Publié 15 décembre 2023
dans Pierre Jolivet
Dark beaches.
5.5 Il s’agit d’un film de lanceur d’alertes, à la manière d’un Projet Silkwood, d’un Erin Brockovich ou d’un Dark waters, ici sur un scandale agro-alimentaire breton. Scandale politique et industriel centré sur un désastre écologique en cours, que Pierre Jolivet – qui n’est ni Mike Nichols ni Steven Soderbergh, ni Todd Haynes – traite de la façon la plus impersonnelle possible, d’un point de vue formel, tant la mise en scène est secondaire, la gestion des dialogues un peu à côté. La mécanique du thriller fonctionne par intermittence et le film peine à passionner autant que son matériau disons. Il est par ailleurs très didactique mais pas entièrement dichotomique, tant il fait apparaître de nombreux personnages (de l’opposition, notamment) assez complexes car souvent cachés derrière le poids hiérarchique, local, régional ou national. Ce qu’il dresse politiquement est prometteur mais un peu limité. Ce qui m’a pourtant davantage séduit au préalable c’est son couple de personnages, enfin j’ai presque eu l’impression que ça devenait son sujet (comment supporter l’obsession de l’autre ? Jusqu’à quel point on peut s’effacer ? Continuer d’aimer ?) sauf qu’il n’y plonge jamais, ne résout pas du tout cela et l’autre personnage finalement n’est que fonction. Reste donc un téléfilm de luxe France 3 Bretagne. C’est dur, mais y a de ça. Très envie de lire le roman graphique dont est tiré le film. Quoiqu’il en soit, Céline Salette le porte sur ses épaules.
Publié 27 octobre 2022
dans Pierre Jolivet
Le choix désarme.
6.0 Lors d’un voyage en Asie, Philippe, Daniel & Hans, trois amis que le séjour a réunis, sont sur le point de rentrer. Si Hans décide de partir un peu plus tard, les deux premiers ont un avion à prendre, et afin de ne pas risquer de mauvais contrôles à l’aéroport, ils donnent tous deux leur part de haschich à leur ami hollandais.
Dix-huit mois ont passé. Philippe (Patrick Bruel) est sur le point de terminer ses études de mathématiques et Daniel (François Cluzet) est jeune papa. C’est alors qu’un avocat envoyé par Amnesty International les contacte pour leur apprendre que leur ami Hans est emprisonné depuis leur départ pour possession de drogue ; Pire, il est condamné à mort car la quantité qu’il possédait sur lui lors de son arrestation en font un narco-trafiquant.
Hormis si Philippe & Daniel acceptent de se livrer aux autorités locales, en expliquant qu’une partie du shit leur appartenait, Hans sera exécuté sous sept jours. Mais ils encourent deux années de prison.
Le pitch de Force majeure (la troisième réalisation de Pierre Jolivet) m’a toujours fait saliver. Et si durant un temps il se hisse au niveau de cette attente, notamment grâce aux prestations incarnées et opposées de ses deux acteurs futures stars, qui campent deux personnages aux antipodes, qui vont digérer la nouvelle de manière très différente, je ne cache pas une petite déception.
Il me semble que le film s’éteint peu à peu, qu’il perd de sa force d’écriture, qu’il se mélange un peu les pinceaux (Tout ce qui se jour entre Philippe & la femme de Hans, ou bien les confessions de l’avocat, par exemple) et qu’il souhaite simplement préparer l’uppercut crée par ses cinq dernières minutes. M’est avis qu’il aurait déjà gagné à étirer son tout premier segment. Et à épurer complètement ce qui suit. Ça reste un chouette film, malgré tout.
Publié 21 juillet 2022
dans Pierre Jolivet
Ma petite caserne.
4.0 Je n’échange pas un « Backdraft » contre dix « Hommes du feu ». Plus sérieusement je trouve que ça fait partie des Jolivet ratés. On sent qu’il veut filmer le travail, des hommes et des femmes au travail, mais je n’y crois pas une seconde, c’est trop (mal) écrit et dialogué notamment. Quant aux diverses situations elles relèvent beaucoup d’une suite de péripéties trop écrites, trop carrées, comme si Jolivet tenait à faire catalogue exhaustif du quotidien d’une caserne de pompiers. Ou alors il eut fallu qu’il reste davantage chevillé à sa femme du feu, incarnée par Emilie Dequenne, qui me semble souvent un peu à côté et encore plus ici, dans le bon sens : Le cœur du film se jouait dans cette anomalie à mon sens et non dans cette chronique préfabriquée qui manque d’incarnation. Il me semble que Beauvois s’en tire nettement mieux quand il filme le quotidien d’un flic d’Etretat dans Albatros. Sans doute parce que tout l’attention se porte sur lui, au travers des évènements qu’il croise. Il y avait peut-être un super docu à faire.
Publié 26 septembre 2018
dans Pierre Jolivet
Entretien du troisième type.
