Archives pour la catégorie Stéphane Brizé

L’œil qui traîne – Stéphane Brizé – 1996

30. L'œil qui traîne - Stéphane Brizé - 1996Seul contre tous.

   6.0   Le drame social et le monde du travail étaient déjà au cœur de ce second court métrage signé Stéphane Brizé. C’est surtout le portrait d’un homme de 28 ans, aigri, perdu, qui vit encore chez ses parents mais s’arrange pour ne pas les croiser, qui est amoureux d’une femme qui ne veut plus de lui depuis longtemps et qui cumule les petits boulots et s’échappe de cet enfer sociétal lorsqu’il joue du trash grunge sur une scène sans public. Si on entre dans le film sans en avoir eu la preuve concrète, on le sent habité d’une révolte sourde, une grande colère qu’il manifeste au détour de dialogues avec son ex-fiancée, avec son employeur, avec la clientèle du fast food qui l’emploi, avec un buraliste, avec un policier. Comme toujours chez Brizé c’est pas des plus subtil, mais cette plongée dans une spirale de l’échec, frontale, s’avère assez passionnante et terrifiante. Frédéric Pellegeay en impose.

Un autre monde – Stéphane Brizé – 2022

19. Un autre monde - Stéphane Brizé - 2022Cadré chiffré.

   5.0   C’est le contre-champ exact d’En guerre, le précédent film de Stéphane Brizé. Ici aussi il s’agit de suivre les répercussions d’un projet de licenciement d’une grande boite. Simplement il ne s’agit plus de voir ces répercussions sur les salariés, mais sur les cadres. C’est super bien fait, bien écrit, fort quand ça s’installe sur la durée. Mais le film me gêne beaucoup.

     Tout d’abord j’ai de plus en plus l’impression (et cette trilogie surtout) que les films de Brizé sont en réalité des films de Lindon maquillés en films de Brizé avec Lindon. Ici c’est d’autant plus embarrassant que cette histoire de couple et de séparation, c’est peut-être aussi l’histoire du couple de Kiberlain & Lindon et de leur séparation. Ça c’est vraiment le premier truc qui me sort de la supposé universalité revendiquée par le film.

     Ce qui appelle une autre problématique : Je suis très gêné qu’un film si réaliste en apparence, au travers de son verbe et du mécanisme global d’un projet de licenciement, soit si peu réaliste dans sa finalité. Je crois qu’il ne sait pas choisir entre la fable et le réel. Il choisit les deux, mais je ne crois ni à l’un ni à l’autre. Pas sûr d’être très clair mais en gros je trouve qu’il veut manger à tous les râteliers et notamment durant ses cinq dernières minutes. Dans En guerre j’y croyais à mort en cette sortie. Là non.

     Autre chose : Brizé est toujours très à l’aise dès qu’il faut filmer les corps sociaux, les casquettes de chacun disons. Ici le cadre, de manière globale, se sépare en plusieurs branches, grosso modo le cadre régional, le cadre France, le cadre monde et les actionnaires. Dans En guerre, il filmait admirablement bien les travailleurs, aussi. Mais il veut continuer de les filmer un peu ici aussi. Sans le faire. On parle beaucoup des ateliers, mais on ne les voit jamais.

     Il veut simplement tenter de mettre au même niveau ce cadre et les ouvriers. Et pour ce faire, nous le voyons travailler, son cadre, à savoir Lindon. Sur son ordinateur. Le soir, avec un sandwich dans la main. Le mec n’arrête pas. Il est donc l’inverse de ce qu’on imagine être le quotidien d’un patron. Il est dominé, par les cadres supérieurs. Très bien. Mais il est aussi plein de bonté : Il est prêt à sucrer ses primes.

     Et il aura sa sortie rédemptrice et christique. Héroïsé mais sans être un martyr (comme dans En guerre) puisque le film s’arrête là où ça lui convient. Le mec retrouvera sans doute un job du même acabit, il en est dépendant financièrement et puis ces dernières images lui promettent même une famille reconstituée. Donc la lourdeur est sensiblement la même qu’on trouvait déjà dans La loi du marché. Ce sont les à côté de cette ligne claire : le divorce du couple, le burnout du gamin.

     Une scène symbolise cette lourdeur : Les parents viennent rendre visite à leur fils, probablement dans un hôpital psychiatrique. Et le gamin ne cesse de calculer le temps qui leur a fallu pour venir. Et ce calcul c’est évidemment un écho au travail de son père, qui doit affronter un plan uniquement régenté par des chiffres. Bon voilà, ça reste impressionnant quand même. Mais problématique.

En guerre – Stéphane Brizé – 2018

27. En guerre - Stéphane Brizé - 2018Le dernier combat.

   7.0   Qu’importe le registre dans lequel il évolue – il y a une nette différence tonale entre Mademoiselle Chambon et La loi du marché – Brizé m’a toujours semblé investi mais lourd, l’impression d’assister à un cinéma recroquevillé, démonstratif qui ne me laisse pas de place. En guerre ne viendra pas contredire ce sentiment pourtant le film m’a impressionné et beaucoup perturbé, aussi.

