Archives pour la catégorie Sam Peckinpah

The ballad of Cable Hogue – Sam Peckinpah – 1970

23. The ballad of Cable Hogue - Sam Peckinpah - 1970La source.

   8.0   Je n’imaginais pas Peckinpah capable d’autant de tendresse, envers son récit et chacun de ses personnages, capable d’une parenthèse – quasi une comédie – aussi douce entre La horde sauvage et Chiens de paille. Son tempérament nihiliste se loge masqué ici dans une trahison introductive aux vertus finalement providentielles et dans une vengeance macérée qui n’aura pour ainsi dire jamais lieu.

     Malgré tout c’est toujours la violence qui régit les relations humaines, chez Peckinpah, il suffit d’évoquer le destin du premier client de Cable Hogue dans le désert autant que le côté pernicieux d’un prêcheur lubrique qui joue sur la crédulité des gens de foi, mais pas de grandes scènes virtuoses de violence pure et directe. Ce seront plutôt les nouveaux moyens de transport qui symboliseront la fin d’une ère et à fortiori celle de Cable Hogue.

     Reste un coin de désert où l’eau surgit comme par miracle et permet à ce personnage magnifique, de se construire une concession entre deux villes, un relais de diligences permettant d’abreuver les voyageurs. Il rencontrera aussi la belle Hildy, la seule pour laquelle il envisage de sortir du désert.

     C’est évidemment un bonheur de retrouver Jason Robards, Stella Stevens et David Warner là-dedans dans les rôles respectifs de l’entrepreneur, la prostituée et du prédicateur, trois parfaits témoins de l’Amérique, du far west ou de l’ère moderne. À noter que la photo, la musique et les chansons, tout est génial dans Cable Hogue.

Croix de fer (Cross of iron) – Sam Peckinpah – 1978

9-Croix de fer, Sam Peckinpah, 1978L’enfer est ici.

   9.0   Le nihilisme de son auteur se trouve à son apogée avec Croix de fer, récit d’un bataillon allemand en retraite sur la péninsule de Taman, en 1943, depuis la défaite à Stalingrad. Deux figures masculines s’y rencontrent et rivalisent : un sergent aussi rigoureux que désenchanté, admiré de ses soldats et qui méprise les hiérarchies, et un officier opportuniste, aristocrate prussien en quête du fameux symbole de bravoure, la croix de fer.

     C’est La horde sauvage sur le front russe. Soit une plongée dans les entrailles de l’enfer, au sein de forêts désolées, tranchées de boues, terrains de barbelés sur lesquels s’entassent les cadavres. L’horreur de la guerre n’a plus de limites dans Croix de fer. On roule sur un corps dans une ornière. Un enfant se voit criblé de balles. C’est un chaos de chairs avant tout. La terre tremble en permanence. La bande-son est quasi exclusivement faite de tirs d’artillerie et autres explosions, au loin ou tout proche.

     Comme à son habitude, Peckinpah use d’un montage cut lors des scènes de batailles, accentuant l’immonde absurdité du combat, d’un plan à l’autre, d’un ralenti à l’autre. C’est la représentation la plus sale de ce que peut être la guerre. Ça transpire de partout, des visages, des sons. On y sent presque la puanteur des sous-sols. D’un point de vue graphique c’est dément.

     C’est son seul film de guerre. De guerre pure, disons. Il fait figure d’anomalie tant c’est un film très maîtrisé, ce qui semble improbable quand on connaît l’histoire de sa conception : le film est produit pour rien par un producteur de pornos, c’est à la base une commande (Peckinpah avait le choix entre ça et King Kong, qui se fera finalement par John Guillermin) et son réalisateur, alors en fin de course, est bourré du matin au soir.

     C’est un film apocalyptique qui fait le portrait permanent d’une dichotomie fulgurante, dans la lignée de ses quatre minutes introductives, durant lesquelles des images d’archives de guerre, des troupes allemandes, d’Hitler, de bombardements sont entrecoupées de visages d’enfants, le tout accompagné par une mélodie enfantine qui côtoie une symphonie militaire. Il y a du Eisenstein dans cette introduction. Grosse claque, évidemment.

