Archives pour la catégorie Richard Linklater

Hit man – Richard Linklater – 2024

05. Hit man - Richard Linklater - 2024Double vie.

   5.0   Un prof de philo arrondit ses fins de mois en effectuant planques et missions d’infiltration pour la police de la Nouvelle Orléans. C’est le quotidien de Gary, un homme seul, qui s’occupe aussi de ses deux chats et ses plantes. Lorsqu’il doit jouer les tueurs à gages et coincer n’importe quel quidam commanditaire, ce quotidien si huilé change, Gary devient Ron. Enfin, surtout lorsqu’il rencontre Madison, qui veut faire tuer son mari, et pour laquelle il s’amourache. C’est pas mal hein, c’est frais, il y a d’ailleurs quelques jolies scènes (celle sous écoute, par exemple), de bons personnages (Jasper, évidemment) mais je cherche encore Linklater là-dedans. C’est vraiment un film tout ce qu’il y a de plus anecdotique, une rom’com jamais désagréable, jamais passionnante non plus.

Apollo 10½, A space age childhood – Richard Linklater – 2022

15. Apollo 10½, A space age childhood - Richard Linklater - 2022Objectif lune.

   8.0   Difficile de savoir jusqu’à quel point Apollo 10½ est autobiographique mais Stanley, le jeune héros du film, est né en 1960 à Houston. Tout comme Richard Linklater. Pour son retour à l’animation par rotoscopie (quinze ans après A skanner darkly) le réalisateur de Boyhood joue sur un terrain proche de celui de Paul Thomas Anderson et Quentin Tarantino, respectivement pour ces deux merveilles que sont Licorice Pizza et Once upon a time in Hollywood : il retrouve l’atmosphère de son enfance et livre un pur film-fantasme, à travers le portrait d’un garçon de dix ans, engagé par la NASA pour intégrer la mission Apollo.

     C’est du pur Linklater donc moins un film sur Apollo et les projets lunaires que sur le quotidien d’une famille des suburbs de Houston dans les années 60. Une chronique à la fois documentée et fantasmée. Une collection de petits instants, de souvenirs, de gestes, de films, de chansons, de programmes télévisés. Fétichiste mais jamais passéiste tant la voix off (Celle du garçon, d’aujourd’hui) y évoque sans cesse le Vietnam et la surconsommation, entre autre. Un régal.

Before midnight – Richard Linklater – 2013

Before midnight – Richard Linklater - 2013 dans Richard Linklater before-midnight-image “Still here, still here, still here. Gone.”

   7.0   Before Midnight est construit autour de cinq grandes séquences. Cette fois il n’y a plus de compte à rebours, la rencontre (Sunrise) et la retrouvaille (Sunset) ont cédé le pas au bilan conjugal. On pense beaucoup à Voyage en Italie – Rien d’étonnant à voir Céline chercher le titre du film de Rossellini auquel leurs déambulations dans les ruines lui font penser. Si la Grèce remplace l’Italie, dans les deux cas il s’agit de se confronter aux ruines. Dans Before sunset il nous fallait accepter, non sans douleur, que chacun avait pu faire sa vie de son côté ; Que Jesse, notamment, avait une petite fille. Il faut dorénavant composer avec le fait qu’ils aient deux filles de leur union. Qu’ils soient mariés, mais que leur couple bat de l’aile. Cet instant de pause, parenthèse en Péloponnèse est touché par les regrets, l’amertume de certains engagements, des chemins de vie qu’on avait espéré autrement. Cette superbe trilogie contient probablement les plus douloureux hors champ de l’histoire du cinéma car c’est in fine une histoire sur vingt ans, avec ses vides et ses réunions, dont on ne verra que trois jours. Before midnight est une réussite totale avec ces dialogues toujours aussi profonds et sophistiqués, ces déambulations infinies, ces rires, ces cris, ces larmes. Mais cette fois l’éphémère contient aussi la douleur de l’éternité. Le titre fait référence au couple qui semble approcher de son crépuscule, dans une impasse insoluble. C’est très beau. Linklater ferme donc l’œuvre de sa vie. Nul doute que Céline & Jesse vont autant lui manquer à lui qu’à nous. 

