All work and no play makes Jack a dull boy.
5.5 Room 237 est un film réalisé par un dingue de Shining, donnant la parole à cinq personnes dingues de Shining, destiné à des spectateurs dingues de Shining. Evidemment, je ne pouvais pas rater ça.
Le film aborde son sujet selon une construction foutraque à cinq intervenants, avec un penchant un peu réducteur pour les grandes théories bestofesques (parallèle à l’Holocauste, le massacre des indiens, la NASA et la dimension phallique). Le montage est souvent grossier, avec cette parole recouverte par ces scènes de films (pas nécessairement ceux de Kubrick, par ailleurs) ou ces reconstructions un peu ridicules (fausse émotion d’un spectateur en salle par exemple). L’obsession cinéphilique est malheureusement partiellement abordée. Secrètement, plus que d’en apprendre encore sur le chef d’œuvre de Stanley Kubrick, des anecdotes de tournage, des sens cachés, c’est probablement ce qui m’intéressait le plus : jusqu’à quel point un spectateur peut-il aimer un film, en être obsédé à devenir cinglé ?
Room 237 manque de respiration. Il échoue dans sa quête de l’investissement du spectateur car il donne tout, l’abreuve d’éventualités de manière à ce qu’il n’ait plus le droit de se faire son propre film. Je retiens quelques petites choses qui m’apparaissent, davantage que ce défilé de théories abracadabrantesques, assez extraordinaires dans l’approche obsessionnel que le film peut convoquer. C’est ainsi le cas concernant les recherches de MSTRMND sur la possibilité de voir des concordances folles en lançant le film dans les deux sens, en même temps. A l’endroit et à l’envers, en superposition. Comment peut-on avoir un jour cette idée-là ? C’est complètement fou mais ça me fait bien plus rêver que ce type qui voit le chiffre 42 dans chaque plan (jusqu’aux nombres de voitures sur le parking de l’hôtel ou en multipliant les chiffres du numéro de chambre) ou cette nana qui voit un Minotaure en lieu et place d’un simple surfeur sur une affiche et prétexte à toutes les déviations mythologiques ou à cet autre gars qui voit dans chaque pièce au moins une évocation du génocide des indiens en Amérique.
Je me rends compte que j’aurais largement préféré voir des déclinaisons formelles plutôt que thématiques. Sans doute est-ce justement dû à la réputation maladive de Kubrick pour la maîtrise du cadre, avec ces symétries, ces déplacements hyper ordonnés – Le film en parle mais bien trop brièvement. La théorie qui m’attire donc le plus concerne les invraisemblances de montage, les constructions illogiques (et il y en a beaucoup), parce qu’il est impossible de concevoir que le perfectionniste réalisateur de Orange mécanique ait laissé échapper de telles coquilles. On se demande du coup si Kubrick n’a pas tenté de créer un espace mental hallucinogène, entièrement personnel, où les visions s’imbriqueraient comme des rêves de manière surréaliste, dans lequel il revisiterait et nous convierait à revisiter ses failles, enfouies. Qui plus est, de ce point de vue, toutes les théories fumeuses entendues pourraient être prises en compte au sens où elles révèleraient chacune une infime parcelle des obsessions et peurs de Stanley Kubrick.