2.0 C’est quoi Lebanon : Un devoir de mémoire, une expérience intime, un film sur le regard, sur la guerre ? C’est un peu tout ça à la fois. Il y a quelque chose qu’il faut savoir, qui à première vue est un fait louable, Samuel Maoz était tankiste il y a près de trente ans, il choisit donc de mettre en image sa propre expérience. Quid de savoir si mettre en scène ce que l’on a vécu est aussi difficile que mettre en scène ce que l’on a écrit. L’idée fait peur mais attire, tout de même. Lebanon a la particularité de se dérouler entièrement dans un tank. Nous sommes en 1982, en compagnie de tireurs dans un des chars de Tsahal. Le machin en ferraille s’apprête à franchir la frontière sud du Liban avec comme mot d’ordre si une voiture se pointe, de tirer une rafale à droite et à gauche puis de viser le moteur si les rafales restent sans succès. On le comprend assez vite il y a assez peu de libertés quant à ce que le spectateur est en mesure de voir. En gros l’intérieur du tank, ou bien l’extérieur uniquement dans le viseur.
Je crois qu’en allant voir le film c’est l’intérieur qui me fascinait le plus, j’avais hâte de découvrir cet endroit, de le sentir, d’étouffer autant que les personnages. Malheureusement on n’atteindra jamais ce stade. Englué dans un déluge de gros plans visages « Lebanon à l’intérieur du tank » est un film insupportable. Il est aisé en fin de film de différencier chaque personnage, de leur donner un nom aussi – on parle beaucoup trop dans ce film je trouve – par contre je ne connaissais toujours pas l’endroit. Pas d’odeur d’essence ni de pisse. Maoz ne filme jamais le tank. Il filme ses personnages. Leurs yeux, leurs mains, leur barbe, leur sang, leur sueur. Ce n’est pas l’endroit qui nous étouffe c’est le plan, le cadre. J’ai alors pensé à un autre film, sorti l’an dernier, qui lui réussissait à faire passer ce mal aise, à nous faire sentir toute cette merde, un film qui prenait le temps de travailler le lieu, c’était Hunger. Lebanon est complètement raté à ce niveau là.
Reste à savoir si Maoz allait faire passer une émotion en filmant l’extérieur à travers le viseur. C’est probablement pire. D’une part c’est très violent, parfois même insupportable. On se dit qu’en fin de compte il reproduit ce qu’il a vécu, certaines scènes vont être légitimement difficiles, on pense à la dernière séquence de Valse avec Bashir. Et non content d’offrir cette ambiance presque télévisuelle – on se croirait parfois au journal télévisé – le cinéaste effectue de puissants zooms sur tout ce qu’il regarde : Un paysan le bras en moins, une mère nue qui sort de son immeuble dévasté, un collègue qui pisse le sang après avoir pris une bastos. Jamais rien vu d’aussi racoleur. Il n’y pas ce côté Cloverfield de l’improvisation amatrice – rappelons que c’est la toute première sortie du pilote – on a globalement du très bon cadre en zoom comme en plan lointain. Même la fumée fait toc. Quant aux soulèvements thématiques, Maoz n’a rien de nouveau à nous proposer. Les assassins sont des victimes, bla bla bla…
Il y a deux trois choses que je voudrais sauver : C’est l’apparition de cet ennemi que l’on tiendra comme prisonnier dans le tank une bonne heure de film durant. L’avant dernier plan parle pour tout le film en entier d’ailleurs. Il y a aussi une séquence que j’aime beaucoup lorsqu’ils doivent suivre la mercedes. Pour une fois c’est très silencieux. Le montage alterné fonctionne assez bien. Et il y a une partition musicale expérimentale derrière qui m’a évoqué Kinatay de Brillante Mendoza. Séquence tuée dans l’œuf malheureusement, ne durant environ que trois minutes quand le philippin la faisait durer une demi-heure…
Lebanon ne prend le temps de rien. Il ne nous laisse pas vivre, pas ressentir les situations. Jamais je ne me suis cru dans un tank moi, j’étais clairement dans une salle de cinéma, bien au chaud et tout propre.