Before sunset – Richard Linklater – 2005

13238920_10153684280317106_8557856404582710195_nJust a time.

   8.5   Richard Linklater a tourné Before sunset neuf ans après Before sunrise. Avec les mêmes acteurs. Les mêmes personnages. Céline et Jesse, toujours. Il s’agit de leurs retrouvailles. Neuf ans plus tard. Linklater est tellement attaché à l’unité de temps qu’il ne peut mentir sur son utilisation. Ils avaient la vingtaine, ils ont désormais la trentaine. Elle travaille pour une asso écolo, lui vient d’écrire un bouquin. Il est de passage à Paris pour le promouvoir. Evidemment, le livre raconte sa rencontre d’une nuit. La fameuse nuit de Before sunrise. Une fiction est toujours un peu autobiographique, revendique t-il aux journalistes venu le questionner sur une éventuelle assimilation entre lui et son personnage. Le ton est donné par quelques flash-back discrets, lumineux du premier film. Ils sont dans sa mémoire autant que Céline appartient à son passé. Avant qu’elle n’apparaisse, là, dans l’embrasure d’une fenêtre, venu le féliciter (Elle connaît cette librairie et avait donc eu vent de sa venue pour dédicaces) et le retrouver. De flash-back il n’y en aura plus. De séparation entre Céline et Jesse non plus. Before sunset est une longue marche en temps réel dans Paris, en attendant que Jesse reprenne son avion pour New York, avant le coucher du soleil. Une marche dans un parc, dans des rues. Arrêtée, par deux fois, dans un bar puis dans l’appartement de Céline. Ou via le transport : Un bateau-mouche ou un taxi. Chacun évoque ce qu’il est devenu, professionnellement. Puis plus intimement. On apprend que Jesse est marié, père d’un enfant de quatre ans. La temporalité est très difficile à identifier d’ailleurs. On peut d’abord pensé qu’il s’agit de quelques mois, le temps d’écrire un livre. Puis il y a cet enfant. Avant que Céline et Jesse ne s’interrogent sur le nombre d’années entre Vienne et Paris. Car oui, nous ne sommes plus en Autriche. Le rendez-vous (des 6 mois plus tard) fut manqué. Une cruelle affaire de décès familial. Vienne s’est évaporée, un peu à la manière de cette nuit de rêve dont le souvenir commun qu’ils en ont divergent. Paris devient ce sublime terrain de retrouvailles, filmé avec la même grâce (qu’avait été filmée Vienne, neuf ans plus tôt) par la caméra de Richard Linklater. Les confidences se font de plus en plus grave. Le rapprochement de plus en plus inéluctable. Il faudra un long plan dans une cage d’escalier, filmé comme l’était celui du magasin de disque dans Before sunrise. Puis une valse jouée à la guitare. Puis Nina Simone. Linklater ne ferme pas son film comme il fermait le précédent, sur la succession d’endroits traversés, désormais vides. Il laisse Jesse, émerveillé, sur le canapé. Il laisse Céline en train de danser. Il nous donne les clés. Il nous offre leur future idylle. Before sunset est une merveille. Une de plus signée Richard Linklater.

Before Sunrise – Richard Linklater – 1995

35Céline et Jesse vont en bateau.

   8.5   Dans le wagon d’un train, Céline est en train de lire. Gênée par le bruit d’un couple en pleine scène de ménage à ses côtés, elle change de place et s’assied plus loin, en face de Jesse, qui lit aussi. Quelques regards furtifs l’un envers l’autre plus tard, les voilà s’adressant la parole, puis s’engageant dans de longues conversations et confidences intimes. Ils ne lisent plus. Le temps est suspendu ; Expression que l’on utilise facilement pour évoquer un embryon de romance, pourtant ce ne sont pas que des mots ici tant Linklater (Immense cinéaste, définitivement) s’intéresse à la temporalité (et forcément, à sa suspension) plus que n’importe quel autre cinéaste.

