Archives pour la catégorie Sam Mendes

Empire of light – Sam Mendes – 2023

??????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????L’empire des sens.

    6.0   Loin de ses films aux formes ostentatoires, de 1917 à ses opus de James Bond, avec Empire of light Sam Mendes renoue plutôt avec sa modestie, sa veine intimiste, dans la lignée des Noces rebelles, de Away we go. Modestie rimera par instants avec académisme, tant le film semble hors du temps, déjà vu, plein de bonnes intentions. La première c’est évidemment la déclaration d’amour au cinéma, comme le font aussi Spielberg (The Fabelmans) & Chazelle (Babylon) mais saisie sous l’angle de la salle, chez Mendes.

      Le récit se déroule au tout début des années 80, sous l’ère Tchatcher, dans une station balnéaire du sud de l’Angleterre, en grande partie à l’intérieur d’un cinéma, l’Empire. On y suivra majoritairement Hilary, campée par Olivia Colman. Une femme seule, réservée, très méthodique, qui renferme de grandes douleurs, qu’on verra poindre. Il y aura aussi le personnage du nouveau, qui sera notre guide, afin qu’Hilary nous fasse découvrir le décor mort de ce cinéma, qui auparavant contenait quatre salles et non deux, un bar et donc un étage supplémentaire, transformé en pigeonnier et bientôt en lieu de rendez-vous amoureux des âmes tristes.

     Tout y est un peu scolaire. Parfois niais : On y soignera même l’aile d’un pigeon blessé. On y verra lourdement le visage d’Hilary en contre-plongée, émerveillé par l’écran, bouleversé par le visionnage de Bienvenue Mister Chance, d’Hal Hashby. Il y a quelque chose dans l’approche, des lieux, de ce personnage, une lourdeur systématique, qui m’évoque La forme de l’eau, de Guillermo del Toro. Mais ce film est nettement plus beau quand même, ne serait-ce que pour sa rencontre centrale, entre deux êtres victimes de discriminations, qui rappelle un peu le Tous les autres s’appellent Ali, de Fassbinder.

     Sam Mendes est un réalisateur-mystère pour moi. D’un film à l’autre je ne reconnais rien de lui. Il m’arrive aussi d’oublier qu’il a réalisé tel film, de croire qu’il en a réalisé d’autres. Il a réalisé deux opus de la franchise de l’agent secret le plus célèbre, mais pourrait faire pareil chez Marvel, qu’on n’y verrait que du feu. C’est un auteur sans patte, sans personnalité. En toute logique, ce qui m’intéresse in fine chez lui ce sont donc ces films impersonnels, et en priorité 1917, qui n’est qu’un manège dans les tranchées, ce qu’on pourra trouver douteux, grotesque, limité, ce qu’on voudra, mais qui sur moi a fonctionné, qu’importe sa vacuité d’ensemble. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. Rien que ses James Bond me divisent : Oui à Skyfall, non à Spectre. Et si Empire of light est sur le papier son film le plus personnel (Mendes raconte s’être inspiré de sa propre mère pour le personnage d’Hilary et il en a par ailleurs, c’est une première, écrit solo le scénario) il s’avère être complètement « comme les autres » sur le plan formel. Un peu comme Les sentiers de la perdition il y a vingt ans était un banal film de gangsters.

     Ce qu’il y a de plus beau dans le film, c’est aussi ce qu’il y a de moins émouvant, incarné :  c’est ce lieu, ce cinéma. On ne peut pas reprocher à Mendes de ne pas faire du Akerman, néanmoins je suis persuadé qu’il aurait dû en faire un objet expérimental, son Hôtel Monterey. Le début du film, quand il investit chaque pièce, allume les lumières, c’est très beau. J’aurais adoré connaître ce cinéma, l’Empire, comme on traverse celui de Tsai Ming-Liang, dans son chef d’œuvre Goodbye dragon-inn. Malheureusement, Mendes se sent obligé de raconter quelque chose et d’en mettre beaucoup trop : Une histoire d’amour, un climat raciste, un harcèlement, une bipolarité, le quotidien d’une famille issue de l’immigration, la rencontre d’âmes solitaires en errance, un toit, une plage, un appartement, un hôpital. Il en fait trop. Si bien que son cinéma, en tant que lieu investit, n’existe plus, dévoré par le scénario. Et paradoxalement c’est aussi ce qui sauve le film, qui n’était pas suffisamment concluant en tant que déclaration d’amour au cinéma.

