L’enfer est à lui.
6.0 Après l’imposante déception que constitua Histoire de Judas (2015), film aussi mal fichu, doctoral qu’ampoulé, je suis ravi de retrouver RAZ un peu plus simple et inspiré, un peu plus lui, en somme. Il y a sept ans, Les chants de Mandrin avait amorcé un étrange virage, beau, abstrait mais dangereux. Terminal sud semble plutôt reprendre là où il se situait au moment de Dernier maquis. Mais une donnée a changé : Si c’est la première fois que l’auteur ne joue pas dans son propre film, c’est aussi la première fois qu’il offre le premier rôle à une star. Ramzy chez Rabah Aimeur-Zaïmeche, sur le papier c’est un joli Kamoulox – même s’il était déjà présent dans Bled number one – mais dans les faits ça fonctionne, pour la simple et bonne raison que l’acteur ne vampirise jamais le film, au contraire il s’y fond au point qu’on oublie qu’il est Ramzy. Il joue et il est ce médecin hospitalier passionné mais au bout du rouleau.
Terminal sud a ceci de singulier qu’il est un film sans lieu, sans temporalité. Est-ce l’Algérie ? La France ? Hier, aujourd’hui, demain ? On n’en saura rien. On sait juste qu’il se déroule quelque part autour de la Méditerranée. L’abstraction a toujours fait partie intégrante du cinéma de RAZ, on se souvient de ce magnifique mur de palettes rouges, infranchissable, dans son meilleur film Dernier maquis. Dans ce drôle d’espace-temps, c’est le chaos. On ne sait plus très bien à qui se fier. Un bus est arrêté par des militaires à un barrage, ses occupants tous menacés et dépouillés, sans sommations. Un médecin reçoit plusieurs menaces de mort. Des journalistes sont enlevés, d’autres tués. Des terroristes sont retranchés dans la montagne comme des maquisards. Il faudra aussi passer par une scène de torture, avant que l’on rencontre Charly, une providence cachée dans une campagne qui ressemble à La Camargue.
C’est un beau film, mais il lui manque une aspérité romanesque. On sent que RAZ l’écrit mais s’y refuse, lui préférant quelque chose de plus indomptable, en apesanteur, qui délivre des échos, et s’avère in fine assez superficiel – la relation conjugale, l’assassinat d’un proche – qui ne touche jamais vraiment alors que tout est là pour être absolument bouleversant. En fait, on a la sensation que le film se refuse à percer la carapace de ce toubib, à comprendre le pourquoi de son entêtement (Est-ce pour saluer la résistance de son père ?) le laissant dans une opacité un peu triste, distancée, face à l’oppression et l’obscurantisme général. Mais comme d’habitude avec RAZ – qui propose là son sixième film en vingt ans – le film bien qu’assez diffus, impénétrable, flottant est émaillé de fulgurances. C’est sa force.