Archives pour la catégorie Philippe Faucon

Sabine – Philippe Faucon – 1993

27. Sabine - Philippe Faucon - 1993Irresponsable.

   7.0   Difficile de faire récit plus déprimant. Agnès, 17 ans, se tire de chez son père alcoolique et se retrouve enceinte du premier garçon venu. Ils gardent l’enfant, mais ne parviennent pas à subvenir à ses besoins. J’en profite pour dire que c’est rare de voir à ce point la détresse sur le visage d’une jeune mère, au cinéma j’entends. Catherine Klein est bouleversante. Là-dessus entre en jeu la grande idée du film, le personnage condescendant et maléfique de la belle mère envahissante qui écrase Agnès et enterre le peu de bonne volonté qui lui reste. Le film s’en serait tenu à conter ce quotidien-là que ça suffisait à créer de la violence latente et une inconsolable tristesse – Avec les interrogations de la jeune femme sur son pouvoir d’être mère. Une scène constituera le point d’orgue de cette néfaste évolution : Une altercation entre les deux femmes pour la garde du petit Mathieu, l’une cumule les insultes et l’autre en vient aux mains. Agnès se réfugie chez une amie junkie. Philippe Faucon décide dès lors d’écumer le catalogue de la cruauté. Les ellipses conséquentes permettent de déployer toutes les phases sombres qui engloutissent Agnès, devenu depuis Sabine : Elle vend des sachets de coke sous le manteau dans les souterrains du métro, se pique à l’héro avec sa copine, se prostitue puis chope le sida. Se tirer de cette spirale de la lose est plutôt compromis, pourtant et c’est là que Philippe Faucon reste un cinéaste moins attaché à la souffrance de son ou ses personnages qu’à leur faculté de rebondir, de revivre, le film se termine sur une note en effet très douce, réconciliatrice, optimiste malgré l’issue sordide que laissait présager cette descente aux enfers d’une adulescente délaissée.

Samia – Philippe Faucon – 2001

37. Samia - Philippe Faucon - 2001Avant Fatima.

   8.5   C’est très intéressant de découvrir Samia aujourd’hui, après le succès de Fatima, dans la mesure où Philippe Faucon n’a manifestement pas changé de façon de faire sinon qu’il a opté pour un autre personnage d’ancrage. Il est aussi question d’une famille d’origine algérienne et des rapports électriques hérités du fossé culturel et générationnel. On se souvient que chez Fatima, l’une de ses filles plantait sa scolarité quand l’autre entamait une école de médecine. Dans Samia, il s’agit aussi essentiellement d’un monde de filles puisque Samia, 16 ans, sixième de la fratrie, a trois grandes sœurs et deux plus petites.

     Ce qui à première vue a changé c’est la direction qu’offre le titre. Fatima c’est la maman, Samia c’est la fille. Philippe Faucon ne travaille pas exclusivement le portrait pur, donc il peut suivre l’une des filles de Fatima comme ici quitter parfois Samia pour Amel ou Farida, ses sœurs. C’est justement ce glissement qui est très beau et extirpe le film d’une certaine rudesse. On pourrait aussi dire qu’il l’universalise, voire le normalise, c’est vrai et c’est là où le cinéma de Faucon et celui de Kechiche sont entièrement dissemblables : Chez l’un on plonge jusqu’à la cassure, physique et littérale (L’esquive, par exemple) tandis que chez l’autre le mélodrame est aéré, la ligne claire parfois désactivée pour pouvoir la reprendre. On est plus proche de Guédiguian, en un sens. Et on y pense aussi puisque Samia se déroule à Marseille et on y retrouve un peu ce qu’avait capté La ville tranquille ou plus récemment, Khamsa, de Karim Dridi.

     Philippe Faucon ne va appuyer sur aucun élément réaliste pour le traduire en surplus dramatique : Quand Samia échange des insultes avec une bande de fachos ou quand Yacine assiste à une arrestation par des CRS, il ne se passe rien de plus que ces faits. Ce qui est très beau dans Samia c’est de voir que l’auteur s’intéresse aux fissures de l’intérieur, aux griffes masculines qui s’emparent du quotidien des femmes. Faucon distingue trois portraits d’homme : le père, malade, qui n’existe plus qu’au travers de ses deux fils. Le plus jeune, réservé, ne prend ni vraiment le parti des filles, ni celui de sa mère, ni celui de son frère, il est un électron libre loin des coutumes. L’ainé, lui, semble avoir récupéré la figure paternel traditionnaliste à son point de domination le plus abject. Il n’existe d’ailleurs qu’à travers ce pouvoir puisqu’il ne fait rien de ses journées, regarde la télé, mange les plats que sa mère lui prépare, s’habille de vêtements pliés et rangés par ses sœurs, qu’il suit à longueur de temps.