     Le temps fait partie du dialogue qui se crée régulièrement entre Céline et Jesse. Le temps est aussi une donnée de fond puisque l’on sait que leur rencontre est perturbée par leurs obligations respectives – Céline s’en va pour Paris, Jesse pour New York, par avion, via Vienne. Ville qui sera le lieu de cette parenthèse, d’un bout à l’autre du film, avant que Céline ne reprenne le train et Jesse l’avion. Et avant Vienne il y a donc ce train, vecteur à la fois géographique et temporel, comme s’il permettait à deux êtres qui ne devaient pas se croiser, de se connaître, d’accepter l’imprévu et de s’aimer.

     La première séquence à Vienne se déroule sur le pont d’un chemin de fer – Un croisement de routes, lignes, horizons, inéluctablement. Céline et Jesse, en quête d’un lieu à visiter, tombent sur deux types les invitant à leur représentation théâtrale le soir même à 21h30 – 9.30Pm. Quelques minutes plus tôt, Jesse disait devoir prendre son vol de 9h30 le lendemain. Ce n’est pas grand-chose, c’est même assez inutile, mais cela crée une passerelle étrange au sein d’une temporalité complètement distordue, le temps de 12h, une nuit, une balade, un film. Before sunrise est une succession de lieu Viennois traversés, toujours accompagné par cet échange infini entre Céline et Jesse, alternant un silence embarrassé (l’écoute musicale chez un disquaire, plus belle scène du film) ou un flot de parole ininterrompue (le tramway) ; Dialogues prenant souvent élan dans le jeu : Il s’agit ici de se poser une question chacun son tour et d’y répondre, là de faire mine de téléphoner à un(e) ami(e) et de lui raconter sa brève rencontre.

     C’est un film que je chérissais avant de le découvrir. Depuis deux ans, j’ai vraiment fait connaissance avec le cinéma de Richard Linklater, qui me touche énormément, qui plus est lorsqu’il s’attache à travailler la temporalité sous toutes ses formes (Boyhood, une vraie révélation). Je savais que Before sunrise était le premier d’une série de deux (puis trois) films qui s’intéressait à la rencontre entre un homme et une femme, avec les mêmes interprètes, sur cinq (puis quinze) ans. Et bien ce fut le moment que j’espérais, parfois même en mieux. Je ne pensais pas que Julie Delpy et Ethan Hawke camperaient ce couple avec autant de grâce. Je les adore, sans réserve. Eux autant que leur personnage.

     Et puis quand le film vient se fermer sur un adieu qui n’en est plus vraiment un (Ils avaient accepté le caractère éphémère de leur rencontre mais décidé à la dernière seconde de se revoir au même endroit six mois plus tard) avant de nous laisser sur la succession des lieux que l’on vient de traverser, désormais vides et silencieux, je n’avais plus que mes yeux pour pleurer. Comme Jesse qui dit, à l’aurore, dans un moment d’amertume, qu’ils sont de retour dans le monde réel, je vais moi aussi revenir dans le mien et savourer le moment où je replongerai à leurs côtés pour cette suite qu’est Before sunset.

School of rock – Richard Linklater – 2004

School-of-Rock-2“No way! That’s so punk rock.”    

