Archives pour la catégorie Roman Polanski

The ghost writer – Roman Polanski – 2010

the-ghost-writer-polanski-949x496House by the river.

   8.0   Je ne l’avais pas revu depuis le ciné. C’est encore mieux que dans mes souvenirs. Mise en scène vraiment aux petits oignons. Chef d’œuvre de fin. C’est un film tout jeunot mais je pense qu’on peut d’ores et déjà dire que c’est un grand classique, non ?

     En définitive The ghost writer c’est l’histoire d’un fantôme sur les traces d’un fantôme mort dans sa quête de vérité. Le nègre (terme français) de l’ancien Premier ministre britannique vient d’être retrouvé mort. Afin de mener à terme son ouvrage quelqu’un est amené à le remplacer. Ewan McGregor, dépourvu d’une autre appellation que celle de Ghost writer durant toute la durée du film, est chargé du travail qu’il doit rendre trois semaines plus tard, tout cela en échange d’un très gros cachet. L’écrivain fantôme est en quelques sortes un raté. Il n’a pas l’étoffe d’un écrivain autodidacte alors il devient la plume des hommes célèbres.

     On est déjà dans une spirale hitchcockienne. Le pauvre type entraîné dans une machination qui le dépasse, héritage hitchcockien à l’obsession. Et puis en même temps ce genre de récit progressif, parano, plein de fausses pistes c’est totalement Polanski. Il y a d’abord une étape où le personnage ne se doute de rien, il est dans l’appétit du gain, totalement aveugle. La lecture des six cents pages de l’ouvrage ne le réjouit pas mais il n’a pas le choix il faut qu’il s’y lance. Et puis par la suite il y a tout un tas de petits secrets, de découvertes étranges, de comportements qui se démarquent. Le récit est très limpide et en même temps très complexe. On progresse avec le personnage. On ne voit rien d’autre que ce qu’il voit. Ces grands espaces qui l’encerclent deviennent peu à peu menaçants. Il est comme emprisonné. Le fait est, en plus, qu’il doit séjourner chez son hôte qui vit reclus sur une île. Les indices pleuvent dans le film, des indices qui mènent à quelque chose, d’autres qui ne mènent à pas grand chose. Disparition de ceux qui en savent trop. On pense à une gigantesque conspiration politique. Puis disparition du principal suspect. Efforts anéantis. Polanski nous demande de regarder au second plan. C’est ce que l’on voit moins qui pourtant saute aux yeux. A l’image de ce balayeur sur la terrasse – qui fait office de running-gag – qui n’en finit plus de ramasser les feuilles.

     Il n’y a pas tant de film de Polanski qui joue autant sur le plan large en fin de compte. Dans The ghost writer si l’on n’est pas en intérieur où le plan se resserre forcément nous sommes dans l’immensité indomptable des plans larges en extérieur. Cette embarcation de ferry la nuit par exemple. Cette maison isolée uniquement encerclée de dunes de sables, puis de l’océan. Cet océan qui ramène des corps à des endroits où il est normalement impossible qu’il les ramène. Il y a une gestion de la lumière incroyable.

     Et puis il y a les cinq dernières minutes du film. La vérité éclate, elle emporte tout. Un bout de papier qui circule de mains en mains avant d’arriver jusqu’à sa destinatrice. Un verre levé. Une confidence dans l’oreille. Un homme qui cherche un taxi. On y retrouve ce fameux plan large. Il disparaît hors champ. Une voiture débarque à une vitesse folle, le renverse toujours hors champ. Les feuilles du manuscrit qu’il tenait entre ses mains, et donc la vérité sur cette machination s’envolent dans les rues new-yorkaises. En attendant qu’un ghost balayeur prennent à son tour le relais. On a retrouvé le Polanski de Chinatown.

     Il est intéressant de faire un léger comparatif avec le Scorsese sorti la même année dans le sens où ce sont tous deux des films centrés sur un personnage emprisonné. Si Shutter island m’a cueilli, bouleversé, m’a fait terriblement flipper aussi donc a déployé davantage d’émotions immédiates me concernant, je me surprends aujourd’hui à revoir plus aisément le Polanski tant en terme de récit et de mise en scène je le trouve d’une richesse absolument démente. Et il a cette capacité à ne pas se dévoiler d’un seul coup. J’y pense régulièrement depuis que je l’ai vu. Je me remémore des instants que je croyais avoir oubliés. C’est vraiment un grand film.

