèrera mettre fin à ses jours. Son mari trompe l’ennui en couchant avec une prostituée puis avec un collègue matelot. Un vieil homme fou le feu à une forêt dans laquelle se sont réfugiés des migrants. Et Maria, dont on comprendra bientôt qu’elle est malheureuse sans explication apparente autre que la distance d’avec son homme et la situation accablante du pays, se persuade de la vacuité de sa vie, décide de ne plus revoir les siens, enfants compris et prend la tangente. On est trop dans le film concept, moitié choral, moitié grosse métaphore, pour être touché par quoi que ce soit de ces bouleversements intimes, de ces destins brisés.

     Si le film est en quête d’une intensité qu’il ne parvient jamais à insuffler, il y a pourtant une certaine énergie qui perce parfois à défaut d’être surprenante, une violence traduite par des relations électriques au sein de la famille et un appétit sexuel démesuré. Les scènes de cul, malheureusement, s’exposent constamment vulgairement, on a sans cesse l’impression qu’on est dans la pose pour choquer le chaland. Ça aussi il y avait moyen de le traiter autrement plus subtilement. Quant aux personnages, ils sont tous parfaitement antipathiques. Et chaque séquence, minuscule, est relayée par une autre, dans un climat épileptique qui pèse une tonne, j’ai horreur de ça. Heureusement que ça ne dure qu’1h20.

À peine j’ouvre les yeux – Leyla Bouzid – 2015

08. À peine j'ouvre les yeux - Leyla Bouzid - 2015L’effrontée.

   7.0   En ancrant son récit durant l’été 2010, soit la veille de la révolution tunisienne et du printemps arabe, Leyla Bouzid raconte au travers de Farah, cette étudiante tunisienne, la germe de la révolte, une pionnière inconsciente, mais convaincue de son entière liberté, pourtant mise à mal par les traditions familiales et la dure loi d’un régime répressif. C’est une plongée très intime, mystérieuse, écorchée (L’histoire d’amour semble tout aussi éphémère) autant que ça raconte beaucoup d’une certaine jeunesse tunisienne, son désir de croquer la vie tout en ayant pleine conscience de ses interdictions.

     A peine j’ouvre les yeux pourrait n’être qu’un portrait de cette jeune femme, pourtant il dessine aussi un beau portrait de sa mère, tout son contraire même si les indices montrent qu’elle a eu jadis elle aussi son âge rebelle. Farah est insolente et chante sa colère quand Hayet est souvent mutique et résignée. Assez naturellement donc, la mère s’efface dans le récit au profit de la fille. Et comme dans tout portrait de ce type, l’actrice est quasi de chaque plan. Et tant mieux car la jeune Baya Medhaffar est épatante, autant quand le film capte son personnage dans sa gestuelle quotidienne, ses relations avec sa mère, son père, la femme de ménage qui est aussi sa confidente, son histoire amoureuse ou bien ses flottements solitaires, que dans sa passion – par le prisme du groupe – pour la musique, le chant, les textes engagés.

     C’est d’abord une espièglerie lumineuse et un franc sourire d’invulnérabilité qui se dessinent sur ce visage, comme si rien ne pouvait l’atteindre, qu’il s’agisse ici du silence lourd, accablant, des hommes du bar dérangés par la violence de ses textes ou là des avertissements répétés de sa mère concernant ses mauvaises fréquentations. Plus tard son visage se ferme, d’abord face aux déceptions de sa mère – car contrairement à ce que le film aurait pu facilement raconter, par simple opposition, on sent que Farah ne veut pas décevoir sa maman, que son instinct dévore constamment sa raison – ou plus loin, se mure d’angoisse, de peur, face aux flics violents qui rappellent ceux de La belle ou la meute, l’autre très beau film tunisien sorti l’an passé.

     Ce qui impressionne dans ce premier long métrage c’est la douce fluidité de la mise en scène dès qu’il s’agit de filmer le groupe dans ses répétitions ou ses représentations scéniques. Ce n’est pas un simple décor ni un vecteur pour orienter le pamphlet, le film est avant tout, à mes yeux, une histoire de groupe, soudé par la musique – ça pourrait d’ailleurs être encore plus beau que ça, atteindre la grâce que trouvait un certain Memory Lane, mais le film n’a pas le même engagement : A peine j’ouvre les yeux, s’il traite admirablement du groupe comme s’ils étaient une bulle solitaire et clandestine dont l’évasion réside uniquement dans cette transe qu’ils créent ensemble – Le groupe n’existe plus du tout sitôt qu’il ne joue pas – il reste avant tout un film politique, un film engagé.

