5.5 Voilà un premier film réussi. Dès les premières images et ce flottement qui accompagne cette bicyclette j’ai pensé au cinéma de Naomi Kawase. Héritage antonionien que j’affectionne tout particulièrement. Par la suite Ounie Lecomte propose quelque chose de plus classique mais non dénué d’intérêt. Déjà il y a un instrument qu’elle manipule à merveille c’est l’ellipse. Narrative comme temporelle. Impossible de légender les premières scènes du film, tant qu’on n’a pas les pieds dans cet orphelinat on ne sait de quoi il est question. Un indice minuscule cela dit : Jinhee chante à son père une chanson sur la perte d’un être cher. Possible que la mère ne soit plus là. On ne sait pas non plus combien de temps la jeune fille restera dans ce lieu transitoire. Mais ce qui importe c’est ce qu’il se passe ensuite. Jinhee débarque dans cet orphelinat croyant partir en voyage. Bientôt elle apprendra que c’est du long terme, puis qu’il faut qu’elle y mette du sien pour se trouver de nouveaux parents. Ces nouvelles questions, cette nouvelle vie qui tombe sur cet enfant la désarçonne complètement. Elle en devient désagréable, allant jusqu’à dire aux autres qu’elle n’a pas sa place avec elles car elle n’est pas orpheline. Bien entendu puisque l’abandon lui est encore inconnu. Elle se croit intouchable. La réalisatrice a su filmer ces enfants à leur hauteur pas en tant qu’’autopsiste’. Le net avantage de l’avoir vécu. Qu’est ce qu’il ressort ici outre l’abandon d’un père ? Une nouvelle naissance (Shara n’est pas loin) et une belle amitié (Yuki & Nina aussi). L’immense décalage de perception entre enfants et adultes aussi – pourtant l’adulte est traité avec douceur ici. Une résistance impuissante. La découverte de mensonges. L’envie de disparaître. Jinhee grandit. Pas comme elle l’aurait imaginé mais elle grandit, et très vite forcément. La voilà confrontée à une nature beaucoup moins accueillante. Elle devra s’y faire. Et peut-être bien apprendre une autre langue afin de quitter sa vie provisoire. Car il s’agit bien de vie en suspens. Comme une immense parenthèse ! Le regard de cette jeune fille dans le dernier plan du film est un truc sidérant. Ce n’est plus le regard d’une jeune fille paumée que l’on a délaissé, c’est presque celui d’une adulte, qui embrasse, une deuxième fois, une vie toute neuve. Mais permanente cette fois là.
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