Archives pour la catégorie Rabah Ameur-Zaïmeche

Terminal sud – Rabah Ameur-Zaïmeche – 2019

24. Terminal sud - Rabah Ameur-Zaïmeche - 2019L’enfer est à lui.

   6.0   Après l’imposante déception que constitua Histoire de Judas (2015), film aussi mal fichu, doctoral qu’ampoulé, je suis ravi de retrouver RAZ un peu plus simple et inspiré, un peu plus lui, en somme. Il y a sept ans, Les chants de Mandrin avait amorcé un étrange virage, beau, abstrait mais dangereux. Terminal sud semble plutôt reprendre là où il se situait au moment de Dernier maquis. Mais une donnée a changé : Si c’est la première fois que l’auteur ne joue pas dans son propre film, c’est aussi la première fois qu’il offre le premier rôle à une star. Ramzy chez Rabah Aimeur-Zaïmeche, sur le papier c’est un joli Kamoulox – même s’il était déjà présent dans Bled number one – mais dans les faits ça fonctionne, pour la simple et bonne raison que l’acteur ne vampirise jamais le film, au contraire il s’y fond au point qu’on oublie qu’il est Ramzy. Il joue et il est ce médecin hospitalier passionné mais au bout du rouleau.

     Terminal sud a ceci de singulier qu’il est un film sans lieu, sans temporalité. Est-ce l’Algérie ? La France ? Hier, aujourd’hui, demain ? On n’en saura rien. On sait juste qu’il se déroule quelque part autour de la Méditerranée. L’abstraction a toujours fait partie intégrante du cinéma de RAZ, on se souvient de ce magnifique mur de palettes rouges, infranchissable, dans son meilleur film Dernier maquis. Dans ce drôle d’espace-temps, c’est le chaos. On ne sait plus très bien à qui se fier. Un bus est arrêté par des militaires à un barrage, ses occupants tous menacés et dépouillés, sans sommations. Un médecin reçoit plusieurs menaces de mort. Des journalistes sont enlevés, d’autres tués. Des terroristes sont retranchés dans la montagne comme des maquisards. Il faudra aussi passer par une scène de torture, avant que l’on rencontre Charly, une providence cachée dans une campagne qui ressemble à La Camargue.

     C’est un beau film, mais il lui manque une aspérité romanesque. On sent que RAZ l’écrit mais s’y refuse, lui préférant quelque chose de plus indomptable, en apesanteur, qui délivre des échos, et s’avère in fine assez superficiel – la relation conjugale, l’assassinat d’un proche – qui ne touche jamais vraiment alors que tout est là pour être absolument bouleversant. En fait, on a la sensation que le film se refuse à percer la carapace de ce toubib, à comprendre le pourquoi de son entêtement (Est-ce pour saluer la résistance de son père ?) le laissant dans une opacité un peu triste, distancée, face à l’oppression et l’obscurantisme général. Mais comme d’habitude avec RAZ – qui propose là son sixième film en vingt ans – le film bien qu’assez diffus, impénétrable, flottant est émaillé de fulgurances. C’est sa force.

Bled Number One – Rabah Ameur-Zaïmeche – 2006

Bled Number One - Rabah Ameur-Zaïmeche - 2006 dans Rabah Ameur-Zaïmeche 18614086

     6.5   Bled Number One, son second long métrage, est plus éthéré. Le cinéaste s’affranchit des lois de la rue où les désespérés s’insurgent contre les flics (si ce n’est plutôt l’inverse), pour nous confronter à un environnement moins clos, plus naturel, finalement davantage axé sur les problèmes liés au bled, où les hors-la-loi prennent le pouvoir en nombre, et où les désespérés n’ont plus qu’à suivre ou se la boucler.

     En fait il y a deux histoires principales qui se recoupent dans Bled Number one. Celle de cette jeune femme que son mari et sa famille rejètent parce qu’elle veut tout quitter pour s’adonner à la chanson, et celle de cet homme (encore le cinéaste) rentré au pays après un séjour en France, qui ne voit aucune issue possible, aucun avenir le concernant.

     Les cadrages sont magnifiques. De nombreux moments sont grandioses, en particulier cette fin, en pleine campagne sous un soleil de plomb, ouverte et qui appelle un certain optimisme. Néanmoins c’est probablement celui des trois qui me touche le moins.