     Le film est par ailleurs empreint d’une vraie matière documentaire, aussi bien dans ces lieux communs, ici dans un bar ou là dans un train de banlieue, que lors d’une escale en parenthèse chez les ouvriers en grève sur les mines poussiéreuses de phosphate. C’est à la fois casse-gueule tant c’est apparemment en dehors du récit (On est vers le milieu du film, il y a vraiment une rupture) mais ça permet malgré tout de mettre en parallèle deux résistances apparemment opposées, entre ces ouvriers et la jeune Farah. Les mettre en relation de façon abstraite et finir par les relier dans la manifestation à venir, que Leyla Bouzid prend soin de garder hors-champ.

Dark water (Honogurai mizu no soko kara) – Hideo Nakata – 2003

07. Dark water - Honogurai mizu no soko kara - Hideo Nakata - 2003Mère(s) et fille(s) (dé)possédées.

   8.5   Il pleut beaucoup dans Dark water. Et ce dès le premier plan, quand une petite fille attend sa maman en observant la pluie, seule, derrière la baie vitrée d’une classe d’école. Courte introduction qui fusionne deux regards qui n’en forment qu’un seul, celui d’Yoshimi à deux moments douloureux de sa vie. Le jour de son abandon est relayé par le jour où elle est au tribunal, en audience contre son ex-mari, pour tenter d’obtenir la garde de sa fille, Ikuko. Ce sont des informations très simples qui vont envelopper tout le film. Avec la pluie. Ou plutôt l’eau, sous sa forme la plus apaisée (une douce bruine, un fleuve immobile) mais aussi dans ses contours les plus obscurs – Je n’avais pas ressenti une telle passion pour l’eau dans un film depuis le magnifique Shara, de Naomi Kawase. Sans le marteler, sans en abuser, petit à petit le film suinte de toute part. L’eau s’infiltre dans une cage d’ascenseur avant d’épaissir une tâche sur un plafond.

     Dark water se déroule essentiellement dans un immeuble, insalubre, dans lequel cette mère tente avec ses modestes moyens de refaire sa vie avec sa fille de six ans. Car son titre l’indique, les eaux sont sombres, loin d’être relaxantes. Le clapotis permanent dans lequel baigne l’intégralité du film envoute d’abord autant qu’il réveille nos angoisses, comme s’il nous replongeait dans notre liquide amniotique avant de nous pousser vers la noyade : Rien d’étonnant à ce qu’une double scène de baignoire reflète ces deux sensations. Ces robinets qui ne s’arrêtent plus de couler, cette tâche au plafond qui n’en finit pas de se propager, cette immense cuve sur le toit qui se vide de son surplus, cet ascenseur qui bientôt perdra littéralement les eaux : Dark water est parcouru ainsi d’idées et d’images sidérantes, sans qu’on sache si elles proviennent ou non d’un cauchemar.

     Si la temporalité faite d’ellipses indistinctes s’avère déstabilisante, c’est bien cette dimension cauchemardesque et fantastique qui trouble jusqu’à l’angoisse pure, s’immisçant par petites touches délicates, imperceptibles mais effrayantes collées ensemble. A l’image de ce bâtiment qui semble inhabité, de ces cercles de cendres sur les boutons d’ascenseur, de ces ombres sur les murs. Vraiment, je ne faisais pas le fier durant de nombreuses séquences. Sans doute car Nakata utilise à merveille le hors champ, les silences, les moments de flottement, une ambiance sonore tellement riche et angoissante qu’elle pourrait facilement évoquer Shining, et que le déluge – pourtant mesuré – d’horreur vers lequel il converge est une plongée horrifique à son paroxysme et d’autant plus troublant qu’elle s’opère au moyen d’effets minimalistes et qu’elle s’immisce dans le cercle le plus intime qui soit.