     Une figure du mal (Vulgaire, aboyeur, violent) patriarcale, plus pathétique que dangereuse tant il est couvert par une mère qui, sans cesse, regrette de ne pas avoir eu plus de garçons que de filles. Car les filles  tentent chacune à leur manière un embryon d’indépendance : La fuite du foyer pour la plus grande, les études longues pour la suivante, le refus des règles pour Samia, l’insolence adolescente de Naima. Une sorte de Mustang avant l’heure, moins canalisé dans son dispositif puisque l’écart d’âge entre les sœurs est bien trop important. C’est donc un très beau film, qui parvient à trouver des instants de grâce et de détachement (une balade dans les calanques, un concert en plein air, une fête de famille) dispersés dans une montagne de conflits.

Fatima – Philippe Faucon – 2015

19Journal intime.

   6.0   Plus aucun souvenir du seul film que j’avais pu voir de Philippe Faucon, Dans la vie, sinon qu’il était un film humain, mais un peu trop professoral. Fatima, auréolé du prix Deluc ainsi que de trois César dont celui du meilleur film, raconte l’histoire d’une mère de famille immigrée, femme de ménage vivant avec ses deux filles, qu’elle élève et accompagne du mieux qu’elle peut : Souad, 15 ans, effrontée, est en échec scolaire quand Nesrine, 18 ans, sérieuse, entre en première année de médecine. A la maison, Fatima parle l’arabe, ses filles parlent le français. Elles se comprennent évidemment très bien, mais cette distinction de langue crée un fossé culturel, une distance générationnelle. Ce sont les moments les plus réussis : Cette captation d’un monde intime qui se disloque et qui finalement parle autant de l’intégration que des rapports universels entre les enfants et leurs parents.

      C’est un beau film, minutieux, épuré, un peu pédagogique sans verser dans le didactisme. En fait l’idée part d’une véritable histoire et d’un matériau existant à savoir deux recueils de poèmes, Prière à la lune (2006) et Enfin, je peux marcher seule (2011) écrits par Fatima Elayoubi, dont le film pourrait grossièrement retracer un pan de sa vie, entre la tenue de son journal intime dans sa langue natale (qui l’amena à éditer ses recueils), ses missions de ménage, ses discussions plus ou moins délicates avec ses filles, son hospitalisation et son choix de suivre des cours d’alphabétisation. Dans sa conception même, le film de Philippe Faucon est assez irréprochable, puisqu’il fait appel à une actrice non-professionnelle, Soria Zeroual, femme de ménage algérienne résidant à Lyon.

     Si le film parvient assez miraculeusement à tenir sa trajectoire (la chronique, avant tout) c’est probablement qu’il surprend dans la durée de ses scènes, la composition de ses plans et son utilisation judicieuse de l’ellipse. Je le trouve à ce titre très respectueux de ses personnages (et de ce qu’ils choisissent d’être) mais aussi de son spectateur, ne martelant rien, trouvant régulièrement la note juste. Un bémol, toutefois, mais un gros, je ne comprends pas que Philippe Faucon ait choisi à plusieurs reprises de porter un regard un peu condescendant sur le monde non-musulman. Enfin disons qu’il y a ces cas tranchés, pas super subtils, comme il y a celui de l’introduction, avec la visite de l’appartement, qui me semble nettement plus intéressant dans sa façon de montrer que le français choisit de parler à celles qui parlent français car on en revient aux tragiques barrières de langue. Quand Fatima dit bonjour à une femme au supermarché car elle reconnait la mère d’une amie de sa fille, et que celle-ci esquive de façon brutale, j’ai un peu plus de mal, car je ne pense pas que le film ait besoin de ce genre de facilité. En fait, je trouve le film beau dès l’instant qu’il reste dans le cadre familial.


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silencio


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