Archives pour la catégorie Pixar

Vice-versa 2 (Inside out 2) – Kelsey Mann – 2024

03. Vice-versa 2 - Inside out 2 - Kelsey Mann - 2024A mind at freeze.

   5.0   Passé le plaisir évident d’accompagner mes enfants pour voir la suite des aventures de Riley et ses émotions (j’en ai déjà parlé, c’est un Pixar important chez nous et accessoirement l’un des films qui me font le plus chialer au monde) et de voir mes enfants adorer, désirer illico le revoir… bah moi je suis déçu, je dois dire.

Déçu car j’attendais beaucoup de cette suite, à la fois en tant que prolongement mais aussi en sa faculté à faire table rase. Riley n’avait plus dix mais treize ans : ce n’est plus du tout le même cortex cérébral.

La promesse d’un changement lié à la puberté semble d’abord tenue, dans la mesure où il faut accueillir de nouvelles émotions : Anxiété, Ennui, Envie, Embarras et Nostalgie. L’idée qu’elles soient cinq, en conflit avec les précédentes qui étaient déjà au nombre de cinq, m’a d’emblée dérangé. J’ai trouvé cela très schématique. Aussi, pourquoi ces émotions débarquent-elles chez Riley seulement à treize ans ? Et pourquoi uniquement celles-ci ?

Mais le plus problématique fut de constater combien toutes ces nouvelles émotions, à l’exception d’Anxiété, sont assez pauvres, bâclées du point de vue de l’écriture. Elles occasionnent quelques gags, notamment via Ennui et Embarras, mais c’est hyper attendu, sans autre idée que ce tableau de bord du QG des émotions autrement plus imposant, voyant Puberté compris, qu’on avait déjà évoqué, en tant que blague, dans le premier volet.

Plus problématique : je trouve dommage que les émotions initiales n’évoluent pas. Que Joie et Tristesse se retrouvent dans un processus finalement similaire au premier film (Joie qui doit accepter de ne plus être la cheffe de groupe, Tristesse qui doit prendre conscience de sa place dominante) tandis que les trois autres continuent de faire gags.

En réalité cette suite m’a semblé très poussive. Caressant dans le sens du poil aussi bien les enfants que les parents, de même que les adorateurs du premier : la construction est la même : le lieu des croyances ressemblant in fine à celui des limbes, les personnages de l’enfance répondant à celui de Bing Bong, la séquence en papier reprenant celle ses allégories. Et pire, de constater que d’évoquer ce fort désir de réussite et cette crainte de l’échec produit chez Riley autant de remous intérieur (un effondrement global) que la dépression qui la gagnait dans le premier film.

J’ai eu la sensation de voir le strict minimum de ce que Vice-versa version crise d’ado pouvait nous offrir. De voir un film attirer pile là où je pensais qu’il irait : un teen-movie comme un autre, in fine.

Le terme est fort, trop sans doute car le film est agréable à regarder, rythmé, drôle et le micro-ondes est de qualité, mais ça sent le réchauffé, franchement.

Elementaire (Elemental) – Peter Sohn – 2023

12. Elementaire - Elemental - Peter Sohn - 2023Ni chaud ni froid.

   4.5   Vu au cinéma avec les enfants, en rentrant de vacances. Seul plaisir que j’en retiendrai tant j’ai trouvé ce nouveau cru aussi mignon que convenu et sans intérêt. Pourtant, cette idée d’amour impossible entre Flam et Flack, deux éléments antagonistes qui bientôt tombent amoureux l’un de l’autre, avait tout pour me séduire. C’est vraiment la rencontre entre Zootopie (l’aspect mégalopole futuriste) et Alerte rouge (le récit d’apprentissage envers et contre les codes familiaux). Le problème majeur à mon sens réside dans le déséquilibre d’intérêt éprouvé devant ces deux personnages : La volcanique Flam est bien plus intéressante que le mollasson Flack. Évidemment ça reste plutôt joli – l’animation toujours aussi impeccable – et bien fagoté mais j’attends bien davantage de Pixar. Et de Thomas Newman, dont la musique m’a semblé tout aussi terne, ici. Quant à Peter Sohn, il m’avait autrement mieux séduit avec Le voyage d’Arlo.

