Archives pour la catégorie Pédro Costa

Vitalina Varela – Pedro Costa – 2022

27. Vitalina Varela - Pedro Costa - 2022Eloge de la lumière.

   7.0   Difficile d’imaginer voir ce film autrement qu’en salle, tant c’est un film d’obscurité, au sein duquel le corps, le visage, les yeux sont de purs éclats de lumière. Le son y est dément, qu’il s’agisse du bruit des pas dans cette ouverture, celui de la tempête, des cris des enfants hors champ, la terre piochée, le craquement des murs. Les murs sont un personnage. C’est un cinéma exigeant, (trop) épuré, parfois j’en sors un peu. C’est aussi l’histoire d’un hors champ spatio-temporel de quarante ans entre le Cap Vert et le Portugal. L’histoire d’un corps absent (Joachim) et d’un corps qui est de quasi chaque plan : Vitalina, sa veuve. Et il y a le plus beau plan final vu depuis longtemps.

En avant jeunesse ! (Juventud em marcha) – Pedro Costa – 2008

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     7.0   Très compliqué d’en écrire quelques mots. C’est trop immense. Au sens où ce n’est pas un film anodin, c’est un film qui marque, et puis c’est un film très lumineux et pourtant étouffant. Le ciel est noir dans En avant jeunesse !, on ne le voit qu’une seule fois et donc on ne le voit pas. Pourtant ce sont bien des rayons lumineux qui viennent éclairer certains visages, certaines pièces. D’un point de vue formel c’est à tomber par-terre. Je trouvais les contrastes de lumière fulgurants dans son dernier film, Ne change rien, mais il y avait le noir et blanc qui radicalisait ce côté cosmique. Je savais qu’En avant jeunesse ! était en couleur. Franchement j’étais tout aussi hâtif que méfiant. Finalement dans ce qui est du cadre il n’y a pas de changement, nous sommes dans des profondeurs assez courtes. Généralement ce qui me fait peur au ciné. Je préfère nettement un cinéma à la Jia Zhang-Ke où le plan file à l’infini. Où les personnages se perdent dans une immensité. C’est ce qu’il y a de plus fort ici : les personnages se perdent bien dans une immensité mais on ne la voit pas. Elle est imaginaire. Derrière les murs, on l’entend. Filmer un bidonville et des chambres d’appartements c’est cela dans En avant jeunesse ! A hauteur d’hommes, sans cesse. Malgré tout j’ai trouvé ça fabuleux. C’est tellement beau. On a l’impression d’être sur une autre planète. C’est un décor, une lumière, une sonorité qu’il est impossible d’avoir ressenti dans un autre film. A défaut d’être bouleversé j’étais captivé. Parfois perdu aussi. J’aime la façon de filmer le vide puis le mouvement. Les dialogues vides et les dialogues forts. Tout ce qui se dit dans cette chambre avec cette jeune femme, Vanda, je trouve cela hallucinant. Mais j’ai vraiment besoin de le revoir ce film. D’y entrer vraiment corps et âmes. D’y chercher un état de fascination qui m’a manqué. J’ai trouvé ça magnifique mais j’ai ressenti aussi quelques longueurs. Question d’humeur sans doute. Je vais sûrement le revoir très vite…

Ne change rien – Pedro Costa – 2010

Ne change rien - Pedro Costa - 2010 dans Pédro Costa Costa     6.0   Pedro Costa, dans une interview aux cahiers du cinéma, raconte qu’avec ce film il a voulu filmer l’action davantage que le rêve. Dans cette avalanche de plans fixes uniquement (une vingtaine pas plus) on est en droit de se poser la question de la véracité de ses dires. A première vue, ces visages lumineux, blancs sur fond noir, durant tout le film, donnent une impression cosmique. C’est que le fond, chez Costa, épouse la forme. Il n’y a pas plus statique, au sens mouvement dans un petit espace, qu’une répétition musicale, une répétition de chant. Car Balibar, à l’origine actrice, n’a plus l’espace pour laisser parler son talent, elle est enfermée dans un dispositif géographique (une salle de répétition, une salle de concert, une salle d’enregistrement, un cous de chant lyrique) et formelle (objectif fixe, plans parfois larges mais avec un cadre épousant les bords muraux, plans souvent serrés cadrés visage). Et pourtant il y a tout un jeu sur la trivialité qui permet d’y entrevoir l’action plus que le rêve. Jeanne Balibar répète. L’exercice est difficile parfois même fastidieux lorsqu’on en arrive à devoir chercher un rythme, à répéter le même couplet pendant un long instant. Il y aurait une dimension onirique si Costa avait filmé avec plusieurs caméra, s’il avait cassé son dispositif de cloisonnement lumineux. Mais l’étirement du plan provoque un mal aise pour le spectateur, comme s’il assistait à cela sans qu’on lui en ait donné le droit. En un sens je suis quelque peu mitigé ici. Car d’une part je trouve le procédé carrément plus intéressant que celui utilisé par Scorsese pour filmer les Stones par exemple, cette dimension du spectacle n’est pas ce qui m’attire. Voilà c’est en fait cela : Ne change rien ce n’est pas du spectacle, c’est un film qui se penche sur la répétition (mot extrêmement important puisqu’il s’agit bien d’instants répétitifs, redondants, parfois usants) d’une actrice/chanteuse au calme. La durée du plan correspond à la durée de l’apprentissage. Il n’y a pas de dialogue dans le film, ou si peu, entre une répétition et une autre. On reste dans un cadre professionnel. Et puis d’un autre côté je trouve qu’il demande beaucoup à son spectateur, justement à cause de ce ton très pro. Il manque un échange véritable. Un échange entre les membres du groupe. Et un échange avec le spectateur. C’est cette non-proximité entre le réalisateur et l’actrice qui me perturbe quelque peu. Il y a bien Jeanne Balibar, on ne voit qu’elle, dans presque chaque plan. Mais il n’y a pas Pedro Costa. Il est là, derrière la caméra, mais on ne le voit pas, on ne l’entend pas, personne n’en parle. Costa dit qu’il a voulu faire une fiction, entièrement. Je comprends tout à fait sa volonté mais je ressens comme un manque.

     Quoiqu’il en soit formellement c’est extraordinaire. Heureusement qu’il a opté pour le noir et blanc, heureusement. Il y a comme ça, par moments, des percées lumineuses, par forcément sur les visages, mais dans le plan lui donnant un aspect assez unique. Dans la salle d’enregistrement il y a une fenêtre, toute la lumière vient capter la beauté de la chanteuse. Lorsqu’elle répète Offenbach, il n’y a que son visage qui est illuminé, le fond est noir. Cette déformation du visage, avec le mouvement des cordes vocales sur sa gorge, les yeux qui s’ouvrent puis se ferment, cette bouche qui reste ouverte et n’existe seulement comme porte au son. On dirait un tableau. C’est magnifique. Et cette souffrance avec laquelle elle chante Offenbach, avec cette femme à ses côtés (son maître, hors-champ) qui la reprend sur chaque mot. Rarement je n’avais aussi bien ressenti l’agacement, la prise sur soi, le courage de continuer. Bref ce n’est pas vraiment évident d’en parler de façon claire car je suis partagé. J’admire beaucoup et dans le même temps je me suis par moment ennuyé. Tout dépend de l’humeur je pense. Il faut accepter d’y plonger, d’y entendre Balibar chanter 75% du temps, et en répétition, donc avec toutes les sautes que ça engendre. Mais bon, je pense qu’on aimerait tous être immortalisé de la sorte par la caméra divine de Pedro Costa. C’est assez unique ce qu’il a réussi à faire.


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silencio


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