     Bon, ce n’est pas non plus Olivier Dahan, donc il sait y faire. Un peu. Empire of light m’a touché. Aussi bien le portrait de cette femme, diagnostiqué schizophrène, employé à la caisse du cinéma, que son histoire d’amour impossible, avec un jeune noir d’origine antillaise. Aussi bien le portrait de cette époque que la vie de ce cinéma, avec son hall lumineux, son étage oublié, son toit plongeant sur la baie, sa cabine de projection. La sublime photo signée Roger Deakins n’y est bien entendu pas pour rien.  

1917 – Sam Mendes – 2020

07. 1917 - Sam Mendes - 2020Les messagers d’un jour.

   7.5   Sam Mendes raconte le périple de deux soldats anglais qui traversent tranchées et lignes ennemies afin de délivrer un message capital dans le bataillon d’à côté, en vue de sauver mille six-cents hommes promis au massacre. Il dédie son film à son grand-père, pour toutes ses histoires de guerre qu’il lui contait.

     Le film a la particularité de s’offrir via un plan-séquence (en réalité deux gros plans séquences) le contraignant à investir un seul espace-temps. Rien d’étonnant à voir Sam Mendes (qui déjà en use dans l’ouverture de Spectre) se frotter à cette contrainte dans la mesure où il vient du théâtre, qui à sa manière se gère en un plan-séquence (et des mois de répétitions). En outre, l’imposant dispositif technique permet de s’accommoder à l’urgence de la situation. C’est un compte à rebours d’un point A à un point B. On plonge dans le survival pur : Il faut transmettre un message et ne pas mourir.

     Mais c’est moins un (faux) plan-séquence qu’une succession de plans séquences enchâssés avec des transitions secrètes façon La corde. Que le plan séquence soit accompagné de coupures assez visibles (des raccords au noir, une ellipse comateuse) cela n’empêche guère le film d’être toutefois apprécié pour sa prouesse technique qui vise à reproduire le temps réel et l’immersion dans les tranchées. Ce n’est pas un plan unique (Et Mendes ne cherche pas à nous le faire croire) mais c’est tout comme, dans la mesure où il y a continuité temporelle.

     Si le dispositif est gage d’immersion il s’avère aussi anti-spectaculaire au possible, dans la mesure où tout se vie à travers son personnage. La reconstitution est hallucinante, la figuration conséquente, pourtant on en profite moins qu’à l’accoutumée puisqu’il nous sera donc interdit de voir la destruction dans son ensemble, la guerre dans ce qu’elle a de plus outrancière. En échange le film est très organique, on y voit les rats sur les cadavres, on se jette dans les flaques de boue, on passe au travers de nuées de mouches voltigeant au-dessus d’un corps de cheval en décomposition, on y croise des arbres tuméfiés, des soldats morts pris dans des barbelés. Le no man’s land c’est l’horreur et on y est.

     Le plan d’ensemble dans 1917 n’existe pas ou bien il se réduit à une silhouette dans une tranchée ou la traversée d’un pont ou une déambulation dans une ville en ruine, instants très brefs où la caméra s’éloigne pour se trouver elle-aussi un chemin, avant de recoller à nouveau à son personnage, devant lui, derrière lui, à ses côtés, elle le suit, ne le lâche pas. Jusqu’à l’accompagner dans des lieux beaucoup moins « beaux » à filmer ici à l’intérieur d’un bunker, quand il s’agit de recevoir l’ordre d’un officier, là dans un appartement sombre et délabré, pour une rencontre détachée, providentielle. Il y a un héritage Kubrick évident tant par ses travellings arrière dans les tranchées on pense aux Sentiers de la gloire ou bien à Full Metal Jacket lors de la menace du tireur d’élite, invisible, tapi dans l’étage d’un bâtiment en ruine.

     Quant aux personnages, Blake et Schofield, le film est clair sur ses intentions. En s’ouvrant sur le second, en pleine sieste, adossé à un arbre, le film ne ment pas : Si le moteur c’est l’autre (Trouver son frère), le vecteur c’est lui. Le personnage à suivre. Le film a tellement conscience de l’ambiguïté de son dispositif qu’il semble parfois nous convier à l’embryon d’une interactivité – comme si l’on réfléchissait de la suite des évènements avec les personnages, comme s’ils attendaient notre aval. Une dimension méta qui en fait moins la transposition cinéma d’un jeu vidéo – après tout, le personnage ne peut pas mourir, puisque le film ne peut pas repartir – qu’une volonté de faire corps avec l’espace, la temporalité, la reconstruction démente et la photographie hallucinante de Roger Deakins.