Buzz l’éclair (Lightyear) – Angus MacLane – 2022

07. Buzz l'éclair - Lightyear - Angus MacLane - 2022Vers l’infini, mais pas au-delà.

   6.5   Le film est globalement rejeté, par le public et la presse, je ne comprends pas. C’est vraiment super. Peut-être pas du niveau des quatre Toy Story mais qu’importe.

     C’est un spin-off en forme de one shot assez parfait : C’est vrai, pourquoi toujours vouloir faire des ponts, des suites ? Ce film-là se suffit à lui-même. Il est un peu à Toy Story ce que Rogue One est à Star Wars.

     L’idée de base est géniale : Buzz l’éclair se réclame d’être le film qui rendit Andy, le petit garçon de la franchise Toy story, fan du jouet ranger de l’espace.

     Après avoir condamné, à la suite d’une erreur de pilotage, les habitants d’un vaisseau à vivre sur une planète inconnue, Buzz tente de s’en échapper mais dans une succession de ratés aux vertiges temporels imposants : à chacun de ses retours, quatre ans se sont écoulés pour les autres. C’est l’ouverture de Là-haut qui croise Interstellar.

     Le reste fait seulement office de film d’action, avec une drôle d’équipe à construire et un méchant à affronter (Zurg, évidemment), ainsi Buzz l’éclair manque clairement d’émotion, surtout au regard de la franchise et de la belle promesse que constituent ses vingt premières minutes.

     Mais ce serait grossier de bouder son plaisir, tant de plaisir j’en ai eu durant cette agréable projection de juillet avec mes enfants. Quel bonheur de les entendre rire à gorges déployées à chacune des apparitions / répliques du chat Sox, qui est génial.

     Dieu sait que l’idée, pourtant, ne m’emballait au préalable pas des masses. Enfin pas moins que celle de faire un Toy Story 4 après le sublime final de l’épisode 3. Finalement j’ai préféré ce Pixar-là à un autre sorti cette année, Turning red, qu’on encense, à mon avis, beaucoup trop.

     A part ça, on ne le dira jamais assez, mais quel plaisir de revoir un Pixar en salle : Buzz l’éclair étant le premier du studio à sortir sur grand écran depuis le début de la pandémie. Foutue plateformes… Y a que sur grand écran que l’on profiter d’une telle animation, encore une fois, aux petits oignons !

Alerte rouge (Turning red) – Domee Shi – 2022

29. Alerte rouge - Turning red - Domee Shi - 2022Comme la lune.

   5.0   Toronto, 2001. Mei, 13 ans, sino-canadienne est une adolescente bien de son âge, à cheval entre la culture orientale de sa famille et celle occidentale de ses camarades. Elle a deux facettes que l’on découvre vite : Après l’école, respectueuse des traditions, elle devient hôtesse d’accueil dans le temple chinois familial qui reçoit les fidèles. Le reste du temps, elle est fan de boys band, de tamagotchis et se plait à fantasmer sur les garçons de son âge. Elle est toujours première de la classe donc tout va bien. Ses copines aimeraient seulement qu’elle soit un peu plus dispo après les cours.

     Coincée entre deux mondes aux antipodes, Mei parvient néanmoins à trouver l’équilibre, en se réfugient dans de petits mensonges quotidiens : ne pas révéler à ses copines la surprotection maladive de sa mère ; et cacher à sa mère son désir grandissant pour les garçons et l’objectif entre copines de filer voir le concert de leur boys band chéri, 4Town, simili-Backstreet boys.

     Domee Shi, la réalisatrice de Turning red, à qui l’on devait le très beau court Bao (qui lui valut l’oscar du meilleur court métrage d’animation) sorti à l’époque en avant programme des Indestructibles 2, est née à Chongqing puis a grandi à Toronto, et elle est née en 1987. Autant dire que l’histoire de Mei c’est sans doute beaucoup la sienne.

     Je ne reviens pas sur cette sortie exclusive sur la plateforme Disney+ : c’est nul, point. Un peu comme pour Soul, c’est triste de voir autant de talent, visuel, scriptural, bref éminemment cinématographique privé de la salle de cinéma, sans parler du pur statut événementiel qui accompagne la sortie d’un nouveau Disney : En quoi celui-ci serait-il, sur le papier, moins intéressant que le prochain Buzz l’éclair, par exemple ?

     Le projet m’attirait beaucoup dans la mesure où il me rappelait aussi bien Coco que Vice-versa, dans son approche de l’enfance (rappelons que Riley avait onze ans à la fin du second, quelle belle suite logique que d’entamer sur Mei, treize ans) mais aussi de l’importance du lieu : Toronto succède à Santa Cecilia & San Francisco.

