Archives pour la catégorie René Laloux

La planète sauvage – René Laloux – 1973

41   6.0   Sans connaître le matériau d’origine, on voit bien ce qui a motivé Laloux et Topor dans l’univers dépeint par Stephan Wul. Enfin on discerne aisément en quoi il constitue une suite directe à leurs travaux précédents aussi courts soient-ils. La difficulté c’était donc de passer le cap du long métrage et je dois bien avouer que la mission ne m’a que partiellement séduite. Il y a au-delà du dessin qui personnellement me gêne un peu (Moins le papier à découpé que ses formes, ses couleurs, sa profondeur) de gros problème de rythme. Le film est certes habité par une poésie morbide dans la lignée du Voyage dans la lune de Méliès (auquel j’ai beaucoup pensé) mais il lui manque une ambiance, une découpe, une ossature ténues sur l’heure dix que dure ce long métrage. Pourtant, le récit est passionnant : Sur une planète imaginaire, des humains sont réduits à être les animaux domestiques de gigantesques créatures nommées Draags, qui ont un développement plus lent que les Ohms. Bientôt, ces derniers, rendus à l’état sauvage se rebellent. On sait que la production fut laborieuse, que cela a pris des années, que tout fut tourné dans les studios d’animation de Prague. Mais c’est compliqué. Autant sur dix minutes, Les escargots dévoilait une vraie dynamique et des trouées brèves très fortes autant là, ces fulgurances sont noyées parce que ça manque de fraîcheur, qu’on perçoit trop l’écriture, que le film se disperse autant que le Dune de Lynch se dispersera quelques années plus tard en gros. C’est dire combien la science fiction au cinéma est un genre difficile à appréhender et à digérer – Cela même si La planète sauvage demeure un fait unique dans l’histoire de l’animation SF à la française. Reste donc parfois quelques beaux instants (dont on voudrait qu’ils s’étirent, qu’ils se lovent dans l’ambiance musicale de Alain Goraguer) surtout dans certains plans d’ensemble (qui bien qu’ils reprennent les planches de Topor, rappellent le trait de Moebius, qui fera plus tard le story-board des Maîtres du temps) ou dans la violence qui parfois émane brutalement, au travers de longues scènes de génocide.

Les escargots – René Laloux – 1965

Les_Escargots-300x200   5.5   Laloux retrouve Topor et la couleur pour signer ce conte fantastique dans lequel des escargots géants menacent une ville toute entière. Au départ, à l’orée de la ville, un paysan tente de faire pousser des salades. L’infinie sécheresse l’en empêche. Triste, il pleure. Et se rend compte qu’au contact de ses larmes, les salades poussent, grandissent à l’infini. Jusqu’à attirer les gastéropodes à coquille qui se régalent et deviennent bientôt des prédateurs aux proportions similaires, qui vont détruire l’environnement. C’est un film très beau, très violent aussi, apocalyptique, accompagné par une bande sonore qui se marie idéalement avec ce que l’on voit, doté d’images parfois saisissantes, qui plus est pour l’époque, dans le domaine du cinéma d’animation.

Les temps morts – René Laloux – 1964

68   4.0   Remarqué par la causticité de son premier court, Laloux est approché par le graphiste Roland Topor, avec lequel il co-écrit un nouveau scénario sur les dérives des hommes, son attrait pour la violence, dès l’enfance jusqu’à sa mort, en passant par les guerres, les crimes divers que l’on punit par la peine de mort. Le film alterne cette fois des dessins à peine animés, tout en noir et blanc avec de vraies vidéos de guerre. C’est un peu comme si Poe avait rencontré Epstein. C’est évidemment très noir. Son humour, essentiellement.

Les dents du singe – René Laloux – 1960

65   4.0   L’histoire d’un homme qui va chez le dentiste pour se faire arracher une dent sans savoir que le dentiste en question vole les dents aux pauvres pour les donner aux riches. La particularité de ce court métrage, outre qu’il s’agit du tout premier film de René Laloux, c’est d’être écrit au moyen d’une improvisation collective par les patients de l’hôpital psychiatrique de Cour-Cheverny dans lequel Laloux y travaille en tant que moniteur artistique (il y tient notamment des ateliers de peinture, marionnettes, ombres chinoises). Le dessin (des planches de papier découpé) ressemble à celui d’un enfant, il est coloré, approximatif. L’animation est saccadée. C’est assez enfantin, pourtant, au détour d’un rythme singulier et d’un récit troublant, il s’extraie du film une noirceur absolue.


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silencio


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