   8.5   Je suis très sensible au cinéma de Linklater, de plus en plus. Je ne sais pas si c’est une passade, mais c’est pile ce que j’ai envie de voir ces temps-ci – cette année. Je suis en revanche nettement moins sensible au jeu de Jack Black, à priori. C’est donc avec une curiosité sceptique que je me suis lancé dans School of rock (oublions le titre utilisé chez nous) qui prenait gentiment la poussière sur une étagère. Et nom d’un petit bonhomme, c’est absolument génial ! Assurément même, l’un de mes futurs films de chevet. La réussite insolente du film qui réussit à peu près tout ce qu’il entreprend, ne tient pas qu’à la présence de Jack Black – absolument extraordinaire ici et je pèse mes mots, à tel point que ça effacerait d’un trait toutes ses autres prestations qui jusqu’ici m’avaient gonflées – mais beaucoup à lui, quand même, malgré tout. Cette énergie qu’il parvient à insuffler à chaque scène, la douce euphorie qu’il génère autour de lui, ses penchant one man sans en faire trop, ce statut de looser magnifique qu’il égrène avec brio relayé par un coup du sort improbable, l’aisance de son jeu dans les circonstances les plus incommodantes (chanter, jouer, danser) et la tendresse de son personnage de manière générale. Franchement, il m’a bluffé. Ça aurait pu être suffisant. Mais même pas et tant mieux.      School of rock est un super film de mise en scène. C’est fou comme de film en film et sur des sujets qui n’ont à priori rien à voir entre eux, Linklater impose son style, étoffe chaque situation par sa science de l’écriture et du découpage et réussit à donner à chacun des personnages – gosses compris, surtout eux qui plus est – une densité de jeu, de caractère, bref une présence indéniable. Tout son cinéma se résume dans cette fusion : Une somme d’individualités passionnantes se révélant à l’intérieur d’un tout. C’était ça dans la dilatation temporelle de Boyhood, le récit volontiers choral de Fast food nation ou la trajectoire initiatique de Dazed and confused. Léger en apparence, complexe dans sa profondeur. Faire de cette multiplicité une globalité magnifique, juste et émouvante. Et School of rock a peut-être ce truc supplémentaire d’être aussi un bel objet théorique sitôt qu’on le replace dans l’approche cinématographique de Linklater en général. Puisque le groupe est le sujet même du film. Jack Black y campe en effet un prof imposteur qui veut faire de sa classe un groupe de rock, avec un guitariste, un batteur, un synthé, une basse. Sans oublier le chant, la lumière, la sécurité, le management et j’en passe. Chacun des élèves aura une place à part entière, chaque personnage existera, évoluant même au gré des envies, doutes, requêtes, bouleversements en tout genre. Linklater aurait pu en faire une série – Je le verrai bien évoluer sous ce format, d’ailleurs.      C’est donc passionnant à tous les niveaux. C’est rythmé, c’est drôle, c’est osé. Le « I have been touched by your kids… and I’m pretty sure that I’ve touched them.” Sérieux ? Qui ose ça ? Et puis c’est un peu le même film que Dazed and confused, dans la mesure où l’univers cadenassé est souillé de l’intérieur en faisant succomber l’ennui et la crainte par l’abandon et l’épanouissement, dans lequel les personnages de McConaughey dans l’un et Jack Black dans l’autre pourraient être le miroir l’un de l’autre, à la différence que le premier rejouait l’ado pour un soir tandis que le second est resté cet ado-là. Ce qui n’empêche pas le film, au contraire, au moyen de son utopie flagrante (dérider l’institution, contourner les lois, laisser le parent hors-champ) de replacer son récit dans un contexte réaliste. La fin est très belle à ce titre. Et puis bon, c’est un peu l’un des plus beaux génériques de fin ever – Avec celui d’Inland empire. Qui va d’ailleurs jusqu’à rejouer malicieusement cette dimension théorique sans la surjouer, offrant à chacun sa part de scène, jusqu’aux plus jeunes, nouvelle recrues anonymes initiés par cet ami sur le retour, qui a trouvé comment combiner son confort et son rêve. C’est un grand film de transmission. Et puis c’est un peu un rêve, tout ça, quoi : Avoir une matière en primaire qui t’enseigne l’histoire du rock, avec un prof aussi cool. Bref, c’est très beau. Et puis c’est fou car on voit tout venir dans les grandes lignes, ou presque, mais c’est tellement bien écrit que c’est toujours surprenant. Je ne suis pas prêt d’oublier cette petite classe. Et ravi d’avoir enfin découvert un Jack Black à la juste valeur de son jeu. Quant à Linklater je pense pouvoir officiellement dire que c’est l’un des cinéastes américains en activité qui compte le plus à mes yeux. 