Pat Garrett & Billy the kid – Sam Peckinpah – 1973

15. Pat Garrett & Billy the kid - Sam Peckinpah - 1973Les temps changent.

   9.0   Tout le film est alimenté par des mouvements contraires, des paradoxes troublants. C’est une confrontation simple, en apparence, entre un shérif et un hors-la-loi. Entre Pat Garrett et William Bonney, dit Billy the kid. Si Peckinpah s’emploie à les rendre tour à tour sympathiques et antipathiques, qu’ils soient homme de loi ou cible à abattre, quelque chose de plus fort cloche : Ils sont amis. Tout du moins ils l’étaient. Un peu comme l’étaient Kirk Douglas & Anthony Quinn dans Le dernier train de Gunhill, de John Sturges.

     Dans chaque cas c’est l’histoire d’une amitié détruite par une redistribution des cartes : Pat Garrett était une figure de l’Ouest sauvage. Il est désormais du côté de la loi. Billy, lui, n’a pas changé : Un dialogue cinglant annonce le geste de l’œuvre de Peckinpah, toute entière. « Les temps changent peut-être mais pas moi » lâche Billy à Pat Garrett.

     Peckinpah ouvre son film sur un effet de boucle très particulier – des images tirées de deux séquences différentes, l’une en noir et blanc, l’autre en couleurs – puisqu’on y voit le shérif se faire tuer à Los Cruces tandis que Billy tire sur des coqs – Une ouverture dont on peut penser que Bigelow s’en souviendra pour ouvrir Point break, vingt ans plus tard. Deux époques, deux cibles, deux tireurs mais une causalité malgré tout qui annonce les forces déployées par le film tout entier.

     Pourtant, le film ne reviendra pas sur la mort physique de Pat Garrett. Il s’en tiendra à sa mort poétique : Le miroir sert de climax. Pat Garrett vient de tuer, enfin, Billy. Il voit son propre reflet dans le miroir, il tire. Son image éclate en morceaux. Comme si soudain il avait honte de se propre représentation ou comme si en tuant sa proie il signait son arrêt de mort. En tuant Billy, Pat se tue lui-même. Tout du moins tue-t-il ses origines.

     Garrett & Bonney incarnent deux figures opposées mais deux personnages jumeaux, séparés par l’Histoire mais réunis par les forces du récit. Les visages suivent cette ambiguïté. Le sourire affiché par William Bonney se mue parfois très soudainement en saillie mélancolique ; La froideur de Pat Garrett s’efface pour ouvrir un champ de douceur contemplative – Le film ne serait évidemment pas grand-chose sans James Coburn & Kris Kristofferson : Classe absolue.

     Et le récit lui-même réserve ses pas de côté, quittant souvent les rails vers des instants parfois miraculeux, très détachés, à l’image de cette famille dérivant sur un radeau de fortune, ou de l’adieu entre un vieux shérif touché, qui sait qu’il va mourir, et sa femme, en larmes, qui l’accompagne jusqu’aux abords d’une rivière. Rien n’est dit. Tout est regards, sous celui, en retrait, d’un shérif aveuglé par une quête insensée. Et sous les notes de Dylan. C’est bouleversant.

     Si le massacre est moindre que celui qui explosait aux extrémités de La horde sauvage, Peckinpah y retrouve cette énergie similaire, en chorégraphiant chaque affrontement, ici au siège d’Old Fort Summer ou là dans une banale scène de tirs sur des bouteilles vides. Ralentis, multiplication des plans, haute puissance sonore. Peckinpah se fait chef d’orchestre d’une violence aussi absurde que poétique.

     Sous ses atours de western, Pat Garrett & Billy the kid – qui sort en France la même année que Macadam à deux voies, de Monte Hellman, aussi écrit par Rudy Wurlitzer – est un road-movie dans le vieil ouest ; Un grand film crépusculaire, désenchanté, une sorte de requiem accompagné par les chansons mélancoliques de Dylan, qui tient ici un beau rôle fantôme, quasi enfantin.

     Les enfants sont partout : Ils l’étaient déjà dans La horde sauvage. Ici ils ouvrent le film en allant ramassés les coqs qui n’ont pas été pulvérisés par les tirs de Billy. Et ils le ferment : Un gamin jette des pierres vers Pat Garrett pour accompagner son départ. Il a tué son héros. Il peut s’en aller mourir.

La horde sauvage (The Wild Bunch) – Sam Peckinpah – 1969

La horde sauvage (The Wild Bunch) - Sam Peckinpah - 1969 dans * 730 horde-sauvage-1969-09-gL’armée des ombres.