     Dark water c’est aussi un sujet de fond bouleversant, à savoir le double combat d’une mère, pour obtenir la garde de sa fille et celui contre ses démons, vivant ainsi dans cette terreur qu’on lui retire son enfant comme on lui retira jadis sa propre mère. C’est donc une histoire d’abandon, de disparition et de sacrifice d’une tristesse sans nom dans la vie d’une mère, d’une petite fille. Dark water est un cauchemar en boucle perpétuelle, duquel on ne s’extraie que par la tragédie. Cette petite fille de l’étage du dessus, avec son imper jaune et son sac rouge, attirée par une cuve remplie d’eau, c’est évidemment, avant d’être juste un fantôme – Ce qui déjà fonctionne très bien – la projection des peurs d’une maman. C’est donc un beau mélodrame doublé d’un atypique film d’horreur.

La bataille de la montagne du tigre (Zhì qu weihu shan) – Tsui Hark – 2015

04. La bataille de la montagne du tigre - Zhì qu weihu shan - Tsui Hark - 2015The hawk is boring.

   1.0   Pas vu grand-chose de Tsui Hark à ce jour et le peu (Detective Dee, Double team) j’avais trouvé ça nullissime. La bataille de la montagne du tigre ne viendra malheureusement pas faire exception. C’est affreux. Ça pourrait faire un chouette nanar avec sa frénésie maladive, ses plans improbables (à l’image de celui s’ouvrant sur l’œil d’un aigle avant de se poursuivre dans sa vue subjective) et ses ralentis esthétisants à n’en plus finir, mais comble du ratage, c’est chiant à regarder, car tous les plans grue se ressemblent, c’est ultra bavard et pas vraiment stimulant dans ses instants d’action, trop moches avec ses effets gadgets (le film est aussi à voir en 3D) qu’on trouverait ridicules à la Géode. N’est pas Peckinpah qui veut (pour la surenchère de ralentis) et l’on peut difficilement ne pas penser à une version nanar de La horde sauvage dans son assaut final dans la forteresse avec ces affrontements tank / mitraillettes. C’est fait à la manière d’Hollywood dans ce que ça a de plus pénible et ringard. Les personnages sont inexistants et interchangeables. Et la palme du ridicule revient à ce montage alterné avec le présent qui ne sert à rien sinon à offrir une dernière scène d’action qui se paie le luxe d’être plus nase que les précédentes. Et puis c’est interminable cette plaisanterie.

Tunnel (Teoneol) – Kim Seong-hun – 2017

03. Tunnel - Teoneol - Kim Seong-hun - 2017Enfermés dehors.

   7.0   On notera que l’objectif premier – pour le héros – est le même que celui qui animait Dernier train pour Busan : L’anniversaire d’une petite fille. Et quelque part c’est logique puisque Tunnel est au film catastrophe ce que le film de Yeon Sang-Ho était au film de zombies. C’est donc l’histoire d’un père de famille qui n’a pas trouvé plus simple que de rester trente-cinq jours coincé dans l’effondrement d’un tunnel pour rapporter un chien à sa fille pour son anniversaire.

     Plus sérieusement, quel plaisir de voir film catastrophe aussi réussi, généreux, haletant, riche de par son montage alterné, minimaliste sous les décombres et respectueux d’un genre, souvent sali, pour lequel je suis évidemment très sensible. Quand on a grandi avec L’aventure du Poséidon, La tour infernale, Le pont de Cassandra et dans une moindre mesure avec Twister, Le pic de Dante, Deep Impact ou Volcano, Tunnel c’est une aubaine de film, aussi fidèle qu’orignal, qui nous fera oublier les désillusions 2012, San Andreas et consorts. Surtout qu’il est sud-coréen. Ce qui nous permet aussi d’oublier cette daube qu’était The Last Day.

     Alors bien entendu c’est loin d’être parfait, c’est dix fois trop long, déjà, le film accusant sérieusement le coup en son milieu. Sa représentation, pour ne pas dire son acharnement face aux institutions est beaucoup trop appuyée. Et plusieurs incohérences me sortent parfois de sa belle mécanique. Néanmoins ça fait partie du jeu, puisque le film, aussi angoissant qu’il soit, peut aussi être très drôle, à l’image de la séquence de l’urine ou des embardées canines. Pointes comiques qui lui permettent de contrer une vraie noirceur, qu’il ose parfois au détour d’une autre victime irrémédiablement coincée sous un rocher dans sa voiture ou d’un incident terrible qui cause la vie à un sauveteur.