     Ici il ne s’agit plus de traiter de la fête des morts ou d’un déménagement douloureux, mais d’évoquer la métamorphose d’une jeune fille, affrontant le séisme de la puberté symbolisé ici par une transformation en panda roux. Comme Riley dans Vice versa, les émotions de Mei deviennent incontrôlables et le panda roux incarne à merveille ce dispositif destructeur.

     Sur le papier. Car passée l’originalité du projet, qui joue de cette métamorphose émotionnelle pour reprendre les codes de l’animation japonaise, le film me passionne assez peu, sans doute car il s’appuie entièrement sur un objectif ridicule, qui se voudrait universel, reposant sur une participation ou non à un concert de boys band. Disons que cette petite bande de filles me passionne autant que celles que je croisais à l’école y a vingt ans. Et que la mainmise familiale est un peu trop appuyée pour compenser ce manque d’intérêt.

Vice-versa (Inside out) – Pete Docter – 2015

08. Vice-versa - Inside out - Pete Docter - 2015Sens dessus dessous.

  10.0   Juillet 2015.

    Franchement, je ne sais même pas quoi en dire. C’est à mes yeux la plus belle réussite Pixar, avec Toy Story 3 & Monsters Inc. Une merveille de chaque instant, dopée à l’humour et l’adrénaline. Quatre-vingt dix minutes de plaisir fou, maniant le vertige et l’émotion avec une grâce inouïe.

     Très peu touché par la mécanique d’entrée, j’ai finalement été happé par les différents niveaux du film, qui rebondit sans cesse. J’ai fini par chialer, forcément (pas autant que le final de TS3 mais quand même) pour Bing Bong, un peu puis lorsque vient le temps de la résignation magnifique où l’on comprend qu’il ne peut y avoir de joie sans tristesse.

     J’en attendais peut-être trop et dans le même temps j’ai l’impression que le film m’a offert ce trop, qu’il m’a donné exactement ce que je voulais voir. On verra maintenant comment il vieillira. En l’état j’ai trouvé ça super fort mais immédiat. Je n’y pense plus beaucoup. Pourtant, je ne vois pas comment ça aurait pu être mieux.

Mai 2016.

    La grande originalité de ce cru Pixar est de se dérouler quasi intégralement dans le cerveau d’une petite fille. Entre sa naissance et son adolescence. On fait connaissance avec cinq personnages qui représentent chacun un trait de son caractère. Il y a Joie, svelte et pimpante, bientôt rejoint par Tristesse, boulotte dépressive. Elles sont toutes deux chargées d’envoyer les capteurs qui leur correspondent à Riley, encore bambine. Si la petite fille rit, cela vient de Joie. Si au contraire elle pleure, bonjour Tristesse.

     Très vite, elles sont accompagnées de trois autres trublions : Peur, angoissé maladif, se charge de prévenir Riley d’un éventuel danger, comme ici un fil électrique en plein milieu du couloir qu’il va lui faire enjamber ; Dégoût, nymphette rabat-joie, va lui apprendre à rejeter les trucs pas super excitants de la vie, comme une assiette de brocolis ; Et Colère, boule de nerfs toujours prête à exploser, va lui apprendre à montrer qu’elle a aussi, quand elle veut, un sacré caractère, surtout si on la prive de dessert.

     Chacun sa couleur, chacun son look, chacun sa silhouette. Ce sont les émotions de Riley. Elles se chamaillent, se supplantent, se complètent. Forment un petit groupe bien organisé, si tant est que tout se passe bien, dans le meilleur des mondes. « Encore une belle journée de finie » s’écrie chaque soir Joie, lorsque Riley se couche enfin. La plupart des petites boules de souvenirs, portant la couleur du personnage (donc l’émotion dominante de Riley à l’instant T) qui s’en est chargé, sont alors rangées dans la mémoire à long terme, tandis que seulement quelques unes constituent ceux de sa mémoire centrale, qui alimentent la personnalité de la jeune fille, au quotidien.

