Archives pour la catégorie Robert Zemeckis

Here – Robert Zemeckis – 2024

07. Here - Robert Zemeckis - 2024Fenêtre sur salon.

   5.5   À l’origine il y a un roman graphique – que je rêve de lire – du même nom, signé Richard McGuire. L’idée c’est d’abord un lieu. Plus inédit, l’autre idée c’est un angle inchangé. Ainsi, les cases (chez McGuire) et les plans (chez Zemeckis) sont observés d’un point de vue identique et immobile. Il s’agit donc du récit d’un lieu, à des époques variées, selon un ordre non chronologique. Idée géniale qui semblait bien casse gueule à l’écran, surtout venant de Zemeckis, qui n’est pas un spécialiste du plan fixe.

     C’est un film courageux et hybride en ce sens qu’il tente d’être expérimental et populaire à la fois. Malheureusement la mayonnaise prend difficilement. Le problème majeur pour moi c’est qu’il n’y a pas de durée, jamais. Une vignette en supplante toujours une autre. J’ai l’impression que chaque morceau est uniformisé, semblable au précédent et paradoxalement il me semble que Zemeckis s’intéresse pas vraiment à l’histoire du peuple indien ni à sa famille d’afro-américains.

     Celle qui le drive c’est celle qui s’étire sur trois générations, avec Tom Hanks et Robin Wright, le couple de Forrrest Gump. Les retrouver ne produit absolument rien sur moi, sans doute car, aussi bien fait soit-il, le de-aging me gêne constamment. Je suis toujours en train de me dire à quel point c’est bien fichu et bizarre à la fois. Ça me tient continuellement à distance. Les petites fenêtres qui s’ouvrent systématiquement dans les plans pour ouvrir sur une autre temporalité m’empêchent aussi de me plonger dans une époque ou une autre, je n’ai jamais le temps. Tout me paraît beaucoup trop écrit et fabriqué.

     Et pourtant le film a fini par m’émouvoir d’une part lors de la scène du gâteau d’anniversaire, puis dans l’avant-dernier plan, qui surprend et qui donne les clés du projet : filmer la mémoire d’un lieu. Il y a aussi une scène formidable avec un miroir. Et une fenêtre qui apparaît dans le miroir. Il y a l’idée géniale que cette femme n’a jamais vraiment voulu vivre ici, qu’elle a fini par avoir ce lieu en horreur. Il y a plein d’idées, tout le temps, Zemeckis est un super cinéaste. Et je resterais toujours curieux de voir son prochain projet.

Sacrées sorcières (The witches) – Robert Zemeckis – 2020

10. Sacrées sorcières - The witches - Robert Zemeckis - 2020Potion tragique.

   4.0   Zemeckis adapte un Roald Dahl que je n’ai pas lu, mon fils non plus d’ailleurs – Il commence à être familier du bonhomme : Matilda, La potion magique de George Bouillon, Les deux gredins, Le bon gros géant. Tiens, faudrait que je tente le Spielberg, aussi. Pas lu le roman, pas vu non plus la première adaptation qu’en fait Roeg il y a trente ans. Bref j’y allais un peu à reculons – C’est une veine Zemeckis qui ne m’intéresse pas tellement sur le papier, celle de La mort vous va si bien, disons – d’autant que le film semblait surproduit, par Cuaron & DelToro notamment. Alors ce n’est pas la catastrophe non plus, il y a un certain savoir-faire, un imaginaire, une bonne dose de cruauté, mais visuellement c’est très embarrassant, aussi bien tout ce qui touche aux sorcières que lorsque le film exploite son versant Stuart Little / Ratatouille. Trop de numérique, trop d’effets spéciaux, trop de caméra embarquée, un Alan Silvestri passe-partout, une interprétation en roue libre. Ça se regarde hein, mais après Bienvenue à Marwen ça fait un peu de la peine.