Tess – Roman Polanski – 1979

01.-tess-roman-polanski-1979-1024x682   8.5   Chef d’œuvre absolu ! D’une beauté sidérante. Et je découvrais. Et en blu ray. Pfiou… Au début, en le lançant, je restais sceptique. Je me disais, ok c’est vrai que c’est beau, c’est la méga classe, mais le splendide support y est sans doute pour beaucoup, et puis je vais sans doute finir par me faire chier. Et puis le film te saisit par petites touches, des trucs auxquels tu ne t’attends jamais, un découpage hallucinant, une science du cadre, tout y est subtil, nuancé, plein de rebonds, de fulgurances. Au final je n’ai pas vu passer les trois heures. Au générique final, j’étais sur les rotules. Difficile de le comparer à d’autres films de la filmographie de Polanski mais nul doute que c’est le plus beau, ample et triste film que j’ai vu de lui. J’y reviendrai plus longuement la prochaine fois.

La Vénus à la fourrure – Roman Polanski – 2013

21006009_20130515123856834_jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMaudite Aphrodite.

      7.5   Le cinéma est une affaire de croyance. Le bonheur immédiat procuré par le dernier film de Roman Polanski rappelle combien une immersion totale est un fondement cinématographique non négligeable. Croire en la puissance fabulatrice, apprivoiser le bouleversement des coordonnées, accepter un lieu défini en tant que projection intérieure. C’était le cas de Gravity il y a peu, qui fascinait par le relief mental et physique que ce voyage spatial offrait, c’est aussi le cas de La Vénus à la fourrure, film à deux personnages là-aussi, étrange rencontre aphrodisiaque sur les planches d’une salle de théâtre.

      Les premiers plans des films de Polanski sont toujours minutieusement travaillés, ce sont d’emblée des portes d’entrée évocatrices. Ici, le temps est orageux, l’avenue parisienne déserte. Un délicat travelling avant nous emmène quelque part, en douceur. A l’horizon la continuité de ce chemin, sur ses abords une rangée d’arbres. Le générique défile. La caméra glisse paisiblement puis bifurque à droite, vers l’entrée d’un théâtre, jusqu’à ses portes qui s’ouvriront d’elles-mêmes pour l’accueillir. Mais déjà il faut se méfier : le flash d’un éclair vient projeter une ombre d’apparence humaine sur la porte. Mais sa brève apparition inspire une inquiétude, une part de merveilleux. Il y a quelque chose du Suspiria de Argento là-dedans, le giallo n’est pas loin. Pas de fantômes ni de meurtres à venir, c’est néanmoins plus que l’entrée d’une femme dans un bâtiment parisien qui se joue ici. Il est évident que la caméra est un personnage. Mais un personnage aérien, se faufilant mystérieusement, un personnage déjà plus grand que ses apparences. La seconde porte, celle qui ouvre directement sur la salle, surplombant son immensité, indique par l’intermédiaire d’une affichette que la représentation de La chevauchée fantastique est annulée.

     Ereinté par cette journée d’audition où il vit se succéder des prétendantes au rôle de l’actrice principale qui selon ses dires, furent toutes plus nulles les unes que les autres, Thomas, le metteur en scène, s’apprête à plier bagage. Son adaptation du roman de Sacher-Masoch attend toujours sa Wanda. Cette femme un peu folle, à la posture inimitable (sa première apparition à l’image) qui débarque trempée, excessivement en retard, à moitié débraillée, avec un langage limité à celui d’une poissonnière ne devrait à priori pas changer la donne. Avec bagout et l’aide de la sonnerie de téléphone (La chevauchée – non pas fantastique mais – des Walkyries de Wagner) de Thomas, la jeune femme se retrouve sur la scène, prête à être auditionnée. La réticence du metteur en scène va progressivement être annihilée par cette femme tornade qui le contraint volontiers à lui donner la réplique. Le piège se referme subrepticement sur lui. Il faut dire que cette jeune femme s’appelle Vanda, comme le personnage. Première esquisse d’un jeu de dédoublement aux frontières du fantastique qui commence par le séduire sans qu’il ne puisse contrôler quoi que ce soit.