     La sortie de l’ellipse qui ouvre le deuxième plan-séquence du film nous convie dans un film d’horreur. L’espace d’un instant, il est permis de douter que Schofield ait survécu tant l’image, nocturne, n’est plus la même, les ruines soudain sont éclairés par des fusées, c’est les ténèbres. On a basculé dans le fantastique. Franchement on n’avait pas vu ça depuis Apocalypse Now. Et pour rester chez Mendes, on se souvient de la fin de Skyfall en arpentant cette ville détruite. Bref cette traversée d’Escout, c’est d’ores et déjà l’un des moments les plus marquants de l’année, esthétiquement parlant. Sans compter que dans la foulée on tombe dans des rapides, on s’en extraie enveloppé par des feuilles de cerisier avant d’arriver au milieu d’un bataillon au repos chantonnant en chœur The wayfaring stranger. C’est à tomber.

     L’histoire quant à elle est réduite à peau de chagrin – ce que certains ne manqueront pas de lui reprocher, les mêmes qui s’acharnaient sur Gravity – et c’est tant mieux puisque là encore ce n’est pas la somme de tiroirs et rebondissements qui comptent mais bien ce voyage aux confins d’une détermination aussi absurde que ce sur quoi elle repose : Un message à transmettre pour un piège à éviter pour un assaut à l’aube à suspendre, tout en sachant bien que cet ordre sera caduque le lendemain.

      En ce sens le film est tout sauf à la gloire d’un seul homme tant on en sort plutôt avec une sensation de tristesse et de fatalité plus qu’autre chose, à se demander si ce héros d’un jour – d’un film – reverra sa famille – C’est beau que Mendes fasse exister ça in-extremis : C’est un soldat comme un autre, avec une photo de famille dans la poche – ou tombera au front demain. En somme, rien d’étonnant à voir Schofield adossé à un arbre dans les dernières secondes de ce (faux) plan-séquence unique.

007 Spectre (Spectre) – Sam Mendes – 2015

13603684_10153788279607106_423807751783643999_oCold.

   3.0   C’est l’épisode de James Bond le plus froid de la série. Alors qu’il a tout pour se dénuder étant donné qu’il investit les origines, à sa façon puisqu’il évoque moins la première mission (Casino Royale) qu’un retour forcé sur la période d’apprentissage de l’agent double au sein de sa famille d’accueil à la suite du décès de ses parents. Il va donc affronter celui qui fut comme son frère. Mais c’est froid comme la glace et sans âme. Et pire tout est archi prévisible. On ne regarde pas un épisode de James Bond pour être surpris (ça n’arrive jamais) mais pour être suffisamment stimulé – Skyfall réussissait cela très bien, sans doute constituait-il la fin du système Bond dépressif selon Craig et Mendes. On se retrouve ici avec du déjà-vu et du chiant. La totale. Aucune scène d’action intéressante – Allez je sauve cette ouverture exceptionnelle, et son plan-séquence qui t’en mets plein à la vue pour pas grand-chose, car il y a des lieux (Maroc) et une situation (la fête des morts) et un dispositif d’action Rue/Immeuble/Hélicoptère assez grandiose. Puis plus rien. Un générique atroce et de l’ennui. Et des personnages dévitalisés – Alors qu’on a engagé le gratin du cinéma mondial : Ralph Fiennes, Léa Seydoux, Christoph Waltz (le même que chez Tarantino), Ben Wishaw, Monica Bellucci. Aucun intérêt et pas une once d’humour alors que ce 24e épisode ressort les gadgets, l’Aston Martin et ressuscite l’organisation criminelle qui apparaissait déjà dans Dr No. Et bon sang que c’est long. Interminable.

Skyfall – Sam Mendes – 2012

2422c7efb4973854687f46ffd4f01b6b027610f800ec5cd99551280c33f2cdb3L’espion qu’on aime.   

   6.5   Je voulais en dire quelques mots à l’époque mais j’étais déjà occupé par le Assayas. Pour faire court je pense que c’est le meilleur film de la saga tout simplement parce qu’il ne ressemble pas aux autres, il les a liquidé, dépoussiéré et non content de réinventer le mythe, en lui offrant un passé et en l’humanisant, le film se paie même le luxe de nous concocter trois séquences d’action démentes qui balaient tout James bond et Jason Bourne confondus : les toits d’Istanbul, ceux de Shanghai et la demeure écossaise.

