Archives pour la catégorie Robin Campillo

L’île rouge – Robin Campillo – 2023

???????????Réminiscences évanescentes.

   5.0   L’enfance de Robin Campillo, début des années 70, sur l’île de Madagascar, qui vit les derniers jours de présence militaire française. C’est un document sur l’Afrique coloniale essoufflée perçue à travers les yeux d’un gamin qui préfère rêver et se prendre pour Fantômette. Pendant ce temps, dans la base aérienne, les épouses s’ennuient, les maris écument les bordels. Il y a toujours un rythme très flottant chez Campillo, une atmosphère dont on sait qu’on se souviendra. Un quotidien, un regard de coulisses, pas vraiment d’intrigue. C’est très bien. Et pourtant, ici comme dans Les revenants il y a vingt ans, tout semble plus inachevé qu’engourdi. Un peu hermétique aussi. Si bien qu’à l’image de cet arbre aux amoureux ou des inserts d’un Fantômette imaginé ou de ce discours politique final, tout semble greffé sans trop y croire. On aimerait se perdre dans cette fin d’un monde, mais on s’y ennuie. Il n’y a ni la fulgurance graphique et structurelle d’un Eastern boys, ni la force romanesque d’un 120 Bpm. Dommage. Mais la photo est magnifique.

120 battements par minute – Robin Campillo – 2017

19984035_10154894928177106_3303559513406975150_oLa vie des morts.

   8.0   L’un des films cannois que j’attendais le plus et pas seulement parce qu’il a retourné la croisette : Je pense que Robin Campillo est l’un des cinéastes les plus prometteurs / passionnants d’aujourd’hui. Les revenants c’était un premier film étrange, passionnant, rempli de tentatives. Eastern boys c’était puissant. Un peu froid, probablement, mais niveau mise en scène ça se posait-là. N’y allons pas par quatre chemins, 120 battements par minute est une déflagration. Un grand geste de cinéma autant qu’il est militant. Un document passionnant sur le Sida et Act Up-Paris au début des années 90 – Dont Campillo a fait partie. Et un déchirant combat contre la maladie. Deux batailles pour un film coup de poing.

     Le film est parcouru de grandes idées de mise en scène – Longueur des séquences de réunion en amphi ; ruptures temporelles lors de certaines situations ; terrifiant dernier quart dans un lieu unique, l’appartement, qui rappelle la seconde partie de son film précédent ; Et cette faculté à faire le yoyo entre le collectif et l’individuel. Au point que la seule actrice connue (Adèle Haenel, décidément partout) soit régulièrement relayée au second plan, jusqu’à disparaître un long instant du récit dans le dernier tiers. J’aime surtout que le film évite cet écueil de raconter ActUp par ses plus grandes sorties/réussites médiatiques. On ne verra donc pas l’encapotage de l’Obélisque de la Concorde ni la banderole sur les tours de la Cathédrale de Paris, tant mieux. Le film préférant s’attarder sur les joutes verbales autour de la construction des slogans chocs et des opérations collectives. Brillant en tout point.

     120 battements par minute s’ouvre dans un amphithéâtre. De nouveaux membres de l’association sont briefés quant au déroulement des réunions. Nathan fait partie de ceux-là. C’est une ouverture on ne peut plus classique et didactique tant il s’agit de nous briefer nous, spectateur, avant tout. Pourtant, cet académisme de façade s’efface très vite dans la mesure où la réunion qui suit, s’étire considérablement et brise l’aspect reportage et documentaire pur pour le propulser dans  un univers multiple et connexe où la double temporalité converge dans l’image. La réunion vise en effet à dialoguer autour d’un évènement, colmaté en accident regrettable pour les uns et érigé en réussite totale pour les autres : L’intrusion dans un meeting pharmaceutique qui termine en manifestation violente à coup de poches de sang et de séquestration.

     Cette première séquence existe pour de multiples raisons : Elle enferme un peu son personnage, qui n’a pas vécu cet évènement, jusqu’à le faire presque disparaitre plusieurs minutes de son attendu rôle central. Car il faut aussi qu’on nous abandonne dans cette énergie, qu’on en saisisse la respiration générale. Une autre finalité serait de nous faire entrer sans concession dans le rythme effréné que le film tiendra jusqu’au bout. Car le montage est ahurissant, Campillo choisissant d’insérer les images du « coup » sous plusieurs angles de vue en fonction de celui qui prend la parole / celui qu’on vise dans le débat. On ressent déjà ce sentiment d’urgence, cette sensation double, militante et vitale. Il ne s’agit pas uniquement de s’élever à coup de Zaps contre les labos mais de rappeler que pour certains, le temps est fragile, compté.

     C’est donc un formidable film sur le groupe, puisque c’est cette énergie ensemble qu’il parvient à reproduire. Notamment dans l’amphi quand chaque idée est relayée par une autre ou dans l’action, ici dans les locaux de Melton Pharm, groupe pharmaceutique, où l’on fait gicler du faux sang contaminé pour s’insurger contre leurs méthodes de désinformation, ou là dans un lycée, pour faire campagne en faveur du préservatif. Campillo filme ces déplacements groupés comme des marches militaires. Pourtant, s’il partage une cause dans les grandes lignes le groupe est relativement désuni dans la spécification – Façon Nocturama. Suffit de voir ces appendices de débat dans le hall fumeurs pour comprendre que l’unité est perfectible. Le film a par ailleurs la pertinence de brosser les individualités mais au sein du groupe, de façon hyper naturelle, sans par exemple suivre un personnage jusque chez lui ou dans sur son lieu de travail – Si Sean et Nathan s’amusent un moment donné à dire ou deviner ce que chacun fait dans la vie, c’est pour mieux revenir au collectif ensuite. 