Qui veut la peau de Roger Rabbit (Who framed Roger Rabbit) – Robert Zemeckis – 1988

34. Qui veut la peau de Roger Rabbit - Who framed Roger Rabbit - Robert Zemeckis - 1988Les Toons lui vont si bien.

   7.0   Si ça restera un Zemeckis pour lequel j’ai peu d’affection – contrairement à un Retour vers le futur, par exemple – j’ai cette fois été séduit par sa démesure, son singulier mélange de cartoon et de film noir. La séquence d’ouverture est un sommet de jubilation avec ce génie de dessin animé (bébé récalcitrant & lapin souffre-douleur) dynamitant l’espace d’une cuisine avant qu’on en révèle le statut de décor de studio et tout le backstage qui le fait exister. Le réel qui supplante la fiction. Rarement la mise en scène de Zemeckis n’aura été si étourdissante.

     Dès lors, les personnages du cartoon se mélangent aux personnages live. Et le pacte est amorcé : On croit en chacune des interactions et ça devient un film complètement fou, qui reprend les codes du genre (le polar) et enclenche une course-poursuite dantesque qu’il tiendra jusqu’au bout. En réussissant l’exploit de parfois réunir les créatures de Disney avec celles de la Warner. Bref, grosse réhabilitation : je n’avais pas vu Qui veut la peau de Roger Rabbit ? depuis plus de dix ans et en le revoyant avec mon fils de sept ans, les yeux écarquillés, le sourire aux lèvres, c’est comme si je l’avais redécouvert.

Seul au monde (Cast away) – Robert Zemeckis – 2001

25. Seul au monde - Cast away - Robert Zemeckis - 2001Survivre pour revivre.

   9.0   La sortie de Welcome to Marwen me donne envie de revoir plein de film de Zemeckis et m’a surtout poussé à revoir celui auquel j’ai beaucoup pensé en le découvrant, puisqu’il y était déjà question de solitude forcée et de comment on tente de vaincre cette solitude, mais aussi de comment on revient de cette solitude, il s’agit bien entendu de Seul au monde, Cast away en version originale, avec un Tom Hanks sur une île, affublée d’une barbe et parlant à un ballon de volley.

     Ce qui m’a frappé c’est que Seul au monde va systématiquement à l’encontre des attentes générées par le cinéma hollywoodien traditionnel. Sa structure, d’une part, est très bizarre, déployée en quatre parties, étirées et quasi d’égale durée : Avant le crash, les premiers jours sur l’ile, les derniers jours sur l’ile, le retour. Et tout ça avec de vrais partis pris, exemple : Il se refuse à tout montage alterné. On restera donc, durant les quatre-vingt minutes centrales, entièrement avec Tom Hanks sur son île, quasi sans parole. Et pire, sans gros évènements ni gros rebondissements inhérents à ce type de récit : Car le plus étonnant là-dedans c’est que Tom Hanks est tombé sur l’ile la plus chiante du monde.

     Les plus sceptiques pensent probablement qu’il s’agit d’une facilité, de récit, de fabrication, j’imagine qu’on peut le voir aussi ainsi : En effet, le personnage est rarement en danger. Il ne rencontre ni animal flippant ni autochtone récalcitrant. Sa robinsonnade forcée n’est jamais vraiment parasitée. Et d’ailleurs on le voit peu partir en excursion dans la jungle. Mais alors, qu’en est-il de la fiction ? Comment fait-on pour passionner un spectateur, dans un film hollywoodien, faut-il le rappeler, six ans après avoir rameuter public et récompenses avec Forrest Gump, lorsqu’on place des ellipses des excursions du personnage (Lorsqu’il va sur le promontoire, notamment) ou lorsqu’on on préfère montrer son quotidien le plus prosaïque, en apparence le moins excitant : Couper des noix de coco, tenter de faire du feu, fabriquer un radeau, soigner ses petites blessures, observer la photo de sa femme sur la montre qu’elle venait de lui offrir ? C’est un pari hyper audacieux, quand on y songe.

