Archives pour la catégorie Nicolas Philibert

Le pays des sourds – Nicolas Philibert – 1993

27Les signes vitaux.

   5.0   C’est pas mal mais un peu académique dans ses enchainements. Le Depardon de San Clemente aurait sans doute tenté beaucoup plus de choses avec un matériau pareil. Il y a tout un monde à créer, un espace de jeu et d’échange à interroger, notamment avec les adultes. Bref on sent que c’est un film fait par un entendant. Les séquences les plus belles sont celles avec les enfants, dans le cadre scolaire, puisqu’elles captent de vraies individualités qui oublient la caméra ainsi que des divagations mystérieuses, rien d’étonnant à cela puisque cette partie pourrait prolonger ou être prolongée par le meilleur film de Philibert : Etre et avoir.

La maison de la radio – Nicolas Philibert – 2013

20.-la-maison-de-la-radio-nicolas-philibert-2013-900x505La ronde.

   4.5   Philibert nous fait cette fois voyager dans la maison ronde au moyen d’un bric-à-brac d’images sans aucune concision dans ses enchainements. A trop vouloir en montrer, le film est foutraque et ne raconte rien. N’est pas Wiseman qui veut. Les moments que je préfère sont d’ailleurs ceux que je n’attends pas à l’image de cet instant où tous les enregistrements radios sont suspendus à cause d’un bruit de travaux en fond. Le passage Pierre Bastien est chouette aussi. Mais globalement ça manque de lieux, de rencontres qui durent, de prises de risque, c’est plus un défilé de visages anonymes (ou non, mais la finalité est identique) qu’autre chose. Et sinon, un moment donné (vers la fin) on y entend Neige au soleil, de Bertrand Belin et ça fait du bien.

Retour en Normandie – Nicolas Philibert – 2007

17_-retour-en-normandie-nicolas-philibert-2007Que reste t-il ?

   7.0   L’origine du projet est un film des années 70 réalisé par René Allio : Moi Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère. A l’époque, Nicolas Philibert était assistant de mise en scène sur le tournage du film d’Allio. Ce retour dans la région, trente ans plus tard, a plusieurs vocations. C’est à la fois revenir sur l’histoire du film, sa genèse, son déroulement autant qu’établir des correspondances avec le présent, rencontrer les personnes qui ont été au cœur du projet, entendre leur souvenir et s’intéresser à ce qu’ils sont devenu. Le film s’ouvre sur un quotidien d’élevage de cochons. Ce quotidien c’est celui de Joseph, paysan qui jouait le rôle du père Rivière dans le film d’Allio. Philibert raconte qu’il n’y avait que des acteurs non professionnels dans le projet, même le jeune Rivière avait été recruté sous le manteau. Et la plupart jouaient quasiment leur propre rôle puisqu’ils étaient les voisins d’untel, comme dans la vie. A l’image de cette séquence inaugurale, et un peu à la manière de Raymond Depardon, Nicolas Philibert approche le quotidien de paysans qu’il observe puis questionne. C’est aussi réinvestir les lieux. Les lieux d’un film qui fut pour lui fondateur mais aussi les lieux d’un drame du XIXe siècle, puisque Allio, à l’époque, avait choisi de tourner non loin des vrais lieux du drame. Retour en Normandie agit donc à la fois en tant qu’approche en décalage temporel, mais aussi en tant qu’hommage à Moi, Pierre Rivière, dont il pourrait être non pas le making-off (très peu de photos d’époque, aucun instantané de tournage) mais un document parallèle offrant un nouvel axe de lecture. Le film reprend par ailleurs nombreuses séquences de son modèle. Il ne les commente pas, ne justifie pas leur existence, elles se glissent naturellement dans ce récit au présent. On apprend beaucoup des difficultés de tournage et de distribution. Moi, Pierre Rivière est un film incroyablement amputé. Amputations nécessaires, autrement il ne serait jamais sorti. Après ça, René Allio ne fera plus beaucoup de cinéma, les acteurs éphémères non plus – mais ce n’est pas faute d’espérer recroiser un éventuel tournage, dira dans une séquence très drôle un paysan, qui jouait aussi dans le film d’Allio. Pierre Rivière, alias Claude Hébert, disparaît sans laisser de trace, puis réapparaît au chevet du cinéaste, mourrant, vingt ans plus tard, puis disparaît à nouveau, selon les mots de Nicolas Philibert. Retour en Normandie se termine sur l’explication d’une double recherche, l’une attendue, à savoir ce come-back de Claude Hébert dans la région, très émouvante, mais surtout, sans doute la plus belle idée du film (ainsi que de se terminer là-dessus), la recherche d’une image du père. Non pas celui de Pierre Rivière, ni celui de René Allio, mais celui de Nicolas Philibert, qui jouait un minuscule rôle (il était juriste je crois) dans le film, séquence faisant partie de ces innombrables coupures du montage final. Tenter de débusquer cette chute, cette image perdue. Une image de mon père, dira Philibert d’une humilité bouleversante. Le film se termine comme ça : par cette courte scène, muette, où ce père semble dire quelque chose. Des mots étouffés par un silence de mort.