7.0 Pas certain qu’il n’y ait de grande cohérence entre Fred, Le complexe du kangourou et Simple mortel mais il y a derrière ces trois films, un auteur qui tentait beaucoup de choses à l’époque. Ici, sans aucun effet spécial, il choisit le film de science-fiction, genre particulièrement moribond chez nous. Un linguiste universitaire, spécialiste en langues anciennes, est contacté en gaélique via son autoradio, puis bientôt via son baladeur ou son radioréveil. Ce sont des messages qui ne sont destinés qu’à lui seul et qu’il ne doit surtout pas divulguer. D’abord indifférent puis un peu perturbé (il envisage d’aller voir un psy) et de plus en plus décontenancé – La voix lui révèle des évènements qui vont se produire : une agression dans un train, un tremblement de terre au Japon… – Stéphane finit par prendre sa mission très au sérieux, d’autant qu’on lui annonce bientôt qu’il a le destin de l’humanité entre ses mains. C’est un film très bizarre. Très cheap, forcément, mais surtout habité par une légèreté qui vire parfois au comique (Toutes les apparitions de Christophe Bourseiller, Francis dans PROFS) et une noirceur tout aussi fulgurante – Impossible de me défaire de la séquence, terrifiante, des chasseurs dans les champs de blé. La plus grande réussite du film c’est d’avoir fait de lieux (un souterrain, une bibliothèque) et objets (un autoradio, un téléphone, une voiture) du quotidiens des formes oppressantes. Il manque un petit truc au film pour être le chainon manquant parfait entre Le locataire, de Polanski et L’homme qui voulait savoir, de Sluitzer, mais ça fait du bien de voir une tentative pareille, complètement détachée du paysage cinématographique français. Et puis le final est dingue. Presque aussi dingue que celui de L’homme qui rétrécit.
Publié 25 avril 2018
dans Pierre Jolivet
Papa de circonstance.
5.0 Premier film de Pierre Jolivet, Le complexe du kangourou est un tout petit truc mais un truc très tendre, partagé entre la comédie et le film social, dans lequel Roland Giraud, peintre secret et vendeur de marrons à la sauvette, qui a jadis contracté la maladie des oreillons à l’âge adulte, n’ose pas avouer à sa petite amie (Zabou) qui souhaite avoir un enfant, qu’il ne peut en avoir. Sauf qu’il va rencontrer par hasard son ex (Clémentine Célarié) accompagnée d’un gamin dont il est vite persuadé d’être le père. La réalisation est hyper rythmée, il y a tout plein de supers répliques, ça fuse de partout, dommage que Jolivet n’ait pas continué dans cette voie ensuite (celle qu’il effleura à nouveau dans le beau Ma petite entreprise) et toute la palette d’émotions contradictoires qui saisit un peu brusquement le personnage permet à Giraud de s’en donner à cœur joie. Il est vraiment excellent, le rôle lui va super bien. C’est sans doute trop écrit malgré tout, enfin surtout au niveau des dialogues, et Celarié écope vraiment d’un rôle un peu trop cruel par rapport à la bienveillance de l’ensemble. Mais c’est pas mal.
Publié 8 novembre 2015
dans Pierre Jolivet
2.0 Ou Olivier Gourmet en agent de sécurité de nuit chez Intermarché, qui rumine, grimace, boit du whisky, pisse dans un champ. Une panoplie complète de l’ennui filmée avec autant d’élégance qu’un mollard et aussi platement qu’un épisode de Vis ma vie. Souvent, Gourmet marche sur le parking. Parfois, il joue avec une voiture téléguidée. Un moment donné, il retire de l’argent au distributeur et craque son futal, il va le recoudre mais s’agace et crie. La tension est à son paroxysme. Plus tôt il avait acheté sous le manteau un radio réveil à son pote éboueur et chouré quelques trucs dans l’entrepôt. Plus tard il se rend à la caisse de retraite. Il y croise Valérie Bonneton, qui galère à sa manière et un collègue avec une cravate rouge, forcément gay. Mais Gourmet a mal au dos, il a une carie et il est perturbé par un gros 4×4 noir qui fait d’étranges allés et venus. 1h15 de film. Tout gris, tout mou, tout scolaire, ça se regarde faire du sous sous Dardenne. Aucun intérêt. Puis un dernier quart d’heure, plus mouvementé mais archi prévisible, évidemment.
Publié 8 novembre 2015
dans Pierre Jolivet
6.5 Quand il s’aventure dans le petit polar social, Jolivet me plait. Ici encore davantage que dans Ma petite entreprise qui tournait un peu la chose en dérision. C’est très court (1h15), sec et nerveux, pile ce que j’imaginais d’un Jolivet en grande pompe. Et Lindon est dans l’un de ses meilleurs rôles.
Publié 8 novembre 2015
dans Pierre Jolivet
2.5 J’aimais assez Ma petite entreprise. Celui-ci est sans intérêt. Jolivet n’a ni la verve d’un Moutout pour cerner le monde de l’entreprise ni la force d’un Schoeller dans le peu qu’il tente de passer de politique. La relation amoureuse en filigrane est sirupeuse, prévisible et puis au bout du compte ce n’est pas l’artiste intelligente et cruelle que l’on plaint mais bien le patron fragile et malchanceux. Un petit beurk donc.