Archives pour la catégorie Sidney Lumet

The group – Sidney Lumet – 1967

09. The group - Sidney Lumet - 1967Huit femmes.

   7.0   Adapté du best-seller éponyme, roman féministe écrit par Mary McCarthy quelques années plus tôt, The group permet à Lumet de s’immiscer dans un nouveau genre : le film choral. Au centre, huit personnages féminins, interprétés par des actrices à peine identifiées à l’époque.

     Le récit se déroule principalement à New York, entre la grande dépression et le début de la première guerre mondiale, de la sortie de l’université de ces huit femmes, jusqu’à la mort de l’une d’entre elle.

     Durant le générique d’ouverture, les huit amies sont attablées lors d’un repas et le plan effectue un travelling circulaire autour de la table, cadrant chacune au centre au moins une fois et donc les autres de dos. C’est le programme du film qui est d’emblée proposé et ce sera l’une des seules fois, finalement, où elles seront toutes réunies, à l’exception des différentes cérémonies de mariages.

     The group c’est aussi l’histoire de son évaporation, de l’éparpillement de ce groupe de filles, d’un récit en étoile, où chacune se parle, se croise, en petit comité ou plus régulièrement par téléphone. L’une d’elles écrit même un journal, contant les destins de chacune, les mariages, les grossesses, les changements de voie professionnelle etc – à noter que le film est peut-être plus impressionnant encore dans ses scènes en espaces clos et en présences réduites.

     Des filles pleines de rêves, d’idéaux, et de convictions, qui vont être confrontées, chacune différemment, aux désillusions de la vie, imposées par une société absurde, malade, gangrénée de toute part. Il sera question ici d’un ménage fragile, là d’un post partum chaotique (on y évoque frontalement la crise de l’allaitement) ou encore d’une virginité inassumée, d’une homosexualité refoulée – magnifique idée que d’avoir fait éclater cette homosexualité au moment où le personnage réapparaît, comme si son absence du champ symbolisait son refoulement.

     C’est un portrait de femmes qui fait office aussi de portrait d’une époque qui se répète, tant le film est encore d’une acuité impressionnante aujourd’hui. S’il n’est pas tendre envers nombreux des personnages masculins gravitant autour de ce noyau féminin, le film a l’intelligence de déployer certains rôles, avec une extrême bienveillance, à l’image du père divorcée ici, du médecin amoureux là.

     C’est un Lumet méconnu pour ne pas dire oublié, qu’il faut absolument voir ou revoir : je suis persuadé que c’est encore plus fort à revoir d’ailleurs, le film est vraiment émouvant que lorsqu’on parvient à cerner les personnalités de chacune de ces femmes, le lien qui les unit, le temps qui passe, et pleinement réussi que lorsqu’il étire un peu ses séquences, ce qui s’avère assez rare, préférant sauter d’une micro scène à une autre – ce sera mon unique, mais imposant grief.

Network – Sidney Lumet – 1977

Network – Sidney Lumet - 1977 dans Sidney Lumet 1976_film_network_holden_finchTV obsession.

   5.5   A l’image d’autres films de Lumet (La colline des hommes perdus, Le crime de l’Orient-Express, l’avocat du diable) ça me passe relativement au-dessus. Certes le propos est on ne peut plus visionnaire, et donc aujourd’hui encore lucide et moderne, mais je n’aime pas vraiment le climat satirique dans lequel baigne le film, faussement froid, faussement drôle, trop hystérique pour ne pas me laisser en retrait.

     Ce qui impressionne ce n’est pas tant de voir ce genre de récit (Un journaliste de JT sur le déclin qui vient d’apprendre son licenciement, annonce qu’il mettra fin à ses jours en direct lors de sa dernière émission) en 77 que de constater que dans un show dystopique comme Black Mirror aujourd’hui (Superbe série que l’on va d’ailleurs bientôt retrouver pour une troisième saison) on peut être aussi pertinent avec un matériau similaire, c’est dire si en quarante ans, de la télé à internet, le rapport entre l’Homme et sa représentation et ses outils médiatiques, reste d’une acuité réelle.