Les noces rebelles (Revolutionnary road) – Sam Mendes – 2009

Les noces rebelles (Revolutionnary road) - Sam Mendes - 2009 dans Sam Mendes noces-rebelles_407

     7.0   Je ne suis pas un admirateur de Mendes. Je n’aime pas Les sentiers de la perdition que je trouve molassons et conventionnels, Je n’aime pas Jarhead, film de guerre à deux balles en roue libre, quant à American Beauty, même si je l’aime moins aujourd’hui qu’avant, la faute à sa surenchère permanente et son cynisme ambiant, c’est le seul que je pourrais très facilement réessayer un de ces jours. Mais il est évident, mais carrément évident que Revolutionary Road est son meilleur film. Et de très loin. Tout ce qui me bloque chez lui est ici évacué. Son utilisation musicale est très réduite. Ses montages alternés ont laissé place à une mise en scène très sobre, rappelant celle de Clint Eastwood. L’histoire surtout est palpitante, cette idée du couple qui désire changer de vie, mais se retrouve confronter aux doutes, me fascine parce qu’elle est traitée avec maîtrise. On a pu récemment apprécier ce que faisait James Gray de la pression familiale et son influence sur les esprits tourmentés, on est dans le même système ici. Sauf que les parents ne sont plus. Il s’agit davantage de fierté, de reconnaissance. Et il y a la question de l’argent. Même si dans le fond, n’est ce pas autre chose qui peut ronger ? Cette idée du confort par exemple. Changer de vie n’a rien d’anodin. Et lorsque l’on s’y refuse on peut le payer au prix fort. Dans la dernière partie Mendes refait le Mendes d’American beauty. Mais en plus réussi. Son cynisme est toujours là et bien là, il est juste beaucoup plus travaillé, plus sobre, plus en retenue. Revolutionary Road aurait lui aussi pu s’appeler Les Trois Singes. La fin du film en est clairement l’illustration. Pour survivre à la morosité, mieux vaut ne rien dire, ne rien entendre, ne rien voir. Et surtout éviter la demi-mesure. Le film le plus triste de Mendes.

Away we go – Sam Mendes – 2009

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   1.0   Sam Mendes, réalisateur d’American Beauty, m’avait récemment convaincu avec ses Noces Rebelles qui perçait à vif le couple moyen américain dans ses doutes existentiels quant à sa quête du bonheur conjugal. Pas de vanité conservatrice à les voir souffrir puisque l’idée même du film consistait à observer un couple qui justement nourrissait de promesses son quotidien mais se retrouvait coincé par leur besoin irrémédiable d’un confort à jamais convoité. Away we go est un peu tout le contraire de son précédent film. A savoir le versant beauf et léger, détourné en quête nostalgique et nombriliste. Un couple est sur le point d’avoir un enfant. Il leur est tombé dessus comme ça – succulente scène d’entrée parce qu’intime – et les voilà paumés en plein doute sur leur petite vie de bohême qui ne se marie pas, à leur sens – même si Mendes ne dit jamais le contraire – avec l’arrivée d’un marmot. Ils embarquent pour un long périple prénatal à travers l’Amérique – ses parents à lui étant sur le point d’emménager en Belgique – afin d’y chercher un couple témoin. Un couple qui leur servirait d’exemple. En fait notre petit couple cherche un appartement. Il y aura des appartements trop grands ou trop petits, sales, bordéliques, d’autres d’apparence parfaite mais qui cacherait un sous plafond défaillant. Il n’y aura pas d’appartement idéal. Que cet idéal n’existe pas pour le cinéaste je suis prêt à le concevoir – Existe t-il un idéal ? – mais qu’il ne se trouve vraiment nulle part, dans aucun geste, aucune parole de ces différents personnages je trouve ça assez exécrable. C’est un film très exigeant concernant ses appartements. Donc très méchant envers ses personnages, tous plus ou moins marginaux. Mendes condamnerait-il la marginalité ? Peut-être pas tant que ça puisque notre joli petit couple, après un tête-à-tête assez réussi sur un trampoline s’en remettra enfin à lui-même et décidera de tout plaquer pour aller vivre en campagne, dans la vieille demeure familiale de la jeune femme, dont les parents sont décédés durant son jeune âge. Contradiction. Mendes vient de nous dire qu’on ne trouve pas de plénitude chez les vivants mais seulement sur les lieux de vie des morts. J’ai beaucoup souffert durant le visionnage. J’ai eu la sensation plus que désagréable que le film me disait de ne pas faire de gosses, d’abandonner toute vie de famille, de ne faire confiance ni à ses amis, ni à sa famille. J’ai trouvé le film extrêmement méchant, cynique et vulgaire. Sans compter qu’il est accompagné d’une petite soupe musicale horripilante qui finalement lui sied à merveille.


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silencio


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