     Si d’emblée le choix de suivre cet homme dans ce petit espace clos ainsi qu’une opération de sauvetage d’envergure nationale à ciel ouvert me gêne un peu, car lorsqu’on fait deux films en un il arrive régulièrement qu’on rate les deux, il faut reconnaître que Tunnel s’en tire bien, trouve le bon équilibre, évite le trop plein de micro-saynètes et contourne l’attendu montage saccadé. Il est donc tout aussi passionnant de suivre les mésaventures de ce commercial Kia Motors devant économiser son eau et sa batterie de téléphone que les pérégrinations variées de tout un chacun à l’extérieur (Sa femme, un flic, des investisseurs, les politiciens, les médias…) pour le sauver, profiter de sa situation ou le maudire.

     Il en ressort un film très humain, donc, avec des gens bons, dévoués et des parasites hypocrites et/ou intéressés. Des gens qui vont tout donner pour sauver un type enseveli parce que la vie humaine n’est pas quantifiable et d’autres qui vont supplier sa femme de signer l’accord pour continuer la construction du tunnel adjacent dont le chantier en attente coute une blinde quotidienne à la compagnie de construction. Quelque part oui, on finit presque par se sentir mieux dans ce tas de gravats à ses côtés que dehors au sein de ce monde de déglingués. Que l’humanité, l’intime soient davantage le moteur du film que le giga grand spectacle et la grandiloquence le rend d’autant plus fort à mon goût.

     Surtout, dans cet espace de survie très limité et très sombre, le film est graphiquement passionnant : ambiance poussiéreuse renforcée par de récurrentes pluies sableuses, gigantesques amas de pierres menaçant de s’ébouler à chaque instant, et ce « passage » (la plus belle idée du film) qui permet au héros de se trouver une brève acolyte et un gentil toutou – comme Tom Hanks trouvait son Wilson dans Seul au monde – en empruntant un tunnel dans le tunnel, dans l’un de ces énormes ventilateurs en ruine. Et dehors c’est pareil : que l’on soit aux abords de la sortie nord ou plus haut dans la montagne, c’est l’immensité que l’auteur vient capter, autant pour contrebalancer avec l’étriquement du tunnel que pour en saisir une douce sensation de vide, que la tempête de neige viendra renforcer.

     Et puis sous son aspect divertissant, ce qu’il est, Tunnel est aussi un gros doigt d’honneur aux institutions coréennes et le pouce levé final du héros (qu’on s’accommodera dans les médias pour le traduire en figure héroïque modèle et reconnaissante) n’en reste pas moins précédé d’une insulte de haute volée. Ce n’est pas hyper subtil mais ça fait du bien quand ça sort. Du coup j’ai vraiment hâte de jeter un œil au précédent film de l’auteur, A hard day, dont les échos étaient, dans mon souvenir, plutôt enthousiasmants.