     Ce qui me touche en revanche davantage ce sont ces scènes d’appartement entre Faye Dunaway et William Holden. Ce mari volage qui s’amourache d’une femme qui ne voit rien si ce n’est son travail, obsédée par la télé, les sondages, le buzz et autres news succulentes. Chaque parcelle de réel devient à ses yeux une possibilité de synopsis. Le décalage opéré dans cette relation est plutôt bien vu, subtil et fort. 

Le crime de l’Orient-Express (Murder in the Orient Express) – Sidney Lumet – 1975

Le crime de l'Orient-Express (Murder in the Orient Express) - Sidney Lumet - 1975 dans Sidney Lumet crime_orient_express     5.5   J’apprécie, c’est soigné. Evidemment Lumet a fait cent fois mieux mais je trouve ça déjà beau de s’accaparer d’un Agatha Christie et donc de ne développer que du huis-clos, en proposant quelques idées intéressantes dans la mise en scène, la construction, la durée et puis le film du haut de ses deux heures et quelques se suit sans déplaisir. Oubliable mais pas désagréable, en somme.

A bout de course (Running on empty) – Sidney Lumet – 1988

A bout de course (Running on empty) - Sidney Lumet - 1988 dans * 100

Cavale sans issue.     

   10.0   Pendant la période cinématographique la plus creuse, et probablement même la pire année de cinéma en terme qualitatif, il sortait tout de même une pépite. Miracle d’un grand cinéaste américain qui n’en était pas à son coup d’essai mais qui selon moi inaugurait une force émotionnelle si puissante, étant resté cantonné jusqu’ici à un cinéma politique, froid et carré.

    Running on empty (sublime titre original) s’ouvre sur la fuite d’un jeune homme. Il ne fuit pas son foyer, non, il fuit les autorités. Et pas pour une broutille d’ado (ce que l’on peut imaginer au départ), mais parce que ses parents (et donc lui et son petit frère par extension) sont en cavale depuis longtemps. Depuis vingt ans. Danny et Harry sont en cavale depuis toujours, ils sont nés en cavale.

     A l’origine, fin des années 60, le couple faisait partie d’un mouvement révolutionnaire contre la guerre du Vietnam, des étudiants activistes qui allaient jusqu’à faire sauter  des usines de napalm. Un jour, un accident tragique a lieu, un père de famille, alors simple gardien du bâtiment, est tué. A première vue Running on empty est un film politique. En tout cas au départ il s’exhibe comme tel. Pour exemple, cette scène où un ami d’antan vient leur rendre visite, ami qui lui s’insurge toujours contre le système et qui vient buter sur un couple qui se dit rangé. Ils sont loin d’avoir viré de bord, ils n’ont juste plus le goût du risque (la cavale suffit). Et puis il y a les enfants maintenant.

     En réalité ils se sont adaptés aux conventions de petite vie américaine, à cette idée de famille et travail, cette vie qu’ils condamnaient jadis, alors qu’aujourd’hui ils subissent les conséquences de leur idéalisme antérieur. Et le gros de l’histoire dramatique se situe ici : quand les enfants sont petits la famille s’en sort avec simplement leurs portraits dans les journaux. Ils fuient et refont leur vie ailleurs, ça ne pose pas de problème ou presque pas. Mais aujourd’hui – et le film situe cette fuite perpétuelle à cet instant ci – c’est que les enfants, plus particulièrement Danny, ont grandi. Ce gamin a maintenant 17 ans, il fait son chemin en un sens. Il va à l’école comme tout le monde (toujours dans cette idée de copier la vie américaine dite normale) afin de ne pas être différencier et aussi d’apprendre. Il y a cette histoire d’amour avec cette fille (magnifique Martha Plympton, que l’on a croisé avant dans Les goonies, et qui montre davantage l’étendue de son talent chez Lumet). Et il y a le piano. Le piano est un vecteur important ici. C’est ce qui lie Danny à l’extérieur, au danger donc. Par le père de son amie et par l’école, pour laquelle il semble avoir un talent suffisant pour en faire carrière. Le pianiste prodige est face à un choix cruel.

