L’exercice délicat de la révolution.
5.5 L’ambition, la photographie, la reconstitution tout ceci est extrêmement stimulant. Le problème c’est que le film va dans tous les sens, qu’il raconte en deux heures ce qu’il aurait fallu traiter en huit. Le problème c’est aussi qu’il hésite entre un esprit pédagogique et un délire plus expérimental, parfois, plus baroque disons. C’est le genre de truc sur la corde, comme Tavernier le faisait/ratait parfois, ou comme Chéreau avait su faire dans La reine margot.
Il y a une étrangeté dans le film de Pierre Schoeller qui tient tout de même moins à ses velléités formelles qu’à un manque de fond, d’identification, de profondeur avec ces personnages qui incarnent le peuple. Soit ils sont très mal écrits, à peine existants, comme c’est le cas de Noémie Lvovsky, par exemple. Soit ils manquent cruellement de densité et de subtilité, comme c’est le cas de celui qui joue son homme, Olivier Gourmet. Paradoxe d’autant plus fort que le cœur du film c’est le tribunal, ce qui se joue au tribunal, certes ce qui se joue entre le peuple et son roi, donc, mais pas vraiment avec le peuple, ni même avec le roi. Et c’est pourtant le roi qui offre les scènes les plus touchantes au film. Le peuple souffre de son uniformité. Et il y a vers la fin, cette exception qui débarque comme un cheveu, avec cette femme (qu’on ne connait guère avant et qu’on ne verra plus après) qui s’oppose fermement aux volontés sanguinaires de la foule de couper la tête au roi. C’est une nuance prétexte. Une nuance de protection, en somme.
On retiendra des trouées, comme cette séquence où le soleil apparait à mesure que la Bastille tombe ou comme cette autre séquence où le roi, dans ses rêves, est visité par ses prédécesseurs, Henri IV, Louis XI et Louis XIV : Deux séquences fortes, mais in fine assez maladroites dans leur exécution. A l’image du film tout entier. C’est grandiose mais ça manque de souffle. Ceci étant, je reste séduit par sa démesure, par nombreux de ses plans et par la présence incongrue de plein d’acteurs qui ne servent à rien.