     Et c’est passionnant. A la fois parce que Zemeckis a un vrai sens du cadre, du rythme, de la mise en scène et de l’infime espace dans lequel le personnage se retranche : Ce bord de plage entre océan et forêt ou bien cette petite grotte lorsque le temps se gâte. Jusqu’à se permettre d’utiliser très peu de musique, hormis lors de moments pivots, surtout vers la fin de son aventure. Et aussi, évidemment, parce que Tom Hanks est génial. Et ce n’est pas évident de nous faire aimer ce personnage qui au départ est une sorte de gros con de représentant autoritaire et paternaliste vantant la rapidité de sa compagnie. Il faut oser partir de ça et prendre le pari qu’on va l’adorer, ce personnage. Choisir de faire table rase de sa connerie pour le ressusciter, au point d’être terrassé par le dernier tiers du film qui plonge en plein mélodrame Sirkien.

     Le film appuie sur peu de choses, il est même plutôt dans le manque, il me semble. On aimerait voir davantage, notamment lors du retour du personnage, où tout les climax inhérents aux retours/retrouvailles sont évincés à renfort de petites ellipses, comme si Zemeckis se refusait à l’émotion, soit aussi ce que je reprocherais à Marwen aujourd’hui. Il y a presque trop de pudeur chez Zemeckis. Parfois c’est pour le meilleur, pourtant, à l’image de ce crash, anti-spectaculaire au possible puisque vécu entièrement de l’intérieur, mais aussi à l’image de cette scène où l’on voit sur des télés l’accueil des journalistes et politiques, tandis que Hanks, lui, se retrouve à nouveau seul, dans ce hall d’aéroport, à attendre sa femme qui ne viendra pas le voir. C’est à chialer. Et sans doute parce que les choix de Zemeckis sont hyper forts : Un réalisateur lambda auraient montré de but en blanc ce que Zemeckis choisit de nous offrir au second plan, sur des écrans.

     Et cette pudeur ici permet à l’auteur de se lâcher ailleurs, sur un évènement que Hanks va nous raconter à deux reprises, d’abord en l’évoquant à Wilson, son compagnon de cuir sur l’île, puis en se confiant à son ami et collègue, qui entre-temps aura perdu sa femme d’un cancer – Le film s’était permis de creuser cette relation avant le voyage qui le mena au crash, et l’inquiétude de cet homme quant à la maladie de sa femme. Plus j’y pense, plus je me dis que le vrai vertige de Seul au monde, c’est le temps et les bouleversements qu’il entraine par les absences. Hanks parle de sa tentative de suicide, de cette corde, de cette branche qui s’est cassé sur ce promontoire. Et c’est bouleversant. Une fois parce qu’il en parle, gêné, à un ballon-ami qui n’est autre qu’une autre part de lui, pour s’excuser ad aeternam sans pour autant le dire ouvertement, mais on a tout compris. Puis dans ce plan circulaire absolument extraordinaire, dans lequel Tom Hanks n’avait jamais été aussi touchant et magnétique.

     Le film ira jusqu’à refuser le happy end tant attendu mais tout en l’offrant de façon éphémère. Chuck retrouve Kelly, Tom Hanks retrouve Helen Hunt, celle qu’il avait demandée en mariage avant son départ, cinq ans auparavant. Tous deux s’aiment encore follement, mais tous deux vont accepter que leur histoire n’a plus d’avenir, puisqu’elle a déjà refait sa vie, elle s’est remarié, elle a un enfant. C’est Les parapluies de Cherbourg, quoi. Heureusement le film choisit de s’en aller sur une note plus chaleureuse, qui confirme que Zemeckis est un grand romantique mais qui rappelle qu’il n’est pas si désespéré et qu’au détour d’un carrefour et d’un symbole ailé sur une voiture, la possibilité d’un autre bonheur n’est pas exclue.

Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen) – Robert Zemeckis – 2019