   9.0   Les hors-la-loi vieillissants de The wild bunch ont ceci de fascinants que les casses entrepris sont leur dernier coup, ils appartiennent déjà à un monde qui n’existe plus. Le film s’ouvre sur leur arrivée à San Rafael, petite ville frontalière du Texas, où ils s’apprêtent à voler, vêtus d’uniformes de soldats, un transfert de fonds dans une gare de chemin de fer. En parallèle, des enfants jouent et rient en observant un scorpion se faire malmener dans une fourmilière, avant d’y mettre le feu. La fin du film est racontée dans ces plans introductifs anodins. Ces types sont dans une fourmilière. Qu’importe leur résistance, le combat est vain, on y mettra le feu. Le banal cambriolage de cette ouverture est piégé et prend l’allure d’une fusillade sanglante.

     Le cinéma de Peckinpah investit le western, genre en disparition, en lui assenant le coup de grâce. Un film régi par les lois d’une violence absurde et totale, dans la mesure où en plus d’être un carnage absolu comme on en avait jamais vu (Aussi bien dans la première séquence de tuerie que dans la dernière, où l’on raconte qu’il y a plus de morts à l’écran que de figurants au tournage) il épargne ni femmes ni enfants. La violence est ici une chorégraphie, les corps encaissent les balles, s’écroulent, sont maculés de sang ; Une violence à vitesse réelle alterne avec des ralentis. Les plans se chevauchent les uns dans les autres. Les inserts en tout genre sont légion, toujours saisis dans une limpidité d’orchestration minutieuse.

     La bande hors-la-loi est poursuivie par des chasseurs de primes (dont le cerveau est un ancien hors-la-loi, prêt à racheter sa place en prison) et tous sont bientôt suivis par des soldats, jusque dans un Mexique en pleine révolution. Ils ont traversés l’Ouest sur leurs chevaux, on leur présente des automobiles. Et dire qu’ils en font maintenant qui volent, dira Pike aka William Holden. Ils débarquent avec leurs fusils mais croisent une mitrailleuse. Dans le générique d’ouverture, leur apparition était systématiquement suivie d’un plan figé, en noir et blanc, les inscrivant déjà dans la légende. Les trois processions du film sont en somme les leurs.

     Néanmoins, une certaine douceur compense ce climat sauvage et crépusculaire. Une douceur qui provient d’un respect mutuel désespéré entre hommes qui se jettent bon gré mal gré dans un opéra suicide. Ce ne sont pourtant pas des héros : Pike abrège les souffrances d’un complice blessé, sans broncher. Dutch (Ernest Borgnine) laisse Angel aux mains de Mapache. Mais le film capte quelque chose de très beau dans leur regard ou leur absence ou leur folie : Un abandon tranquille qui va jusqu’à exploser dans ces nombreuses séquences potaches où chacun rie à gorges déployées, au bord d’un feu, dans un sauna ou dans des cuves à vin.

     Dans son village natal, pillé par des soldats mexicains, Angel voudra venger la mort de son père, en n’ayant plus comme seule obsession que de tuer son bourreau. Mais qu’importe son bourreau pour les autres, ce qui compte in fine c’est que son père soit mort en homme. Dès lors, si tant est qu’on en avait laissé échapper le sens jusqu’alors, le film est une dernière danse, funèbre, noyée dans la poussière et le sang. Le village, le train, le pont, Aqua Verde sont autant de situations terminales qui voient ou repoussent provisoirement un peu de leur propre mort à chacun. Un butin de pièces d’or convoité se transforme en coup manqué où l’on en récupère que des rondelles de fer grises. Le braquage du train, transportant des caisses de munitions d’armes, est vendu à ceux qui les tueront à la fin. Pas de miracle là non plus. Il s’agit de mourir ensemble.

     La cruauté d’enfants qui baignent dans cette violence, observent béat – comme ils observaient le scorpion pris dans l’embuscade des fourmis – les règlements de compte avant de les imiter plus tard dans leur propre monde, encore factice. Mais c’est bien eux qui portent sur Pike le coup de grâce final. Et la course absurde entre anciens comparses hors-la-loi devenu les plus grands ennemis, parce que l’un s’est fait prendre un jour sans l’autre, prend une dimension encore plus absurde dans la toute dernière séquence, post carnage. Leur attendue rencontre n’a pas lieu. Il y a en aura une autre à la place : Deux hommes vieux, l’un touché sur son cheval, l’autre avachi sur le sol, dévoré par le sable, refont alors route ensemble vers rien.


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silencio


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