Wesh Wesh qu’est-ce qui se passe ? – Rabah Ameur-Zaïmeche – 2002

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     6.5   Wesh Wesh qu’est ce qui se passe ? est le premier film du cinéaste Rabah Ameur-Zaïmeche et déjà c’est un cinéma qui s’engage, un cinéma qui utilise des détours poétiques pour se centrer socialement.

     Et déjà, le cinéaste joue dans son film. C’est Kamel, qui de retour dans sa banlieue parisienne après avoir purgé cinq ans de prison et deux années d’expulsion, essaie tant bien que mal de se frayer une place dans la société, de se trouver une identité, en étant à la recherche d’un boulot, d’abord par intérim puis auprès d’un ami de son père, devenu patron. Mais il se heurte à un rejet permanent qui met en cause son casier et le fait qu’il soit sans papiers.

     Wesh Wesh est un film frontal, très violent, sans concessions mais d’emblée la caméra saisi quelque chose d’assez unique, flotte entre ces murs de cité, de jour et de nuit, par beau ou mauvais temps, dans ces familles ou dans ces groupes, dans cette constante opposition entre les flics et les gens de la rue, et offre des images éblouissantes et symphoniques.

Dernier Maquis – Rabah Ameur-Zaïmeche – 2008

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   8.5   Ce film apparaît comme l’évolution adéquate dans la petite mais déjà imposante filmographie de Rabah Ameur-Zaïmeche. Car même s’il retrouve « l’espace clos » de son premier film, à savoir qu’ici les immeubles aux étages infinis ont été remplacés par un lieu de travail recouvert de palettes rouges, le grain de l’image est lui plus proche de son précédent film, dans cette démarche plus lente, plus lyrique d’aborder l’espace. Mais quelque chose a cependant bien changé. Son cinéma gagne un grade de plus, prend davantage aux tripes et se veut plus profond, peut-être plus écrit. Comme le dit RAZ lui-même, c’est un film sur la religion et le prolétariat, un film sur l’islam et le travail, voir l’islam au travail.

     Très loin des clichés habituels, le cinéaste s’improvise ici personnage patron d’un chantier (« s’improvise » car d’origine ce rôle n’était pas pour lui mais pour un acteur connu qui s’est désisté deux jours avant le début du tournage) qui décide d’ouvrir une mosquée, de façon à réunir ses employés, mais ce sera lui qui en désignera l’imam et poussera les non musulmans à se convertir.

     Parabole du chef d’entreprise, RAZ pousse la réflexion encore plus loin, ou du moins nourri une certaine ambiguïté qui n’aurait de cesse d’occuper le film en son entier, en présentant un personnage parfois antipathiques, parfois attachant, de même que des mécanos compréhensibles mais pas non plus irréprochables dans leur démarche auprès des ouvriers, et des ouvriers alors précarisés loin d’être exempts de lâcheté. D’autant que certaines séquences à l’appui (celle du ragondin par exemple) sont très déstabilisantes puisque le cinéaste parvient à changer notre perception, notre jugement sur ces personnages en une fraction de seconde. Et évidemment cet épisode est chargé de symboles politiques.

     Et quand RAZ décide d’employer le hors champ concernant son personnage (sur la barque, à la mosquée) il réussit quelque chose d’inouï, presque d’inespéré. Le patron est là et en même temps ne l’est pas. C’est très fort. De la même manière il y a une absence totale de femmes (une question qui occupa de la place à tort pendant le débat) car je cite le cinéaste « Faire apparaître une femme dans le récit aurait été nuisible car on aurait embrayé sur un autre film, et la seule femme qui aurait pu être ici ç’aurait été le personnage de Mao, mais je tenais trop à ce rôle après coup ! »

     Vous l’aurez compris, Dernier Maquis est selon moi bien meilleur que les deux autres. Quoique 1h30 durant j’aurais parlé de très bon film et non de grand film, avant qu’apparaisse ce dernier plan symboliquement chargé, et ce générique final sous cette musique originale hallucinante, rythmée par le bruit des palettes, grandiose d’un type dont j’ai oublié le nom, mais qui est un génie!


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silencio


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