19. Bienvenue à Marwen - Welcome to Marwen - Robert Zemeckis - 2019Not just his imagination.

   7.5   Quel plaisir de retrouver Zemeckis aussi inspiré. De le voir se lancer dans un tel projet qui se situe à la croisée des genres et des possibilités offertes par le cinéma. Welcome to Marwen relie l’amplitude narrative d’un Forrest Gump avec la dimension casse-gueule de la performance capture d’un Pole express, pour le dire grossièrement. Et pourtant c’est loin d’être un film-monde, il est plus resserré, plus intime que cela, n’embrasse pas l’histoire de l’Amérique, mais plutôt un présent quelque peu sinistre, proche de celui de Seul au monde. Et surtout, ce n’est pas entièrement un cinéma de poupées, il voyage d’un monde à l’autre, du réel à l’imaginaire, avec une limpidité et une audace assez déconcertante, notamment dans les variations d’échelles : Un plan s’ouvre dans un salon avec le personnage de Steve Carrell, s’immisce dans l’une de ses maquettes et nous propulse dans un champ de bataille miniature. Je connais assez mal les expérimentations de Zemeckis sur ce terreau-là puisque je n’ai pas revu Le pôle express depuis sa sortie et je n’ai jamais vu Beowulf, mais il me semble qu’au détour de quelques plans, on se dit que seul l’auteur de Roger Rabbit sait faire un truc pareil – Même si, un peu plus tôt, Spielberg avait tué le game avec Ready player one, c’est vrai.

     L’autre élément casse-gueule du projet c’est le fait que le film s’inspire d’une histoire vraie, et plus particulièrement du documentaire, Marwencol, qui racontait déjà l’histoire de Mark Hogancamp, cet homme brisé suite à une violente agression qui l’a rendu amnésique. Tabassé pour avoir dit porter des chaussures de femmes, il fait son auto-thérapie en se construisant un imaginaire de poupées, véritable monde miniature dont il photographie chaque situation. Le parti pris du film est particulièrement osé : Ce que voit, ce que vit Mark à travers ce monde qu’il se crée, c’est aussi ce que Zemeckis nous offre à voir, un peu comme si l’on voyait ce que voit un enfant qui joue avec ses figurines et ses jouets. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une scène relevant de l’imagination de Mark. On le voit dans un avion de chasse et il s’écrase, puis s’extraie du cockpit détruit avec beaucoup plus d’aisance que Tom Hanks ne sortait de la carcasse de son Boeing noyé dans Seul au monde. Mais d’emblée, des signes perturbent notre immersion : Des pieds en plastique, une fausse boue et bientôt une brochette de nazis s’affaissant comme des soldats de plombs, sous les balles d’une armée de femmes badass. C’est Tarantino qui croise Expendables et Toy Story.

     Entrée en matière assez virtuose, en effet, jubilatoire, avouons-le autant qu’elle peut faire carrément flipper. Sauf qu’il y a le tout premier retour à la réalité et c’est un émerveillement : Un long plan, circulaire, dévoile Steve Carell photographiant les figurines miniatures qu’on venait de voir prendre vie. Puis il se lève et se dirige, poupées en main, vers un tout petit portail qui le fait entrer dans la cave de sa maison, comme un enfant qui rentre dans sa cabane, ou Alice, qui pénètre dans le terrier du lapin. Le film va regorger de ce genre de va-et-vient entre le monde et l’imagination de Mark, cette maison et ce jardin qui devient le village belge de Marwen dans lequel des nazis s’attaquent en continu (puisqu’ils ressuscitent à chaque fois) à Captain Hogie et ses femmes. On comprend rapidement que cet imaginaire est la représentation extrapolée de la vie de Mark, que les nazis sont ses agresseurs, que les femmes sont celles qui peuplent sa vie (Son aide à domicile, une amie de rééducation ou encore sa nouvelle voisine, très bientôt) et que ce village, ce monde, cette période (La seconde guerre mondiale) est celle de dessins qu’il a retrouvé chez lui au retour de son agression : Si Mark a perdu la mémoire et qu’il est incapable dorénavant de tenir un crayon entre ses mains, il sait qu’il dessinait, jadis, sur le thème de la seconde guerre. Evidemment ça pourrait être lourd, programmatique, mièvre mais Zemeckis contourne toutes les facilités, génère à la fois une mélancolie étonnante autant qu’il ouvre vers une jubilation permanente.