     Le cortex cérébral de Riley abrite plusieurs espaces : Le centre des émotions, les îles de personnalité, la zone des rêves et cauchemars, la mémoire enfouie et les limbes de l’oubli. Un train de la pensée se dirige de gare en gare, pour agrémenter chaque strate de cet univers aussi infini que fonctionnel ; Il ralenti quand la jeune fille est peu stimulée, s’arrête quand elle s’endort. Au sein de chaque espace, des petits bonshommes tiennent un rôle bien défini. Certains s’amusent à envoyer de vieux souvenirs dans le centre de commandes comme une petite rengaine dont on ne peut se défaire, un souvenir lointain, d’autres font des châteaux de cartes comme s’ils tentaient de faire fonctionner les méninges, d’autres encore s’occupent de faire rêver leur hôte, en faisant fonctionner un immense studio de cinéma cérébral.

     L’enfance de Riley, vécue en accéléré dans une longue introduction, comme pouvait l’être la vie du vieil homme dans les cinq premières minutes de Là-haut, se déroule sans encombre. Ses îles de personnalité sont en perpétuel mouvement : La famille, les amis, le hockey sur glace, les bêtises et l’honnêteté. Jusqu’au jour où tout s’ébranle. Où Riley doit déménager. Où Joie et Tristesse se retrouvent toutes deux perdus très loin laissant Peur, Dégoût et Colère aux commandes de ce gigantesque et fragile navire. La dépression provoque le conflit de génération qui mène à la fugue de la jeune fille. Qui s’en relèvera quand à l’intérieur tous auront repris leur place, avec cet infime et pourtant énorme changement qui consiste à ne plus vraiment dissocier les émotions. Les boules de souvenirs sont dorénavant bicolores. Tristesse et Joie sont liées. Riley a grandi.

     Je voulais absolument revoir et montré Vice Versa à mon fiston, voir comment il allait l’appréhender. Le dispositif est bien trop complexe pour lui mais je savais qu’il aimerait le rythme, les personnages, les couleurs. Et il a tout regardé d’une traite. A la fin je lui ai demandé s’il avait aimé. Il m’a répondu : « Oui j’ai aimé, mais papa il a pas aimé, il a pleuré ». C’est d’autant plus beau d’entendre ça pour ce Pixar-là étant donné que ça ne raconte que ça. Evidemment, j’ai adoré. Bien plus qu’il y a un an – Le film m’avait semblé un peu hystérique et limité plastiquement (à tort tant il regorge d’inventivité). Je trouve que c’est d’une intelligence et d’une complexité hors norme, d’autant que c’est une succession de chouettes moments, magie sur magie, un émerveillement ininterrompu : L’effondrement de l’île des bêtises, la colère à table avec les parents, le sacrifice de Bing Bong, Tristesse qui prend les commandes. Beau à pleurer.

18 Mai 2020.

     Aujourd’hui, ma fille a eu trois ans. C’était donc « un lundi pas comme les autres ». Après le gâteau, nous lui avons laissé choisir de voir le dessin animé de son choix. Nous savions qu’elle choisirait Vice-Versa. Son « dessin animé préféré » dit-elle. Le seul qu’elle regarde attentivement jusqu’au bout, à vrai dire. Le seul qui la met dans un tel état de « joie » quand Joie, justement, apparaît ou quand Riley dévore son bol de céréales. Le seul qui la met dans un tel état de « tristesse » quand l’île des bêtises s’effondre ou quand Bing Bong s’évapore dans les souvenirs oubliés. J’aime que ce soit ce dessin animé là qu’elle ait choisi. Je ne sais pas combien de temps cela durera, mais j’aime croire qu’il aura toujours une place à part dans son cœur.

     Bref, j’ai eu tendance à revoir des morceaux de ce film depuis quelques mois. Et par bribes, je voyais se dessiner la perfection que j’allais bientôt entièrement y déceler. J’ai donc revu, pour la (véritable) troisième fois, Vice Versa. Le peu de réserves qui me restaient (après un second visionnage qui les avait de toute façon quasi toutes balayées) se sont envolées. Et aujourd’hui je crois pouvoir dire que c’est Le chef d’œuvre absolu de Pixar et l’un de mes films préférés. L’étreinte entre Riley et ses parents à la toute fin du film est une scène qui me bouleverse comme (quasi) aucune autre scène de film.