     Il y a une telle force dans cette construction de récit nous permettant un attachement à chacun, tout en saisissant peu à peu l’inéluctabilité des faits proposés. Comme si d’entrée nous savions que cette union qui semble soudée avait définitivement perdu son équilibre et s’éteignait à petit feu. Et pourtant il ne semble pas vraiment y avoir d’éclatement au sein du foyer. Arthur Pope crie parfois sur ses enfants, mais parce qu’il est très méfiant, qu’il ne veut perdre personne, et qu’il connaît le danger de la vie dans laquelle ils se sont embarqués. Il y a deux séquences importantes à ce propos. Celle où Christine annonce à son mari que son fils va entrer à Julliard (école de musique réputée), et un affrontement est en train d’éclore. Il y a ce non catégorique du père. Et le You’re a big shit du fiston à son père. On n’en vient pas aux mains, mais on n’en est pas loin. Et en contrepartie il y a cette séquence d’anniversaire. C’est la scène du film à mon sens. On se croirait rendu chez Cassavetes tant c’est vrai, beau, plein de vie et qu’en même temps il y a comme un mal aise. De façon rétrospective, comme si ce climat de liesse n’était plus près de se reproduire. C’est à partir de là que les larmes ont fait leur apparition en ce qui me concerne.

     A bout de course gagne absolument sur tous les points. C’est un beau film politique. Un beau film sur les rapports familiaux, des différentes générations, des différentes idées. La séquence de retrouvailles/séparations entre un père et sa fille que tout oppose est belle à pleurer. C’est aussi l’un des plus beaux films que j’ai vu sur le passage à l’âge adulte. Je me suis donc demandé si A bout de course n’était pas aussi un formidable film sur le temps. Seule véritable cause d’une destruction familiale.

Douze hommes en colère (12 Angry Men) – Sidney Lumet – 1957

Douze hommes en colère (12 Angry Men) - Sidney Lumet - 1957 dans * 730 12-angry-men     9.0   Un plan extérieur tribunal avec comme indication « Cour d’assises ». Un nouveau plan, intérieur cette fois, nous montrant le procureur, les jurés et l’homme intenté. Puis nos hommes s’enferment dans une pièce pour délibérer. « 12 hommes en colère » (1957) de Sidney Lumet peut alors commencer. Pendant 1h30 nous serons témoin de ce huis clos édifiant, une parabole des différentes opinions humaines concernant la justice d’un homme, dont la vie (car il est question d’acquittement ou de condamnation à mort) est entre les mains (et les dialogues!) de douze personnes.

     Lumet filme tour à tour avec sensibilité et punch un dialogue argumentatif palpitant, soucieux du détail, en tentant de montrer, non sans nuances et allusions métaphoriques, les véritables rapports humains, nourris d’influences et de préjugés, de tolérance et de cruauté pour finalement donner raison au bénéfice du doute plutôt qu’à la peine capitale.

     C’est un pur chef d’oeuvre que signe le réalisateur américain, dont c’est le premier film, tant sur cette mise en scène confinée, claustrophobique, étouffante que sur ce scénario, taillé au millimètre, délivré par de petits rebondissements qui avancent l’intrigue. Car le plus génial dans tout ça, c’est que nous spectateur soyons témoin de cette scène, en quasi temps réel, les ellipses et autres techniques cinématographiques de suppression de minutes futiles étant pour ainsi dire jamais utilisés. Finalement c’est une oeuvre remarquable, d’une perfection absolue, qui en plus de l’être sur tous les plans, est agencée par des acteurs épatants de vérité, de spontanéité. « 12 Angry men » est l’exemple même du film qui n’a pas pris une ride.


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silencio


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