     Je ne comprends pas, il parait que le film fait un bide, que le public le boude (Et en atteste ma propre séance, un dimanche soir à 20h30, seulement dix jours après sa sortie : Nous étions tout juste cinq dans cette salle) et qu’il se fait copieusement démonté dans la presse. Même la bande-annonce me semble catastrophique. C’est sans doute ça le fond du problème aussi, le film est mal vendu. C’est comme s’il avait été abandonné par ses distributeurs, c’est triste. J’hallucine un peu tant je ne suis pas loin de penser que c’est une merveille, et son plus beau film depuis longtemps – Flight était génial, aussi, j’ai tendance à l’oublier. Et par ailleurs l’évolution du personnage joué par Steve Carrell, sans être similaire, ressemble à celle de Denzel Washington dans Flight, ou à celle de Tom Hanks, dans Seul au monde, puisqu’ils doivent affronter leur purgatoire, leur psychose afin de retrouver le goût de la vie, de la rencontre, être en paix avec eux-mêmes. Et c’est d’autant plus fort que la thérapie est artistique dans Marwen, ce qui ne manque pas de faire une analogie entre Mark et Robert Zemeckis. Tout sonne Zemeckis là-dedans, aussi bien du point de vue de sa fabrication que dans ses thématiques. Enfin disons que ça pourrait faire l’objet d’un excellent film classique qu’Eastwood aura fait magistralement par exemple, mais pas avec l’utilisation de la performance capture. Le tout, fond et forme, respire Zemeckis et personne d’autre. D’ailleurs le film ira jusque dans l’autocitation comme jamais Zemeckis ne l’avait fait, puisqu’il sera question d’une DeLorean un moment donné.

     On pourra toujours penser que la mécanique procédurière et les scènes traumatiques sont un peu lourdes, au même titre que certains personnages, notamment les antagonistes nazis ou bien cette voisine dont l’histoire (on sait simplement qu’elle a perdu un enfant) aurait mérité d’être davantage développée, en effet il me semble que Zemeckis aurait pu se passer de certaines choses pour en déployer d’autres, mais ce n’est jamais vraiment problématique tant le cœur du film, c’est d’abord la dimension queer de son délire tarantinesque et ensuite sa résurrection dans la réalité par l’histoire d’amour, qui rejoue un peu celle de Seul au monde, d’ailleurs, en évacuant son fantasme (la retrouvaille de sa femme pour l’un, épouser sa jolie voisine pour l’autre) pour le déplacer vers un autre, plus inattendu. Il y a une façon de faire confiance aux émotions du spectateur, cette façon d’être persuadé que l’on acceptera tous les parti pris que le film va nous offrir, assez touchante en fin de compte. Enfin bref, c’est fort, c’est super beau, super émouvant, le film réussit à peu près tout alors qu’il est méga casse-gueule.

Alliés (Allied) – Robert Zemeckis – 2016

02. Alliés - Allied - Robert Zemeckis - 2016Mensonges et trahisons et plus si affinités… 

   6.0   Il y a deux films en un. Le premier est l’affaire d’une rencontre entre un agent des services secrets britanniques et une espionne française, sur une mission visant à éliminer un ambassadeur allemand, dans le Maroc français de 1942. Le second se situe à Londres, dans un contexte nettement plus elliptique, puisque d’abord trois semaines plus tard quand Max & Marianne vont se marier, puis quelques mois plus tard lors de la naissance de leur enfant sous les bombardements, puis encore un an plus tard dans un quotidien de parents apparemment débarrassés de problématiques initiales, mais ce sera vite tout le contraire, bien que cette tournure, angoissante et paranoïaque, soit relativement attendue dans les grandes lignes.

     Deux choses intéressantes : Tout d’abord que la seconde partie n’est pas dévorée par la précision d’orfèvre de la première. Si crainte il y a, elle ne dure pas bien longtemps. Très vite, le récit bifurque et on l’accepte comme tel. Surtout que, deuxième point, à l’apathie cotonneuse du premier chapitre, classique mais d’un classique enthousiasmant, parfaitement exécuté répond un second chapitre hyper dynamique, qui grimpe crescendo, émotionnellement parlant compris, jusque dans son terrassant final. Et tout cela à défaut d’être vraiment surprenant tant ses rouages sont convenus. Zemeckis nous surprendra toujours. C’est donc de la belle ouvrage, comme on dit, un beau pastiche de l’âge d’or hollywoodien doublé d’un excellent divertissement du dimanche soir. Et je le répète, la fin, très réussie, achève d’emporter le morceau.