Toy story 4 – Josh Cooley – 2019

01. Toy story 4 - Josh Cooley - 2019Cowboy destiny.

   7.5   Nous avions laissé Toy Story 3 sur une fin parfaite, lumineuse, bouleversante : Andy avait grandi, et après moult péripéties de ses jouets loin de sa chambre, il choisissait pour eux ni la poubelle ni le grenier, mais de les transmettre à Bonnie, qui avait trouvé le petit shérif. Woody compris – Non sans hésitation et déchirement. Que pouvait-on faire de plus ? Voilà pourquoi l’annonce d’un quatrième volet en chantier m’avait rendu sceptique, pour rester poli. Et puis le film se faisant, avec l’équipe habituelle (Cooley, Stanton, Lasseter…) il devient rapidement, logiquement l’un de ceux que je veux voir à tout prix cet été. Mon fils l’a vu en juillet. Moi je l’ai raté en août. Finalement nous y sommes allés (ou retournés) le premier jour de septembre. La veille de sa rentrée : C’était parfait. Soyons honnêtes, j’ai eu les yeux embués du début à la fin. Je n’exagère pas, la scène du flashback (idée magnifique) avec l’adieu de Woody à la bergère, sous la voiture, encerclés d’un rideau de pluie, j’étais déjà en miettes. C’est du niveau de la scène d’adieu (aussi sous la pluie) dans Seul au monde, pour moi. Sauf qu’elle intervient au bout de cinq minutes de film. On sait que ce n’est pas gratuit (jamais chez Pixar) donc que c’est une amorce pour une éventuelle retrouvaille, et cette promesse est en soi déjà déchirante. Toutefois, la vie reprend son cours. Le flashback s’évapore avec notre souvenir de Bo la bergère. Quant à Andy c’est du passé, puisque c’est bien de Bonnie dont il s’agit maintenant, Woody compensant sa quasi inutilité (il est relégué au placard puisque chez Bonnie, le shérif sur Pile-poil c’est Jessie) en protecteur du nouveau jouet fétiche, construit par Bonnie lors du terrifiant jour d’adaptation à la maternelle : Fourchette. De quoi alimenter un terreau que la franchise n’avait pas encore utilisé jusqu’alors : Le jouet jetable. Et pourtant, qu’il s’agisse de l’histoire de cette rudimentaire fourchette en plastique, de celle d’une poupée oubliée chez un antiquaire pour un défaut de fonctionnement, ou de celle de Duke Kaboom, le jouet décevant, C’est la destinée de Woody qui est au centre du récit. On comprend assez vite l’essentiel : Toy Story avait bouclé la boucle Andy, mais pas celle de Woody. Le générique d’ouverture racontait déjà beaucoup puisque d’une part la chanson choisie est la même que celle qui ouvrait le premier opus en 1995, d’autre part car il prend soin de montrer le cowboy à différents âges de « son enfant » Andy jusqu’au passage de relais à Bonnie. C’est un épisode pour Woody. Afin que lui aussi finisse par voler de ses propres ailes à moins qu’il soit plutôt question de tomber avec panache.

Toy story – John Lasseter – 1996

20. Toy story - John Lasseter - 1996Je suis ton ami.

   8.0   Etant plus petit, mon fils s’excitait jusqu’à en pleurer lors de la première apparition de Buzz l’éclair. Je le revois encore, déplier ses bras comme l’astronaute déploie ses ailes, se mettre debout sur le canapé et faire mine de s’envoler comme Buzz aussi s’envole, bien que Woody dira qu’il n’appelle pas ça voler, qu’il appelle ça tomber avec panache. Je le revois, le cœur déchiré, quand Buzz, plus tard, est contraint d’accepter qu’il n’est qu’un jouet, tente de s’envoler mais perd un bras dans son suicide manqué. Certes mon fils et moi connaissons le film par cœur, mais c’était cool d’aller le voir ensemble, en salle.

     On est en 1995. Disney vient de pondre Le roi lion, ses animaux de la savane africaine, ses décors majestueux. Pixar répond Toy story, une chambre et des jouets en plastique. Osé ! C’est la naissance d’une excellente trilogie – qui deviendra bientôt tétralogie, mais comment croire en ce quatrième volet quand le troisième disait tout, fermait tout jusqu’à nous étreindre dans un concert de larmes ? – et c’est aussi le premier long métrage sous entité Pixar.

     Au tout début, un garçon joue avec ses jouets dans sa chambre. Woody, Rex, Mr.Patate, Zigzag & co sont encore inanimés (comme à chaque instant où ils sont en présence d’êtres vivants) mais ce sont des déjà des graines de héros, les acteurs d’une histoire créée de toute pièce par l’imagination d’un petit garçon. Toy story a cette idée brillante de nous offrir à voir leur histoire, celle de leur quotidien, quand l’enfant n’est pas là. De voir la vie privée des jouets, en somme.

