L’âge des impossibles.
7.0 Il me semble avoir lu/entendu que certains trouvaient Alex Lutz trop vieux pour le rôle. D’une part c’est faux, il a quarante ans lors du tournage et incarne Thomas Edison, un joueur de 37 ans : on a connu des écarts d’âge plus considérables. D’autre part, en quoi ce serait préjudiciable, étant donné que c’est un film qui ne parle que de ça ? Du temps qui passe, du refus de vieillir, de la mélancolie d’une jeunesse dorée, de la décrépitude du corps.
C’est un peu l’antithèse de la success story racontée dans La méthode Williams. Cinquième set c’est l’histoire d’un excellent joueur de tennis qui se démène depuis vingt ans dans les « tréfonds » des classements pro. Il est donc bien plus qu’un grand joueur de club mais pas suffisamment fort pour briguer les Grand Chelem, qu’il est obligé d’entamer par les qualifs à moins de viser la chance d’une wild card.
Cinquième set c’est aussi un superbe portrait de couple fragilisé par leur passion commune mais chaotique du tennis. Lui a dû composer avec une demi-finale de grand chelem atteinte à dix-huit ans sans jamais réussir à briller ensuite et notamment à cause d’une blessure au genou récurrente. Elle qui a dû mettre sa carrière entre parenthèse avec sa grossesse. Le film suit davantage Thomas (excellent Alex Lutz, aussi génial que lorsqu’il incarne Guy) mais ne délaisse jamais Eve (magnifique Ana Girardot).
Le film impressionne dans sa façon d’aborder le tennis. À la fois dans ses images, notamment parce que les matchs sont tournés in situ Porte d’Auteuil. Et aussi parce que Lutz est très crédible en joueur de tennis. Il y avait peut-être mieux à faire dans le découpage des rencontres : le montage est un peu bourrin, les cartons temps et score un peu lourds. Mais dans le match final on ressent la dramaturgie, il y a vraiment quelque chose, aussi grâce à la multiplication de sources d’images : aux côtés de Thomas, dans les gradins, sur la télé ou sur le grand écran place des mousquetaires.
Mais surtout c’est un film qui parle incroyablement bien de tennis. Qui le décrit très bien. Je pense que ça peut être difficile pour le non initié, ne serait-ce qu’en name-dropping et termes techniques lâchés en permanence. Le film mélange par ailleurs assez bien le réel et la fiction, jusqu’à l’utilisation de cette fausse image d’archive voyant Edison perdre en demi-finale de RG en 2001 contre Alex Corretja : J’avais quinze ans seulement mais je me souviens que l’Espagnol sort Sébastien Grosjean à ce tour avant de perdre en finale contre Guga.
Mais au delà de ça, on croit beaucoup en cette semaine de qualifs de Roland Garros. Rien d’étonnant puisque Quentin Reynaud y met beaucoup de lui-même dedans, lui qui était jadis classé 2/6. Si le film raconte beaucoup du tennis, d’un amour indéfectible pour le tennis, quasi mélancolique, il en montre surtout les méfaits, sa capacité de destruction, morale, familiale et physique. On voit beaucoup les cicatrices, bandages, les plaies et notamment les ampoules qui recouvrent en permanence cette main ensanglantée. Si le film s’ouvre sur l’examen médical d’une rotule et se ferme sur une blessure ce n’est pas pour rien.