L’institutrice (Haganenet) – Nadav Lapid – 2014

02. L'institutrice - Haganenet - Nadav Lapid - 2014Peau d’homme, cœur de poète.

   4.5   Si j’avais octroyé le bénéfice du doute à Nadav Lapid après avoir découvert son tout premier long métrage, Le policier, aussi surprenant et radical qu’il était aride dans son dispositif, je me retrouve devant L’institutrice à lui faire les mêmes reproches et surtout avec ce sentiment que son cinéma d’une, ne s’est pas aéré, de deux a perdu de son pouvoir d’envoûtement. Tout est beaucoup trop figé ou justement trop brutal quand il s’agit de faire émerger une idée. Et chaque scène ne prend pas le temps de l’étirement. Nadav Lapid est persuadé d’être un grand cinéaste, j’en suis convaincu. Cette trajectoire suffisante m’évoque forcément celle de Ruben Ostlund, qui avant de s’embourber dans l’horrible The square, avait aussi (Pas vu Play, son tout premier film) tenté une chevauchée plus folle, en montagne, un peu anodine en apparence mais tellement puissante dans ce qu’elle laissait derrière elle. Tandis que The square c’est déjà quelque chose qui se croit grand. On n’ira pas jusque-là en parlant de L’institutrice, qui ne brille pas de semonces complaisantes, mais il y a dans cette histoire de gamin poète une sensation de lourdeur, au mieux, de gêne au pire. Certes Lapid n’en fait pas le portrait d’un enfant prodige capable de rétablir la paix au proche Orient – Il y avait dans Le policier, déjà, la question sous-jacente du conflit israélo-palestinien et le film, israélien, racontait que la vraie menace était israélienne, et on retrouve ici au détour d’un dialogue institutrice/élève une célébration de la différence lorsqu’ils s’amusent tous deux à deviner qui est ashkénaze et qui est séfarade, puisque déjà, leur origine à tous deux diffère – mais il l’érige en seul être de cet âge (5 ans) en mesure de proposer une alternative poétique aux dérives de la société – Tous les autres personnages du film, petits comme grands, sont sans intérêt. Cette lecture est d’autant plus embarrassante que Lapid raconte que les poèmes déclamés par le gamin sont les siens, de quand il était gamin. Egotisme (vraiment flippant, à mon goût) mis à part, il y a dans la réalisation de Nadav Lapid des choix forts, des étrangetés suffisamment stimulantes pour pallier le manque de finesse du récit. Souvent c’est un plan, une composition particulière, notamment dans la cour de l’école (l’innocence du bac à sable observé par les grandes tours de la ville au fond) où l’on revient régulièrement. Encore faut-il évidemment que la caméra cesse de tournicoter pour rien, que les cadres ne soient pas sur découpés (l’adulte n’est jamais entièrement dans l’écran) ni que le film n’égrène un nombre de situations grotesques visant à dévoiler une société israélienne pourrie jusqu’à la moelle – Le père du garçon, notamment, pourriture dans la pourriture. Il faudra donc passer par une danse de soldats affreusement mauvaise, une autre danse dans un bar hyper exagérée car tu vois le pays est fou, bipolaire et n’a plus aucun repère. C’est tellement appuyé, tellement lourd. La scène qui m’a le plus agacé c’est celle où le couple (L’institutrice et son mari, type pas méchant mais plus con que conciliant) s’apprête à faire l’amour, mais lorsque le téléphone sonne et que Yoav annonce qu’il a un poème, Nira  abandonne là son homme les fesses à l’air pour noter les mots du garçon sur un papier. Non. C’est trop écrit. Et on le sent tellement venir. Bref je trouve que c’est un film plus bête qu’il n’est maladroit, au final, alors que j’avais tendance à penser l’inverse de son premier long métrage.  Reste que la trajectoire du garçon, que le film ne va pas oublier de rapprocher de celle du pays, apporte un trouble – La fin est super forte – et non quelque chose d’un peu trop neuneu (L’enfant et le monde) ou trop cruel (J’ai vraiment cru qu’il allait sauter). Je retiendrai cette échappée-là et ce dernier regard accompagné d’un sourire un peu sadique, volontiers malaisant. Ça et Sarit Larry qui, si elle n’égale pas les prestations colossales d’actrices ayant campé des femmes fortes ces dernières années (pêle-mêle : Isabelle Huppert, Sonia Braga, Jessica Chastain, Rooney Mara, Valérie Dréville) s’avère épatante, mystérieuse, aussi sensuelle qu’austère dans sa résistance aussi pacifique qu’orgueilleuse. Dommage que le film ne se cale pas entièrement sur elle.

La belle endormie (Bella addormentata) – Marco Bellocchio – 2013

01. La belle endormie - Bella addormentata - Marco Bellocchio - 2013La vie est un miracle ?

   5.0   Mon fils a donc tiré un premier papier. Je me suis envolé pour l’Italie. Un film de Bellocchio. Je connais très mal son cinéma, vu seulement Vincere au cinéma lors de sa sortie en 2009 et j’avais adoré. Il y avait légitimement une grosse attente pour celui-ci. Et c’est une déception. D’entrée. Ça part mal.

     Jamais vraiment réussi à entrer comme il se doit dans cette tragique triple spirale d’amour et de mort. Ça tient, je crois, à son dispositif faussement choral : Il en a la structure, moins la mécanique. Contrairement à Vincere où quoiqu’il advienne tout se concentrait autour d’Ida, la dimension opératique – chère à l’auteur, apparemment, puisqu’on retrouve ce besoin d’intensité permanente, par son montage, sa musique, son goût pour la « « séquence récital » – perd de sa force ici à extirper de ses appendices plusieurs destins / rôles principaux dont l’intérêt, justement, se dilapide dans son éparpillement. La mise en scène aussi est moins inspirée, plus terne dans ses enchainements, plus reposée sur l’interprétation, probablement aussi grignoté par la gravité du propos.