Flight – Robert Zemeckis – 2013

1545029_10151922081647106_1443999221_n     7.5   Grand film sur la dépendance et l’acceptation de cette dépendance. Je ne savais pas Zemeckis encore capable de réaliser un si beau film donc je suis ravi. C’est un film moraliste mais pas moralisateur du tout. C’est vraiment un pauvre type face à un dilemme moral. On dirait presque du Capra.

Retour vers le futur II (Back to the future, part II) – Robert Zemeckis – 1989

retour-vers-le-futur-2-1989-02-gPleasure paradise.

   5.5   J’adore tellement le film de lancement et sa fin est si excitante et ouverte (« Là où l’on va, on n’a pas besoin de route !« ) qu’immanquablement à tous les coups je revois la suite dans la foulée. Bon, j’ai une relation particulière avec cette saga, je l’ai découverte sur le (très) tard, il y a dix ans, voilà c’est dit. Je me sens délesté d’un poids. Ce genre de poids que tu traînes jusqu’au lycée où le film remporta haut la main me concernant la palme du plus grand nombre d’indignations du style « Bordel, t’as jamais vu Retour vers le futur ?! » mais j’imagine qu’on a tous nos petits manqués. On les traîne parfois même plus longtemps. Bref, quoiqu’il en soit, je me suis plutôt bien rattrapé depuis, puisque je visionne les deux premiers volets tous les deux ans, grosso merdo. Le troisième non, enfin ce n’est pas systématique – pourtant je l’aime beaucoup aussi – et je crois que j’ai enfin compris pourquoi aujourd’hui. Explication. Ne pas me lyncher, please. En fait, je trouve que le deuxième volet n’est pas bon. Décevant. J’y ai cru pendant dix ans – tout en avouant chaque fois le trouver moins fort que le précédent – mais in fine ça va beaucoup plus loin : Outre mon éternel attachement aveugle, je le trouve mauvais, foutraque, cartoon, hystérique, systématique, pas toujours inspiré, asphyxiant. Quand l’autre avait tout pour lui, en positif. Sans compter que c’est une suite entièrement dépendante de l’original. Franchement je ne me vois pas le revoir sans avoir revu l’autre juste avant. C’est déjà un problème en soi. Mais au-delà de ça le dispositif me paraît grossier, toujours dans une surenchère mal dosée, exploitant un filon qui a déjà fait ses marques. La fin en forme de teaser du troisième volet est aberrante à souhait d’ailleurs. Alors Ok ça reste super drôle (Les fameux paradoxes temporels, la virtuosité du Doc’s show, les autres sois…) et méga vertigineux (Trois niveaux de temporalité) mais c’est finalement plus lourd qu’émouvant, plus extravagant que limpide, c’est une représentation de cirque – Biff Tannen est INSUPPORTABLE, l’acteur est nul. Dans le premier, la simplicité – après le suivant le premier paraît rudimentaire – faisait naître l’émotion. C’était un vrai film d’amour. The power of love. Il ne reste là qu’un tunnel de sophistication, tout est scénario. Alors je l’aime toujours en tant que suite, jouissive, démesurée, mais il ne me dupe plus en tant que film à part entière. Pire, la deuxième partie m’ennuie. Voilà pourquoi je n’enchaîne presque jamais sur le troisième. Ce dernier a au moins pour lui d’être pareil en étant complètement différent, plus ramassé, romantique et c’est un tout autre décor. En définitif je crois que je préfère le 3 au 2 pour la toute première fois. 

Retour vers le futur (Back to the future) – Robert Zemeckis – 1985

retour-vers-le-futurThe power of love.

   8.0   Le premier plan avec générique incrusté, tournoie lentement dans une pièce pleine de trucs et d’inventions en tout genre, qu’on aurait comme laissés là à l’abandon, en état de marche. Ici un dispositif de repas régulier pour chien, ici une télévision branchée, là un service à café coulant dans le vide… Et tout un tas improbables d’horloges, réveils, montres et pendules. Le film est déjà traversé par la folie du temps bien que les soubresauts de ce dernier ne nous atteignent pas encore. Cette pièce c’est le local fou du docteur Emmett Brown, scientifique déraillé, qui a entrepris de construire une machine à remonter le temps depuis qu’il s’est cogné la tête dans ses toilettes voilà trente ans lui offrant illuminations et révélations insoupçonnées.