Nénette – Nicolas Philibert – 2010

Nénette - Nicolas Philibert - 2010 dans Nicolas Philibert nenette-philibert_148

L’autre monde.    

   4.0   Finalement le parti pris de ne filmer que l’orang-outan est ce que Philibert a fait de mieux. Mais elle restera en fin de projection qu’un vieux singe dans une cage. On en apprend sur elle autant qu’on en apprendrait si l’on visitait le jardin des plantes. C’était peut-être un court expérimental qu’il aurait mieux fallu faire. Sans aucun commentaire. Simplement un animal. Un mouvement. Un face à face. Les dernières minutes sont très belles au passage. Le plan est plus large. Personne ne parle. On commence à apprivoiser la durée, comment nénette fonctionne. Mais c’est fini.

Etre et avoir – Nicolas Philibert – 2002

280059652_10159089260917106_8571686957271255748_nDe beaux lendemains.   

     8.0   Dans une petite province du Puy De Dôme, un homme est l’unique instituteur d’une si petite école qu’elle ne comprend qu’une seule classe, contenant elle-même quelques élèves, de la maternelle au CM2. L’école se situe dans un petit village reculé, entouré par les forêts et les champs, et nous allons la suivre durant quelques mois, au gré des saisons, entre neige et temps radieux.

     Chaque enfant est accompagné jusqu’à l’école, en voiture, en navette, sillonnant tous les matins ces routes de campagne à l’infini. C’est la première chose que nous montre Philibert, comme le faisait Vigo dans Zéro de conduite, le trajet des élèves, le voyage non pas unique cette fois, mais quotidien. Puis nous passerons alors la majorité du temps en classe, saisissant des portraits pour chacun d’entre eux, pris individuellement ou plus souvent dans un contexte de groupe. Car c’est bien le collectif qui intéresse principalement Philibert : les interactions des uns avec les autres, entre les enfants et leur professeur, tous ces petits instants entre inquiétude, fierté, désaccord. Joutes verbales ou même parfois de simples moments de silence, allant chercher des regards, des chuchotements, des sourires.

     Il y a une telle sincérité dans le projet, qui reste avant tout un documentaire et saisi de vrais instants de vie, mais est construit comme une fiction. J’aime bien faire un comparatif entre ce film là et Entre les murs de Laurent Cantet. Si ce dernier marche beaucoup moins bien c’est pour deux choses : Dans un premier temps il y a un manque d’honnêteté dans le projet, se situant à la lisière du documentaire, mais le refusant intégralement car tentant de faire comme si l’on filmait sans que personne ne le sache. Dans Etre et avoir, la caméra est là, au milieu de la classe, à côté d’un visage, entre deux élèves, il y a donc par moments des regards caméra, par curiosité ou simplement pour se protéger, même parfois l’instituteur nous parle directement. Dans le Cantet la caméra est trop intime avec ce qu’elle filme, je trouve ça presque dommage de ne pas avoir fait d’elle un personnage. Il y a autre chose : La respiration. Chez Philibert, les moments en classe, bruyants, émouvants, presque épuisants, sont entrecoupés de plans extérieurs, plein de poésie et de douceur. Chez Cantet on croirait la réussite d’un tour de force, où il faudrait punir le spectateur en l’enfermant dans cette classe d’un bout à l’autre (ou presque) du film.

     Et puis la respiration concerne aussi la façon de filmer les élèves. Philibert ne les filme pas tout le temps dans une démarche utile de groupe, il saisit aussi des bâillements, des gestes singuliers, des moments de rêverie, quelques moments maladroits aussi. Cela en fait un film aussi très drôle. La séquence de l’auriculaire est formidable. La séquence de l’œuf aussi. On peut d’ailleurs rapprocher cette idée avec la précédente justement pour la séquence de l’œuf, qui est à mon sens à l’image de tout le reste du film. L’instituteur est en atelier cuisine avec ses élèves et leur apprend à casser des œufs. Une jeune demoiselle s’y colle, le fend trop brutalement et le jaune tombe sur la table. Son premier réflexe est de regarder la caméra, comme pour s’excuser, ou comme pour chercher un réconfort. C’est magnifique, parce que c’est vrai. Dans Entre les murs, lorsque l’ado quelque peu insolent se lève et fou son sac en l’air je n’y crois pas vraiment, je vois un geste répété, pas forcément réaliste en plus. Après je ne dis pas que Cantet aurait dû faire comme Philibert, leur dessein de base n’est effectivement pas le même, je dis juste que pour ce genre de film, il y a une démarche qui fonctionne à merveille et nous fait découvrir un tas de choses sur l’enfance et sur nous même, pendant qu’une autre échoue parfois à vouloir faire semblant en permanence.


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silencio


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