     Il est en effet question d’un fait divers et d’une loi qui secouèrent l’Italie au début 2009, en gros la problématique de l’euthanasie dans un cas de coma végétatif. Une famille se battait depuis de nombreuses années afin de supprimer l’assistance médicale envers leur fille, accidentée de la route, qui resta dix-sept années dans le coma. Manifestations pour les libertés d’un côté, consternation de l’Eglise et du Vatican et du gouvernement de Berlusconi de l’autre. Il y a ceux guidés par cette certitude du miracle à venir, ceux qui s’en remettent à Dieu et les plus pragmatiques qui ne supportent plus l’absurdité de cette souffrance suspendue que ce lourd sommeil impose. Les politiques, la presse et les familles sont désarçonnés, le cas Eluana Englaro divise tout le pays, jusqu’au tribunal administratif qui décidera finalement de suspendre ses soins médicaux.

     Bellocchio ne va pourtant pas filmer cette histoire, mais voir un peu de ses répercussions sur trois autres histoires, brossées indépendamment autour d’elle (dont on reçoit les secousses au travers des journaux télévisés), trois histoires s’y rapprochant puisque tournant autour de trois personnages plongés dans le coma. Ça devrait être terrassant. Mais ça ne prend pas vraiment. Si ce n’est au détour de quelques jolies séquences, notamment deux beaux échanges à la toute fin, sur un quai de gare et dans une chambre d’hôpital.

Mouk 2018

31770207_10155668498512106_5743780453521817600_nLe retour.

     En imitant ce petit voyageur l’an dernier, l’exercice m’aura permis de découvrir plein de films venus de pays différents, moi qui ait tendance à voir quasi exclusivement du cinéma français et américain. J’ai donc décidé de reproduire le voyage, durant la même période, un peu avant la fournée cannoise. J’avais déjà dû dire sensiblement la même chose y a un an tout pile : Je me fais mon petit festival de Cannes à moi.

     J’aurais adoré choisir que des pays que je n’avais pas « visités » lors de mon premier tour du monde, mais devant la difficulté de la tâche, je me suis seulement imposé de ne prendre que des réalisateurs qui n’avaient pas fait partie de ce premier jet. Pas de Tsaï Ming-Liang, donc, ni de Ulrich Kölher, ni de Paul Verhoeven. Si je cite volontairement ceux-là c’est justement parce que certains de leurs films (que je n’ai pas vu) m’attendent sagement sur des étagères.

     La première nouveauté c’est le format. Si j’avais l’an passé veillé à ce que les films soient sensiblement de la même durée, j’ai décidé cette fois d’y intégrer un film très court, deux longs très courts, et un film très long, au sein d’une sélection aux durées plus homogènes. L’autre nouveauté, mais là tu t’en fiches puisque tu ne le verras pas, c’est que mon fils sera cette fois accompagné de sa petite sœur – qui déchirera probablement les papiers – pour faire le tirage au sort quotidien.

     Comme la dernière fois, je n’ai choisi que des films sorti durant ces quinze dernières années. J’aurais préféré restreindre aux cinq dernières mais ça me faisait moins de films à voir et surtout ça m’empêchait d’y intégrer certains que je n’aurais peut-être jamais regardés autrement. Eh oui c’est aussi pour ça que je fais ça : Me forcer à voir des films qui prennent la poussière depuis trop, trop longtemps.

     Voilà, c’est tout, maintenant la sélection :

Argentine : Leonera, Pablo Trapero (2008, 113min)
Australie : Ten canoes, Rolf de Heer & Peter Djigirr (2006, 91min)
Brésil : Casa Grande, Felipe Barbosa (2015, 114min)
Chine : Black coal, Diao Yi’nan (2014, 106min)
Corée du sud : Tunnel, Kim Seong-hoon (2017, 126min)
Grèce : Une déflagration, Syllas Tzoumerkas (2015, 78min)
Hong-Kong : La bataille de la montagne du tigre, Tsui Hark (2014, 143min)
Irak : Homeland, Irak année zero, Abbas Fahdel (2015, 334min)
Israël : L’institutrice, Nadav Lapid (2014, 119min)
Italie : La belle endormie, Marco Bellocchio (2013, 115min)
Japon : Dark water, Hideo Nakata (2003, 101min)
Norvège : Pyromaniac, Erik Skjoldjaerg (2016, 98min)
Philippines : Independencia, Raya Martin (2010, 77min)
Portugal : La gueule que tu mérites, Miguel Gomes (2006, 108min)
Tunisie : A peine j’ouvre les yeux, Leyla Bouzid (2016, 102min)
Ukraine : Letter, Serguei Loznitsa (2013, 20min)
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