     Si le pré-générique montre l’enfant jouant avec ses jouets, le générique s’attache lui à montrer l’enfant en train de les ranger, à lui constater ses préférences (un petit cowboy doté d’une ficelle qui le fait parler) et à nous dire que bientôt, l’enfant ne fera quasi plus partie du film, que ses personnages ce seront ces objets en plastiques. Ainsi, quand Andy est appelé par sa maman pour accueillir ses copains venus pour son anniversaire, qu’il referme la porte de sa chambre derrière lui, aussitôt c’est le branle-bas de combat : Chacun se fait un petit brin de santé et se réunit afin d’établir une mission commando visant à connaître avant leurs arrivées dans la chambre, les nouveaux jouets qu’aura Andy pour son anniversaire. On fait marcher les talkies-walkies et on envoie les petits soldats de plomb. Ce qui frappe c’est l’utilisation de l’espace : à hauteur de jouet, la chambre semble gigantesque, un monde à elle toute-seule. La séquence dans la cage d’escalier offre une situation vertigineuse, jouant sur un schéma de film d’aventures et sur l’angoisse de voir les jouets se faire gauler.

     Quand plus tard, par une suite de mégardes, jalousies et coïncidences, l’astronaute et le cow-boy se retrouvent abandonnées à une station-service puis dans une fête foraine, le film s’envole littéralement. Avant de finir sa course chez le voisin d’Andy, un gamin tortionnaire de jouets, qui devient le grand méchant du film. Avec cette idée géniale du compte à rebours : Il faut rentrer avant le déménagement. Toy Story, la franchise, ne cessera d’être contaminée par l’importance du réel jusqu’à culminer dans un troisième volet qui rappelle qu’un enfant, un jour, ça grandit.

Les indestructibles 2 (The Incredibles 2) – Brad Bird – 2018

LES INDESTRUCTIBLES 2 FILM D ANIMATION DE BRAD BIRD (2018)Le plein de super.

   7.0  Cette suite s’ouvre pile là où se fermait le premier volet donc j’étais content de l’avoir bien en tête, même si finalement on s’en démarque très vite. Surtout, cet embrayage immédiat crée un vertige étrange dans la mesure où l’on poursuit une scène – concrètement ici celle du démolisseur – alors que les deux films ont quatorze années de différence. Je n’avais vu aucune image de cette suite, pas même une bande annonce, donc j’étais persuadé que les enfants seraient grands, que les parents seraient vieux, enfin bref que l’écart de temporalité jouerait son rôle comme dans n’importe quel film en prises de vues réelles. On le savait déjà mais Les indestructibles aura offert ça de façon plus surprenante : L’animation permet de figer le temps.

     Et pourtant cette suite n’a rien d’un film de 2004 : La dimension est plus féministe (C’est Elastigirl qui bosse, Mr Indestructible qui s’occupe des mômes) et le méchant plus politique que shakespearien, pour le dire grossièrement. Mais surtout, le film est une tuerie rythmique, ça n’arrête pas, aussi bien dans les merveilleuses scènes d’action que les moments plus triviaux, quotidiens, souvent très drôles, parfois agréablement mélancoliques. Et on s’en doutait puisque le premier volet laissait un peu ça en suspens : C’est l’occasion de mettre Jack-Jack, le bébé, sur le devant de la scène et ce sera on ne peut plus jouissif puisque le bambin est doté de multiples pouvoirs et n’en contrôle aucun : Il peut se téléporter dans une dimension parallèle, il est polymorphe, il a des lasers dans les yeux, il se transforme en boule de feu ou en caoutchouc, il peut se cloner, changer sa taille, passer à travers des murs, voler.

     Bref, c’est un peu gadget, mais ça occasionne des scènes géniales, drolissimes. Et puis c’est un gadget pas si gratuit dans la mesure où dans cet opus, les pouvoirs des personnages sont reliés à leur personnalité affichée : La virilité du père, l’élasticité de la mère, l’hyperactivité du fils, la timidité de la fille, les pouvoirs semblent être le reflet de leur personnalité. Donc avec Jack Jack t’as vraiment le côté schizo de l’enfant et son appétit de découverte, qui veut tout faire, tout être à tout moment. En tout cas ce qui me séduit tout particulièrement dans cet opus c’est qu’il ne cesse de dire que le vrai super héros c’est celui ou celle qui s’occupe du foyer. En tant que parent, ça me touche infiniment.