     Tout devient alors enivrant. Le théâtre lui-même impose un prestige passé, il n’est pas délabré mais il ferait difficilement recette étant donnée sa triste devanture. L’annulation de la représentation du western sonne le glas : dans cette salle moribonde, vide de convives, vide de sujets à auditionner (« Si vous venez pour les auditions de La Vénus à la fourrure, trop tard, ils sont déjà tous parti » clame le metteur en scène dès l’arrivée de la jeune femme) il faut un bouleversement, lui offrir une seconde vie. C’est Vanda qui va jeter un sort sur ce lieu, cette femme qui sort continuellement de son sac des tenues d’époque improbables, trouvées aux puces, une robe, des bottes et même un veston de Prague du siècle dernier qui n’est pas sans émouvoir Thomas. Les évènements les plus incongrus amoncellent, non pas au travers d’un décor endiablé comme c’était le cas dans son chef d’œuvre Répulsion, mais par le prisme de cette femme, qui ne paie pourtant pas de mine au premier abord mais se révèle dans le jeu une actrice exceptionnelle, connaissant son texte à la perfection, et dont la simple première réplique plonge d’emblée Thomas dans un songe aventureux et un piège béant qui le saisira jusque dans une dimension hallucinatoire avant de se refermer sur lui en prenant au pied de la lettre les mots de Sacher-Masoch « Et le Tout-puissant le frappa et le livra aux mains d’une femme ! ».

     Les rapports de domination qui traversent le texte prennent vie aussi dans la réalité de cette salle de théâtre. Le metteur en scène perd peu à peu son statut privilégié. D’abord bousculé pour incarner Séverin Kusiemski – puisqu’il n’y a personne pour donner la réplique à Vanda – il se retrouve bientôt circonspect devant les initiatives de l’actrice, qui n’hésite d’ailleurs pas à modifier les éclairages de la scène ou à changer l’introduction de la pièce. C’est Vanda qui dirige Thomas désormais, elle tire les ficelles, décide d’arrêter ou de continuer. Le film superpose alors tout ce qu’il peut superposer, retourne tout ce qu’il peut retourner, annule toutes les hiérarchies possible, à commencer par le rapport homme/femme puis auteur/acteur, mélange tous les rôles afin de créer dans cet espace confiné de représentation une ambiance toute particulière, joviale et torride avant de devenir vénéneuse et terrifiante – la fin est un sommet mais Polanski a toujours soigné les fins de ses films démoniaques, plongeant ses personnages dans un cauchemar esthétique et terrorisant – Je ne me suis jamais remis de celle de Rosemary’s baby.

     Polanski s’offre des plaisirs enchanteurs en insérant quelques sons d’éléments mis en scène dans la pièce, éléments imaginés : Le bruit d’une cuillère touillant un café, par exemple. Il s’offre aussi une multitude de raccords intéressants : Le café de la scène appelle un café dans la salle ; L’écharpe de Vanda devient la fourrure. La fiction contamine progressivement le réel jusqu’à finir par tout annuler, nous perdre dans un entre-deux jubilatoire, où même les prénoms sont échangés (Vanda incarnant Wanda dit un moment donné Thomas au lieu de Séverin) ainsi que les rôles (Thomas s’improvise en Vanda le temps d’un instant, avant d’être maquillé, habillé en femme et de redevenir un Thomas travesti).

     La projection annulée de La Chevauchée fantastique offre un double décor : un bureau et un canapé comme perdus au beau milieu d’un désert de cactus dont un à l’allure disproportionnée offre un symbole phallique de toute beauté. L’image est grosse mais injectée en tant que cliché dans la pièce puisque c’est Vanda elle-même qui le repère et évoque l’image, que Thomas s’empresse d’évacuer en prétextant un décor qui ne lui appartient pas. Le film ne cessera de se jouer des symboles et des significations de comptoir « Pourquoi faut-il toujours tout ramener quelque chose à autre chose ? » s’agacera le metteur en scène. En un sens, Polanski fait l’aveu de vouloir revenir à un cinéma brut, sans double sens, à rejouer la folie. C’est presque un remake du Locataire sur ce point.

