7.5 C’est un film qui parle d’acceptation de soi. De sa différence. Acceptation que les choses peuvent changer. Un goût. Un amour. Acceptation que le temps peut se charger de tout ça. Le film s’appelle Ander, c’est le prénom du personnage central. Le film ne parle pas uniquement d’Ander, il tourne autour de cet homme. On apprend très vite qu’une fois le père décédé le garçon a repris les commandes de la ferme. Nous sommes en Espagne, partie basque. La mère ne parle pas l’Espagnol. Les enfants ont grandi avec les deux langues. De la même manière on est dans une conjoncture à double emploi. Le travail de fermier ne suffit plus à survivre dorénavant, Ander le partage avec l’usine. Le film ne le crie pas il le montre, et le plus simplement du monde. Le jour où Ander se blessera il leur faudra embaucher quelqu’un, pour secourir aux tâches bien trop importantes pour les seules épaules d’une mère malade et d’une fille qui prépare son mariage. Recommandé par un ami, cet homme ce sera José, un émigré péruvien. Hostile à l’idée d’embaucher un étranger (la barrière de la langue surtout mais aussi un enracinement communautaire) la mère accepte finalement, nul doute que la légère contrepartie rémunératrice étant donné le statut de leur nouvel hôte a fait pencher la balance.
Ander, le film, avance comme cela, petit à petit. Il ne dit au départ pas grand chose sur ses personnages, puis au fur et à mesure il s’ouvre. On apprend à connaître leurs passés. Il y a cet étrange personnage par exemple, Evaristo, que tous sont surpris d’apprendre la venue. Plus loin on apprendra les relations qu’il a toujours entretenu avec le père d’Ander puis avec sa femme. Ces deux là se sont toujours aimés mais se ne le sont jamais avoués. Il y aussi Reme, la prostituée avec laquelle Ander et son pote Peio passent du bon temps très souvent. Elle qui couve un lourd chagrin, celui d’élever seule son enfant depuis que son homme l’a quitté à l’aube de sa grossesse. Elle ne fait que l’attendre. Elle refuse de grandir sans lui. Et bien entendu il y a Ander. Célibataire endurci. Ce qui insupporte sa mère, surtout dit-elle, depuis qu’elle sait que sa sœur cadette de quatorze ans va se marier avant lui. Il va se passer un truc très fort entre Ander et José. Mais quelque chose d’inavouable. Une attirance très intense. Une attirance que seule Reme a remarqué. C’est un film sur le poids de la famille, le poids d’une certaine rigueur morale qui annihile toute pulsion instinctive. Quelque chose doit arriver et il arrive. Roberto Caston a réussi à rendre unique cette passion forte et muette car on ne la voit pas vraiment s’installer et pourtant on y croit vraiment lorsque le moment se produit. Tout comme ce qui se produit ensuite : Ander ne freine plus ses envies, il se les interdit. Là où dans une famille d’apparence soudée il n’y a que secrets, hontes et mensonges, il y a deux êtres qui les côtoient et qui provoquent une magie inouïe. Ander ce serait le versant très accessible de Théorème. Car même si les enjeux sont différents il y a tout de même un peu du film de Pasolini là-dedans dans cette volonté de faire éclater les désirs par l’arrivée de l’étranger. Le film brasse large il ne se cantonne pas à un simple amour homosexuel refoulé. Il s’intéresse à tous ses personnages. C’est un film de famille avant toute chose. Et c’est un film qui pourrait être austère, moi je le trouve extrêmement lumineux, dans le regard qu’il porte sur ces corps, ces âmes perdues, dans cette petite maison de campagne que l’on ne quittera jamais, qui ouvre et clôt le film.