     Si cette suite est à mon sens aussi délectable qu’on soit petit ou grand, il me semble qu’elle s’adresse avant tout aux plus jeunes et là-dessus il faut saluer son élégance et sa générosité, d’où mon indulgence globale. Dans les (très) bons points à mes yeux c’est qu’il est surtout un film sur la famille donc qu’il tente de s’adresser à toute la famille je trouve ça noble. Dans les mauvais points je pointerai surtout les nouveaux supers qui sont à leurs côtés et qui franchement ne servent pas à grand-chose. La famille se suffisait à elle-même, avec Frozone. A chaud, même si ça gagne en divertissement ce que ça perd en émotion, j’aurais tendance à préférer cet opus. En tout cas c’était cool de voir mon fils (qui adore Les indestructibles) aussi émerveillé de découvrir, au cinéma, la suite des aventures de ses héros en combinaison rouge.

Bao – Domee Shi – 2018

18. Bao - Domee Shi - 2018Le fils préféré.

   6.0   L’allégorie pourrait peser une tonne mais comme c’était le cas de Lou, l’an dernier, en « première partie » de Cars 3 (Je n’ai pas vu d’autre court Pixar à ce jour) elle est suffisamment équilibrée et fondue dans une légèreté d’ensemble. C’est donc ici l’histoire d’une femme qui se prend d’affection pour son ravioli farci qui prend vie et qu’elle va cajoler, surveiller et regarder grandir jusqu’à ce qu’il soit vraiment grand, adolescent, adulte. Je vais taire le double dénouement, mais on l’assimile assez vite, il est question de la dépression d’une mère après le départ de son fils du foyer familial. La fin est sublime. Dix très belles minutes quoiqu’il en soit, entre relation mère/fils accélérée et cuisine chinoise. Et d’autant plus importantes qu’il s’agit du tout premier court Pixar réalisé par une femme. Et qu’elle est d’origine chinoise.

Coco – Lee Unkrich & Adrian Molina – 2017

26. Coco - Lee Unkrich & Adrian Molina - 2017Réparer les vivants et les morts.

   9.0   Déjà, sans faire de faux roulements de tambours, c’est absolument somptueux, visuellement parlant. Dans un monde comme dans l’autre. Dans le jour comme dans la nuit. L’horizontalité ici, la verticalité là. Les rues du village mexicain autant que le labyrinthe urbain chez les morts. C’est plein de détails qui pullulent, de profondeur hallucinante, d’explosions de couleurs. C’est un émerveillement de chaque instant.

     Il y a quelque chose de plus simple dans ce nouveau voyage Pixar et le film annonce clairement la couleur dans son générique d’ouverture puisque les crédits sont affichés sur des fresques de papier découpé : Il y a déjà cette notion d’intimité familiale dans ces décorations de fête des morts et donc, forcément, une plongée dans la culture mexicaine. Alors c’est sûr qu’on n’est plus dans le cerveau d’une petite fille, mais l’idée est tout aussi excitante.

     Au début du film, chez les vivants, les personnages sont parfaitement dessinés. Et c’est pas si évident car on les quitte très vite. Et quand on les retrouve on chiale. Miguel est le jeune héros que Pixar méritait d’avoir, avec ses qualités et ses imperfections. Un Vice-Versa sur le personnage de Miguel, imagine un peu ce que ça pourrait donner. Il y a un discours passionnant sur l’ambivalence rêves/famille, l’abandon et le deuil, sur les vérités qu’on croit détenir, sur les notions d’art, de réussite.

     J’ai d’abord eu peur que le film utilise deux comic-sidekicks trop identifiables, avec le chien Danté et le mort Hector. Quand on sait ce que le récit réserve au second, les doutes sont vite envolés. Déjà ça (l’échange des rôles, l’imposture, le poison…) c’est à te faire chialer. Mais ce qu’on va broder autour d’Hector et de Mama Coco, mamma mia. Difficile de trouver un équivalent mais j’ai un peu l’impression que Fassbinder ou Sirk ont débarqué chez Pixar, si tu vois ce que je veux dire.