     Le cadre restera toujours celui d’ActUp. Avant qu’il ne s’émancipe grandement vers son histoire d’amour entre Sean & Nathan. Pour y revenir, miraculeusement, dans une dernière partie incroyable. Un parti pris de mise en scène absolu, qui évoque La chambre du fils, de Moretti. Si l’on y entend deux morceaux phares de l’époque – Smalltown Boy des Bronski Beat.(1984) et What About This Love ? de Mr Fingers (1992) – afin de replonger dans l’ambiance des boites de nuit, la musique originale est assurée par Arnaud Rebotini, musicien nancéen séduit par l’électro analogique, dont le minimalisme techno évoque pas mal l’House et dont la musique s’accommode très bien avec l’énergie dégagé par le film. J’ai une infime petite réserve sur les interludes « Cellules sanguines » qui cassent le dynamisme outrancier afin de nous laisser respirer – Même si là encore, je trouve qu’elles représentent assez bien la mélancolie générale qui s’en dégage. J’en suis sorti épave. Et j’ai fait une grande découverte : Nahuel Pérez Biscayart. Il joue Sean. Il est incroyable.

Eastern boys – Robin Campillo – 2014

17. Eastern boys - Robin Campillo - 2014Cette fête dont je suis l’otage.

    7.5   Une gare et un appartement. Les deux premières longues séquences du film sont élaborées au sein de ces deux uniques lieux. D’un côté l’enclos ouvert, multiple, foisonnant et indomptable, quotidien de mouvement duquel soudain apparait une entité fixe, qui ne se déplace tout du moins pas comme les usagers, homme observant un balai d’échanges et de déplacements d’une bande de jeunes de l’est, scrutant du regard puis poursuivant physiquement l’un d’entre eux. Une attirance muette qui se conclut sous un escalator. C’est puissant. De l’autre côté une bulle fermée, statique, individuelle et silencieuse dans laquelle surgit une entité groupée puis une dimension (faussement) festive. Deux bouleversements insensés et étirés au sein de deux mondes très codés. Deux séquences en quasi temps réel d’une durée totale de 33 minutes. Le La est donné.

     Eastern boys aurait pu être dévoré par ces deux grands actes d’ouverture, qui occupent tout de même un tiers de film. C’est d’ailleurs ce que j’ai pensé quand le troisième chapitre fait retomber la tension. Pourtant, si la suite braque soudainement et ce à plusieurs reprises, la limpidité du récit ne s’en trouve aucunement altérée. C’est une histoire simple et complexe. Une histoire de désir, mise en scène avec une telle audace, franchement, que ça file le vertige. A part si elle échoit à Bonello je ne vois vraiment pas à qui d’autre l’on pourrait remettre un prix de mise en scène aux Césars. Mais bon, ne nous affolons pas, le film repartira bredouille hein. Même Ferran, avec Bird people, autre film caméléon de 2014, si elle tentait pas mal de choses en ratait beaucoup trop pour provoquer la sidération d’un Eastern boys.

     Campillo assume lui la totalité de ses partis pris sans aucun compromis, à tel point que son film est souvent très déstabilisant flirtant même avec un certain hermétisme sans jamais toutefois y tomber. C’est vraiment bluffant. Je trouve cela dit le film un peu prisonnier de ses intérieurs, comme s’il voulait passer en force, en métaphores et symboles, plus qu’il n’en a le besoin. C’est ce maigre reproche qui m’empêche de crier au chef d’œuvre. Mais bon, la démarche globale est tellement renversante et singulière que le film fascine aussi jusque dans ses imperfections. Je ne reviens volontairement pas sur la suite du film en détails, mieux vaut s’y abandonner pleinement, juste signaler que s’il dévie, bifurque à tout va, il conserve son homogénéité tout du long. Et puis je ne vois pas qui à part Campillo se serait permis de faire une fin pareille, aussi violente, puissante, élastique et controversée.

Les revenants – Robin Campillo – 2004

32. Les revenants - Robin Campillo - 2004Le mort qui marche.

   6.0   C’est drôle de voir ça en même temps que The Leftovers – Enfin ce n’est pas anodin, la série m’ayant rappelé que j’avais ce film sous le coude depuis belle lurette. Il s’agit donc du film ayant inspiré la série du même nom. Le dispositif est similaire mais le traitement complètement opposé – politique chez Campillo, intime chez Gobert. Le pitch est quasi celui de The Leftovers inversé, soit 1% de la population qui seraient dorénavant des (récents) morts sur le retour. L’ambiance est fascinante mais le film ne va nulle part. Enfin il ne choisit pas. C’est à la fois hyper flottant mais c’est aussi une fine étude sociologique, mais rien n’est suffisamment creusé. J’ai aimé le film mais cette double distance m’empêche d’être un peu touché alors qu’on sent le film très proche par moments d’atteindre une envergure dramatique vertigineuse.


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silencio


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