     C’est le récit d’une lutte et le film s’y tiendra, ne s’extirpant jamais de son programme : les seuls moments hors entreprise saisissent Lindon, seul chez lui, en train d’éplucher chiffres et paperasses afin de probablement préparer son argumentaire du lendemain. La vie de ces salariés se résume à cette lutte, face à une direction soumise aux diktats du groupe allemand qui décide de fermer l’usine pour rentabilité insuffisante malgré des bénéfices colossaux.

     C’est donc une succession de réunions syndicales ou manifestations tournées à la manière d’un documentaire, caméra à l’épaule, saisissant le ping pong de chaque dialogue ou situation. C’est une suite de blocs, bruyants, pleins, d’une force déconcertante. Une discussion impossible entre deux mondes incompatibles, entre ceux qui cherchent uniquement à finir le mois et ceux qui veulent préserver leurs vacances aux Maldives.

     Les séquences en musique sont presque de trop, comme si le film était trop conscient de sa force et de son pouvoir d’immersion, de malaise et qu’il offrait au spectateur la possibilité de s’en échapper, de respirer malgré la portée anxiogène de ces fausses parenthèses oxygénées. Vincent Lindon est Laurent dès les premières secondes, porte-parole de ces mille salariés sur le point d’être licenciés. Impressionnant aussi car il fait partie du groupe, qu’il ne dépareille pas.

     Dommage que l’épilogue contredise le dispositif. Non pour la violence qu’il crache si brutalement mais parce qu’il ruine l’approche collective convoitée deux heures durant en faisant basculer le film vers une sortie individuelle et christique à mon sens inappropriée, quand bien même elle entre en écho avec de terribles faits réels.

     Mais pas si grave car le film m’a globalement mis sur le carreau, c’est un uppercut assez imparable, clairement engagé, évoquant de loin pêle-mêle, Blue collar, La vie est à nous, Ressources humaines, Norma Rae, Erin Brokovich. En saisissant le vertige d’une impasse : la colère légitime des honnêtes gens face au cynisme abject des puissants.

     De suspense il n’y en a pas car si ces salariés syndicalistes s’accrochent coûte que coûte, on sait pertinemment que le monstre capitaliste dévore tout et gagne toujours à la fin. C’est Perrin Industrie à Agen mais c’est un peu PSA à Aulnay sous-bois. Et bien d’autres encore. Vraiment puissant.

Une Vie – Stéphane Brizé – 2016

03. Une Vie - Stéphane Brizé - 2016Le trop plein de creux.

   3.5   Je n’ai pas lu Maupassant depuis l’école, tant mieux, ça évite ici de se lancer dans de vains comparatifs. Après avoir filmé Lindon en vigile de supermarché, Stéphane Brizé entreprend d’adapter le premier roman de Guy de Maupassant, soit la vie de Jeanne, fille d’aristocrates, jonchée d’épreuves, de petits bonheurs et de grands drames. Ça devrait être bouleversant mais à moins de créer de l’abstraction et du poétique – comme Malick avait su si bien le traduire dans The tree of life, par exemple – ce genre de grand récit et sa linéarité bien répétitive, au minimalisme trop corseté, s’avère aussi peu passionnant et touchant que Eternité, de Tran Anh Hung, la lourdeur et la grandiloquence (de la musique, des couleurs, des dialogues) en moins puisque Brizé choisit justement de ne s’intéresser qu’aux creux, les avants et après virages forts. J’ai un peu l’impression que Brizé se complait dans son hiératisme parce que « ce cinéma de la soustraction » marche, quelque soit le film, quelque soit le genre. Moi ça me gonfle. Mais sinon y a Judith Chemla, et je l’aime d’amour.

La loi du marché – Stéphane Brizé – 2015

maxresdefault   4.5   C’est pas mal, sur le papier. Mais d’une je n’avais pas du tout envie de ça ce soir-là et de deux je trouve le film de Brizé complètement dévoré par son dispositif. Alors, ça m’a complètement plongé dans un état dépressif donc si c’est l’effet escompté c’est plutôt réussi. J’étais vraiment pas bien en sortant. Mais je ne peux m’empêcher de trouver la démarche racoleuse. Le problème ce sont ces longues séquences, en fait ; Leur longueur crée de la performance là où c’était l’énergie du récit qui faisait la force de Ressources humaines, de Laurent Cantet ou encore de Deux jours, une nuit, des frères Dardenne, autres films d’entreprise grosso modo, bien meilleurs à mon sens. La loi du marché fait davantage petit laboratoire ou cas d’étude un peu lourd et didactique. Néanmoins il y a quelque chose qui saisit les tripes là-dedans. En un sens on est plus proche d’un Haneke qu’autre chose. Ça ne demande qu’à déborder, exploser, mais c’est archi maitrisé d’un bout à l’autre. Une maîtrise qui se déploie jusque dans la passivité du personnage central. A part ça, Lindon y est excellent.


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