     Chez les vivants, « Dia de los muertos » leur donne l’occasion d’offrir des présents (offrandes, fleurs, nourritures) à leurs morts. Afin de revoir leurs descendants, les ancêtres, eux, traversent la douane qui vérifie qu’ils ne sont pas oubliés des vivants, qu’il y a des photos d’eux dans le vrai monde. Afin de revoir les vivants, les morts doivent traverser un pont tout en pétales dorés. C’est le plus beau viaduc qu’on aura vu au cinéma en 2017, après celui, surplombant le village dans La Villa, de Guédiguian.

     Dans le cas tragique où aucune photo d’eux n’orne d’autel, ils n’ont pas accès au pont, ne peuvent même pas forcer la traversée puisqu’ils s’enfoncent dans les pétales comme dans les sables mouvants. Idée absolument vertigineuse qui en amène une autre : Les morts peuvent aussi mourir dans le monde des morts, puisque sitôt qu’on les oublie, ils meurent physiquement à petit feu avant que leur âme, envahie par la tristesse, ne s’évapore à jamais. On savait les studios Pixar inventifs et capables de nous faire chialer en voyant des jouets attirés dans un incinérateur, mais je pensais toutefois pas qu’on irait jusqu’à pleurer la mort des morts.

     Ils passent donc la douane. Ou tentent de passer la douane à l’image d’Hector, qui sent qu’on l’oublie et se déguise en Frida Kahlo – Running-gag absolument génial. Comme souvent chez Pixar quand c’est drôle ça peut aussi être très drôle. Et ce qui est très beau (et pas si gratuit) avec ce gag c’est qu’il rejoint le récit : Dès l’instant que tu te situes dans la mémoire commune, tu ne risques pas de disparaître. Ça dit de belles choses sur l’imposture (déjà au cœur de Là-haut), de ces stars qu’on glorifie pour rien et de ces artistes de l’ombre qui sont les vrais perdants de l’Histoire. Hector en fait partie, le film prendra son temps pour nous le faire comprendre. On peut le sentir venir dès le départ, j’imagine, personnellement j’y ai vu que du feu, pour moi il était très vite évident qu’Ernesto de la Cruz soit l’arrière-grand-père de Miguel, sans doute car j’étais à fond dans le film comme jamais je ne l’avais été dans un Pixar – Voire dans un dessin animé tout court.

     Coco trouve grâce à mes yeux dans sa façon de jouer sur deux registres difficilement conciliables puisque c’est à la fois un film festif et féérique, donc conforme à son idée de base (Le jour des morts) et un mélodrame bouleversant. Le film brise la frontière entre les deux mondes, fait rejoindre les vivants et les morts, perturbe toute notion de temporalité et le tragique « cours normal des choses » comme jamais on l’avait ressenti depuis Titanic. Mama Coco c’est un peu Rose Dawson, avec moins le souvenir d’une passion que celui d’un père. Le dessin est remplacé par une chanson, le bijou par une photo déchirée, mais dans les deux cas c’est un visage tout en rides qui nous transporte dans le vertige du temps.

     Et puis ça pourrait n’être qu’un détail dans les investigations de Miguel lors de sa traversée du monde des morts, mais son guide (Hector) pour voir son ancêtre, lui demande d’emmener une photo de lui pour pas qu’on l’oublie et qu’il puisse un jour revoir sa fille. Cette simple photo, revenue d’entre les morts, était au cœur d’un autre film cette année, le magnifique Carré 35, d’Eric Caravaca. C’était la petite touche en plus, me concernant : Les larmes discrètes allaient se transformer en torrents.

     Pour finir, petite anecdote personnelle. J’y suis allé avec mon fils. Je pense pouvoir dire qu’il s’agit là de notre première vraie claque émotionnelle ensemble dans une salle de cinéma. C’est simple on pleurait tous les deux à la fin. « Papa c’était trop triste » m’a-t-il chuchoté dans l’oreille quand le générique est arrivé. Devant nous se trouvaient un père avec ses trois enfants, deux garçons qui avaient sensiblement le même âge que le mien et une petite fille de huit ans. Elle était inconsolable, complètement défaite, c’était terrible. Et le papa était dans le même état que nous. Punaise, j’avais déjà du mal à gérer l’émotion de mon fils et la mienne alors en gérer quatre, bravo, mec. On a discuté un peu en sortant. Il m’a dit que sa fille avait toujours été comme ça, hyper sensible, hyper empathique. « C’est sa force » a-t-il ajouté. J’ai trouvé ça très beau. Et puis nous bah on a titubé comme ça jusqu’à la maison.

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silencio


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