Fast food nation – Richard Linklater – 2006

Fast food nation - Richard Linklater – 2006 dans Richard Linklater Fast+Food+Nation+I     6.0   J’aime beaucoup le style Linklater de manière générale. Les séquences sont étirées comme il faut, l’écriture est fine et sa considération de l’acteur est tellement à l’opposé de l’Entertainment hollywoodien que ça fait du bien, les apparitions de Bruce Willis voire Avril Lavigne se fondent merveilleusement dans le moule par exemple. Je ne trouve pas ça inoubliable, loin des claques Boyhood et Dazed and Confused, mais je continue de découvrir le cinéma de Linklater avec beaucoup de plaisir.

Génération rebelle (Dazed and confused) – Richard Linklater – 1993

Génération rebelle (Dazed and confused) - Richard Linklater - 1993 dans Richard Linklater 6131_photo_scale_600xautoSchool’s out for summer.

   8.0   Avant l’été dernier je ne connaissais Linklater que de nom et encore.  Depuis que j’ai vu cette merveille qu’est Boyhood et que je le sais auteur de la trilogie Before qui me fait de l’œil depuis un moment, je veux tout voir. Autant commencer par le début. Génération rebelle, dont on préfèrera le titre original plus classe et rock’n roll Dazed and confused, suit pendant la dernière journée de l’année scolaire, dans un lycée du Texas, une vingtaine de personnages (dont le temps accordé est assez bien réparti, ce qui rare dans un film d’une heure et demie) entre le traditionnel bizutage des plus jeunes par leurs séniors à coup de batte de cricket dans le cul chez les mecs et barbouillage ketchup/mayo chez les meufs, avant la grande soirée de fin d’année attendue, entre flirts, beuverie, fumette et connerie en tout genre. Le récit se déroule en 1976. Et c’est plutôt étrange de le voir après Kids, d’autant que les deux films sont sorti à deux ans d’intervalle, car bien qu’on ne soit pas dans le même Etat, l’époque représentée crée un décalage faramineux, dans l’approche fiévreuse de la quête du plaisir instantané. Au-delà de son aspect désinvolte, le film capte à merveille un certain état de cet âge bâtard, insouciant, cruel. Un chambre d’ado, la voiture, la salle de billard, un coin de forêt, le terrain de base-ball sont autant de petits théâtres où toutes ces entités fusionnent, ces générations décalés se collisionnent. Il y a notamment ce personnage fantomatique joué par notre future True détective, qui campe un ancien du bahut, dorénavant discret petit employé, qui revient pour semble-t-il raviver un peu de ces glorieux souvenirs. Il est de ceux qui ne veulent pas grandir, fier d’être plus âgé mais accablé de ne plus appartenir à aucun groupe quand Mike (Adam Goldberg) pourrait être le représentant parfait de ceux qui voudrait que cet âge soit déjà derrière. Mais le film n’est jamais dans la psychologie, il la refuse entièrement, au contraire de Hugues qui y glissait imperceptiblement dans The breakfast club, via la séquence de confidences générales. Au moyen de quelques saynètes parfois brèves, parfois plus étirées (en cela je trouve cela très proche de Boyhood dans sa conception) le film saisit une forme de malaise adolescent, les relais de générations, la proximité entre frangins. Pourtant le film sait aussi être très drôle, traversé par de petits détails savoureux, une écriture inspirée. Cette physionomie insaisissable qui le caractérise et l’empêche d’être coincé dans une posture didactique, lui permet de saisir au mieux des instants, des instincts, des postures au présent, souvent inconséquentes. C’est une sorte de croisement parfait entre American graffiti et Superbad. Et puis là aussi, autre coïncidence troublante avec le film de Clark, c’est une petite fabrique de futures stars (Ben Affleck, Milla Jovovich, Parker Posey ainsi que les deux suscités). Et la bande-son envoie du bois.

