L’étreinte du volcan.
5.0 Ixcanul pourrait être un beau document sur le quotidien d’une famille guatémaltèque, parlant le cakchiquel, une langue maya, sur une terre volcanique proche de la frontière mexicaine. Ce serait déjà énorme. Jayro Bustamente – dont j’ai hésité à aller voir Tremblements, cette année – s’intéresse aux tâches, au déroulement des journées, un repas, un cochon qu’on égorge. On sent qu’il veut filmer tout ça, mais il ne sait pas trop comment le filmer. Surtout on voit trop peu ce volcan. On oublie trop souvent qu’on est dans une plantation de café, sur les flancs du Pacaya. Sans doute parce que le cœur est ailleurs, comme celui du personnage, Maria, 17 ans, fille de paysans, qu’on va promettre en mariage au contremaitre de la plantation afin de ne pas être chassé de ce lopin de terre devenu inexploitable à cause des serpents. Si Maria semble très docile, comme l’annonce ce tout premier plan où elle est habillée, silencieuse, on va la découvrir bientôt plus rebelle et pleine de rêves qu’elle n’y parait. Elle voudrait fuir ce monde. Il y a derrière le volcan le doux rêve que la jeune génération convoite, quand les vieux, résignés, considèrent qu’il les protège du froid et du danger. Un soir, alors que le contremaitre est absent, Maria se jette dans les bras de Pepe, l’un de ces paysans ambitieux de traverser la frontière. Puis il disparait, sans prévenir Maria, qui de son côté tombe enceinte. Si l’on boit, mange et baise dans Ixcanul, rien de ces trivialités quotidiennes n’a vraiment de saveur, de chaleur, de ferveur. La tâche l’emporte toujours sur le désir. Et les promesses du voyage à travers le volcan s’évaporent bien vite. Il ne reste qu’une montagne infranchissable, des serpents dangereux, une grossesse dont il faut se défaire, sous peine de perdre le peu de confort qui reste. On voit donc trop peu ce volcan, le récit aurait pu se dérouler ailleurs. Le vrai volcan il est dans le ventre de cette adolescente. De la lave en fusion qui menace de tout bruler. Certaines scènes relèvent un niveau relativement fade, programmatique, trop écrit globalement : notamment les deux scènes entre les deux amants, d’abord celle de séduction et de sexe en marge d’une fête de village, puis lors d’une retrouvaille en marge d’un convoi de bêtes. Une scène où tous deux sont en bord-cadre, chacun le sien. La distance crée une fragilité et une sorte d’affrontement qui fait naître une promesse, celle d’une fuite commune, vite avortée. Si le film se termine mal – en passant par la ville, qui ne parle pas la même langue – mais mal en bien, puisque Maria survit, elle n’aura finalement pas eu d’évolution entre le premier et le dernier plan, sinon qu’il faudra pour elle vivre dans l’espoir que son bébé vit quelque part, son rêve américain, loin des serpents, du volcan et de la plantation de café. Le rêve semble s’être obscurcit à tout jamais, pour elle.