     Vanda est une femme extravertie sans langue de bois et devient responsable et sérieuse dans le rôle. A contrario, Thomas est quelqu’un de très précis et méthodique mais devient en interprétant Séverin quelqu’un d’incontrôlable. Entre ces longues plages de répliques jouées s’immiscent des interstices en forme de commentaires qui ne tardent bientôt plus à se fondre aussi dans le procédé si bien qu’on ne sait plus vers la fin si nous assistons à une répétition ambiguë entre deux acteurs ou à une passion délirante entre deux personnes. Il faut souligner la puissance de jeu à plusieurs étages d’Emmanuelle Seigner, littéralement habitée par ce triple rôle (Wanda, Vanda masquée, vraie Vanda) qui s’en donne à cœur joie sous l’œil de son mari qui semble lui offrir le rôle de sa vie. Mais ne pas oublier cette magnifique transfiguration de Mathieu Amalric qui devient peu à peu le Roman Polanski du film Le locataire. La ressemblance est étonnante.

     La pièce de David Ives dont s’inspire le film de Roman Polanski se moquait du roman de Sacher-Masoch puisqu’elle partait du principe que la pseudo prise de pouvoir de la femme se retournait contre elle en observant un homme qui assouvissait son fantasme de soumission. En un sens le personnage masculin avait gagné. Ici c’est tout le contraire puisque la femme est consciente de jouer un double jeu et se venge de n’être qu’à la base l’instrument de la soumission de son partenaire. A ce propos, la scène de danse finale est magnifiquement mis en scène (et en lumière) en libérant le démon féminin se dandinant nue autour de sa fourrure qui fait de cet homme cupide son jouet sacrifié accroché à son cactus phallique. Jubilatoire.

Répulsion – Roman Polanski – 1966

repulsion-1965-06-g-1024x669A l’intérieur.

     9.0   Second film de Roman Polanski, après le très bon Le couteau dans l’eau, absurde et violent. Mais c’est bien le premier où le cinéaste explore déjà à merveille ses thèmes qui lui seront chers par la suite. La paranoïa et le déséquilibre mental dans un premier temps. Carole ne cherche pas à faire des rencontres, elle semble se complaire dans ce quotidien qui la ronge, tandis que sa sœur vit de passion avec son copain. Les deux sœurs habitent sous le même toit. Bientôt, quand l’une prendra des vacances, l’autre gardera les lieux. Cette confrontation avec une solitude totale réveille les démons intérieurs de Carole, seule désormais face aux miroirs. Bientôt certains détails quotidiens qui l’attaquent lui seront insupportables : un surplus de poussière sur une chaise, la brosse à dent de l’homme qui lui vole sa sœur rangée dans son propre verre. Puis dans un deuxième temps c’est d’hallucinations et de schizophrénie dont est victime la jeune femme. La progression est similaire dans Le locataire, que Polanski tourne quelques années plus tard, jouant lui-même le rôle. Elle comme lui se sent en danger. Si pour lui ce sont des voisins malveillants qui veulent lui faire quitter les lieux, elle, se met à imaginer l’intrusion, puis qu’elle se fait violer. Magnifique et terrifiante scène du miroir pour illustrer la situation. Dans cette folie progressive, Carole quitte son travail, rentre chez elle puis se barricade. Inévitablement elle enferme encore davantage ses pensées. Dans un troisième temps elle est habitée par le crime. Celui, imaginé, d’un homme qui a voulu abuser d’elle. Celui, réel, du gardien d’hôtel, simplement inquiet pour non-paiement de loyer. Les crimes sont atroces et la jeune femme est désemparée, elle est quelqu’un d’autre, littéralement transfigurée par la peur. Si Rosemary’s baby jouait sur deux niveaux à savoir la paranoïa ou non d’un côté, la conspiration ou non de l’autre et le spectateur pouvait à la manière de Soupçons d’Hitchcock avoir la réponse à la toute dernière scène du film, Le locataire et donc Répulsion fonctionnent sans pièges, sans fausses routes, on sait d’emblée que tout se passe dans la tête du personnage. Ce qui ne nous empêche pas d’y croire. Et c’est la force de ces deux films : provoquer cette angoisse, cette émotion de façon chronique alors qu’il s’agit juste d’un cerveau qui déraille. Et Répulsion a quelque chose que Le Locataire n’a pas : Le noir et blanc et le travail sonore immense. Car faire un tel film, d’horreur, d’angoisse tout cela sans hémoglobine, sans jouer sur les couleurs vives il fallait être doté d’un son génialement flippant. En ce sens Répulsion est un film énorme et à l’instar de Shining ce n’est pas tant l’image (choc) qui colle le spectateur à son siège mais bien toutes ces sonorités terrifiantes. Immense film donc. L’un des plus angoissants qu’il m’ait été donné de voir.


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