     La première partie du film, avant le rendez-vous donné par Doc (Christopher Lloyd, cabotin magnifique) à Marty (Michael J. Fox, jeune chien fou) sur le parking du supermarché des deux pins est une véritable mine d’indices et détails en apparence futiles, qui seront par la suite alambiqués jusqu’à jubilation. C’est le propre de ces films d’époque, Les goonies la même année, Un jour sans fin un peu plus tard, de jouer sur une générosité sans fin, posant leur décor dans une longue introduction avant de le réutiliser et de le malaxer dans tous les sens un peu plus tard.

     Ce qui au départ s’avère être un pur jeu avec le temps sans réel point de chute attendu – Une Dolorean, du plutonium, un convecteur temporel, une vitesse requise de 88 miles à l’heure – devient vite un jeu dangereux avec leurs vies – Doc est brutalement refroidi par le groupe extrémiste à qui il avait préalablement subtilisé – clin d’œil à la télé au tout début – l’élément chimique nécessaire – et avec la vie future – Marty entre en contact et bien plus encore (il sauve son père de l’accident qui avait fait rencontré ses parents, là-aussi les indices sont dans l’introduction) avec sa famille ascendante.

     S’installe alors un subtil jeu de cache-cache ô combien jouissif où les situations les plus folles s’enchaînent pour tenter de réimbriquer le puzzle mélangé afin que l’avenir ne soit pas modifié. Une photographie de famille sert d’appui – Unique élément qui me paraît peu convaincant, par ailleurs – permettant à Marty de vérifier de temps à autre s’ils sont parvenus à tout bien remettre en place. Il y aura forcément une histoire avec cette horloge, celle du clocher qui ne fonctionne plus depuis que la foudre s’est abattue sur la ville trente ans auparavant. Pile dans ce passé dans lequel Marty se retrouve coincé. Tout a un sens et celui-là plus encore que les autres puisqu’il est l’unique porte de sortie de cette temporalité passée qui deviendrait à jamais alternative si Marty ne parvenait pas à regagner son propre temps. Mais il lui faut pour cela réunir une puissance de 2.21 gigawatts. Mission impossible en 1955. Sauf par la foudre. Mais on ne sait jamais où elle tombe. Sauf cette fois-là. Voilà tout le délire volontiers euphorique dans lequel nous plonge Zemeckis.

     Ayant troublé le futur en se faisant renverser par la voiture de son grand-père maternel, prenant malencontreusement la place de son père, Marty se retrouve alors convoité par sa propre mère, qui ne cesse de l’appeler Pierre Cardin, pensant que son nom est inscrit sur son caleçon. Effet Florence Nightingale, cité d’ailleurs par Doc, couplé d’un paradoxe du grand-père et d’un complexe d’Œdipe, on peut dire que Marty a foutu malgré lui un sacré bazar dans cette temporalité dans laquelle il n’est pas encore censé exister.

     Alors on pourra quand même y déceler un certain éloge du Reaganisme. Oui, c’est ma grosse réserve, pour chipoter. La fin fait un poil trop l’apologie du bonheur par la réussite professionnelle. Mais bon, s’il avait été beau de ne pas finir en happy-end ça aurait néanmoins inéluctablement tout plombé. Surtout qu’il faut clairement le garder comme une pure comédie. De celles que l’on peut revoir à l’infini qu’elles nous amuseraient toujours. De celles où le décalage temporel permet toutes les facéties les plus folles, se permettant de malicieuses uchronies inconséquentes – Le frère de Chuck Berry offrant par téléphone le Johnny B. Goode improvisé de Marty, qui en profite pour inventer le duckwalk tandis que le même jour il inventait le skateboard – à un brassage total de la pop culture – Références directes à Star Wars, Star Trek, Michael Jackson et j’en passe. Soit l’un des trucs les plus jubilatoires que le cinéma ait fait éclore.


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