Boyhood – Richard Linklater – 2014

boyhood-ellar-coltraneCasting a glance. 

   9.5   Au-delà de cet aspect ovni que le film trimballe forcément en trophée, il faut saluer les partis pris du réalisateur qui utilise cette singularité pour saisir des instantanés sans jamais tomber dans les affres du mélo familial chargé. On peut en effet parler de chronique. Il sera peut-être même très difficile de le réemployer après ça.

     Boyhood suit Mason durant quelques douze années de son existence, aux côtés de sa grande sœur mais aussi entre des parents divorcés. Jusqu’à sa majorité, en gros. Au départ, il se fait réveiller à coup d’oreillers dans la tronche par sa frangine qui lui assène du Britney Spears en pleine nuit. A la fin, il s’installe aux côtés de son coloc dans une chambre du campus. Le film était en tournage depuis autant de temps, soit depuis 2002. Les acteurs récurrents sont donc systématiquement les mêmes. Ethan Hawke et Patricia Arquette, père et mère donc. Ellar Coltrane et Lorelei Linklater, frère et sœur. Entre autre.

     L’idée de voir vieillir ces acteurs – les parents j’entends – est aussi forte que celle de voir grandir les enfants. Pour les uns, les traits se durcissent, pour les autres ils se définissent. Ce n’est pas tous les jours que l’on verra dans une même projection, une Patricia Arquette quasi au sortir de Lost Highway puis celle qu’elle est aujourd’hui, 46 ans au compteur. Idem pour les jeunes. Que Linklater ait choisi de donner le rôle de Samantha à sa propre fille ajoute quelque chose de fort dans sa fascination pour la transformation à l’écran, que seul le temps peut vraiment représenter. Plus que le maquillage ou les relais d’interprètes. Lorelei Linklater pourra se voir grandir durant toute sa vie à l’écran, dans une fiction, comme le pouvait Jean-Pierre Léaud via Doinel par exemple. Mais cette fois-ci dans un seul film.

     Après, Boyhood s’intéresse plus particulièrement à Mason. Il cartographie quelques banalités de son évolution. Entre déménagements (le film me faisait au départ beaucoup pensé au sublime Tendres passions de James L. Brooks) et interactions avec ses parents ou les enfants de son âge. Voyages dans la GTO de son père. Tendres moments isolés avec sa mère. Puis plus tard, cette passion solitaire pour la photo. Les premiers flirts. Rien de mémorable au sens spectaculaire du terme. Le film n’est qu’une somme de ces instants, plus ou moins passionnants d’ailleurs, plus ou moins bien écrits aussi. Mais c’est l’équilibre de l’ensemble qui compte et il faut reconnaître que pris dans sa globalité, c’est superbe.

     Boyhood m’a par ailleurs fait penser à un film de James Benning, Casting a glance. Leur démarche, qu’importe si les idées formelles et matérielles sont éloignées, sont similaires. Benning a en effet filmé une spirale de cailloux sur un lac pendant quarante ans. Tous les deux ou trois ans, quelque chose comme ça. Le film proposé n’est qu’une succession de plans de cette jetée, qui se transforme continuellement, apparaissant ou disparaissant au fil du temps, suivant le niveau des eaux. Chez Linklater, ce sont les coupes de cheveux qui guident les ellipses, les maigres changements des visages, les quelques modifications de l’environnement du jeune homme. Dans les deux films, on ressent comme rarement cet impondérable continu, cette impression que le temps, même dilué dans une certaine quiétude (je trouve que le Linklater est un film hyper apaisant, je ne m’attendais pas à ça), prend des allures frénétiques, renforcé ici dans un magnifique autant qu’il est bref dialogue parental et la détresse d’une mère qui se rend compte que tout a filé sans qu’elle ne s’y soit réellement préparé. Evoquer la mort de cette façon-là prouve une fois de plus l’humilité et la lucidité de ce beau geste de cinéma. Il faut à tout prix que je me jette sur sa fameuse trilogie.


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