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12 years a slave – Steve McQueen – 2014

923429_10151932960692106_171834631_n2 hours a slave.

     5.0   Le film m’intéressait autant qu’il me faisait terriblement peur. Comment McQueen, génial réalisateur de Hunger, allait-il passer du portrait hyper esthétisé et en boucle de ce sex addict dans Shame à l’enfermement d’un homme libre afro-américain enlevé et vendu comme esclave dans une plantation de Louisiane, dans l’Amérique du XIXème siècle ?

     Je pense qu’il y avait là l’occasion d’effectuer une rupture avec son cinéma, de beaucoup moins lorgner sur le m’as-tu vu et de plonger dans la boucle et la répétition de la manière la plus radicale qui soit. En somme, de raconter l’esclavage comme on ne l’avait jamais vu, dans sa structure la plus proche du réel, dans sa dureté et sa durée quotidienne. Un ou plusieurs lieux filmés comme une journée de douze ans. Jamais pourtant McQueen ne s’éloigne formellement et distinctement de ses homologues Hollywoodiens. Hormis quelques bonnes idées, son film est engoncé dans un dispositif commun : construction classique, musique envahissante de Hans Zimmer, séquences chocs et recherche de la performance. Il n’y a plus d’expérience. Ne reste qu’un manifeste oscarisable, honorable certes, mais peu passionnant cinématographiquement parlant.

     Dans les bonnes idées il n’y a en a qu’une qui vienne vraiment de lui. Disons que la grande idée du film, déjà, c’est le choix de ce personnage, Solomon Northup, qui n’avait surtout pas volonté de survivre (« Je ne veux pas survivre, je veux vivre ! ») mais qui se plia aux exigences de se maîtres esclavagistes parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen de s’en sortir. Bien que cette idée siée parfaitement au cinéma de Steve McQueen (qui n’aura cessé de faire interagir survie, lâcheté et martyr) c’est dans l’ouvrage de l’homme en question qu’il est allé la puiser.

     Le parti pris le plus intéressant du cinéaste est donc d’avoir tenté d’abolir toute temporalité. Ce qui rejoint ce dont j’évoquais et espérais. Le film s’appelle donc 12 years a slave mais on ne ressent pas ces douze années, on ne nous présente aucune chronologie, aucune date, aucun dispositif diégétique facile comme il est coutume de le croiser dans n’importe quel film mainstream à minima historique, avec des calendriers, des entailles sur un mur, diverses modifications physiques. Douze ans deviennent donc presque une journée, où le temps se serait arrêté pour rappeler que l’enfer n’a pas de temporalité. On est évidemment loin du compte, enfin disons qu’il y en a l’esquisse mais que tout est bien trop mécanique pour véritablement proposer quelque chose de nouveau.

     La plus belle esquisse d’une forme entièrement dévouée à la durée et à la souffrance se situe dans cet interminable plan d’ensemble où Solomon, pendu à la branche d’un arbre, après avoir échappé aux vilénies du charpentier de son premier maître, bouge légèrement les pieds un à un afin de toucher terre pour ne pas s’étrangler. Ce plan est parcouru d’un mouvement permanent en sa profondeur et d’une sublime entrée dans le champ d’une esclave (celle dont il ne supportait plus les larmes ?) lui apportant un verre d’eau. Plan fixe qui rappelle celui du nettoyage de pisse dans Hunger. Ou le travelling latéral dans Shame. Plans qui se fondaient dans un ensemble tandis que celui-ci semble s’être perdu au milieu d’un académisme global, provoquant une impression de performance un peu forcée ce qui est d’autant plus frustrant.

     J’aurais aimé un Hunger transposé à l’Esclavage, soit un film sans limite, ne ressemblant à aucun autre, fait de répétitions et de boucles ad aeternam, de chairs et de sang sans aucun contre-champ. Mais ici, Mc Queen n’a pas l’idée ingénieuse qui faisait le sel de Hunger, c’est-à-dire de s’intéresser aussi bien aux bourreaux qu’aux victimes en faisant glisser son récit. Il veut tout montrer en même temps. Le calvaire des esclaves et les démons de leurs maîtres. J’aime assez malgré tout comment est traité le personnage de Solomon. Je trouve culotté d’en faire un tel idéaliste qui vire raclure, enfin disons que c’est de la résistance par la lâcheté (tout le contraire de Hunger) ce qui du même coup offre un final des plus gênant ici, à la fois émouvant et dégueulasse.

     Autre chose intéressante, c’est la relation entre le maître Epps (Michael Fassbender) et sa petite esclave Patsey qu’il chérit à en être fou amoureux, la couvrant d’éloges lors des décomptes de quantités ramassées de cotons, la violant au clair de lune, avant de la torturer plus tard pour une histoire de savon dont il se fait une montagne de jalousie. C’est ce personnage-là, la chose la plus fascinante dans ce film, un type absolument immonde, fanatique et amoureux de ceux qu’il fouette – Cette façon d’approcher Solomon un moment donnée est là aussi très douteuse, même si l’on imagine qu’il est imbibé d’alcool. De manière générale c’est peut-être les relations croisées qui sont les plus belles car les plus mystérieuses, les relations entre Edwin Epps et Patsey, mais aussi entre Solomon et Mary Epps.

     McQueen a donc contenu sa mise en scène, l’immersion qui la caractérise et qui faisait à priori les réussites de son cinéma. Là c’est un sujet trop fort, il se noie dessous, alors certes il s’en dépêtre plutôt bien, n’importe qui aurait fait un truc absolument détestable, mais il annihile la force de ses habituels partis pris passionnants (montage en glissement, longues séquences, boucles en répétition) dans un déluge démonstratif et sur-esthétisant. Je continue de croire que c’est un cinéaste de l’intérieur et du coup tous ces plans gratuits de paysage ici font tocs.

     En revoyant Shame dans la foulée, je me suis rendu compte que j’adorais sa construction, avec cette temporalité disloquée aux extrémités, caractérisant les affres de son personnage prisonnier et cette bulle au milieu, avec cette double relation, amoureuse et fraternelle, qui pourrait s’il s’en donnait le cœur le sortir de sa torpeur. Hunger était plus fort dans la construction : trois personnages, trois parties, puis trois parties pour un seul personnage avec une scène de dialogue fleuve. Mais Shame était tout aussi culotté malgré tout bien qu’on entrevoyait déjà quelque peu les prémisses de ce 12 years a slave.

     Je pensais que Shame me décevrait à la revoyure mais il y a vraiment des trucs super forts dedans. Tout d’abord je trouve ça excellemment écrit (la scène du repas avec la collègue c’est probablement ce qu’il a réussi de plus beau) et nettement plus raccord (que 12 years a slave) en terme de mise en scène avec la douleur de son personnage. Il y a des facilités oui mais je ne pense pas que McQueen soit le garant de la subtilité non plus.

Shame – Steve McQueen – 2011

Shame - Steve McQueen - 2011 dans Steve McQueen 19812108Heart of glass.

   8.5   Je crois que les films de McQueen parlent de la parole, de son utilisation. De la captivité bien entendu, intérieure, qui ronge, mais aussi et surtout de la parole, ce qu’on en fait. Bobby Sands se murait dans le silence et parlait avec sa merde dans Hunger et le film nous emmenait vers une séquence hors norme, simple dialogue qui imposait ses motivations dans un débit impressionnant jusqu’à saturation. Brandon se réfugie dans la solitude, le silence pour contrer son addiction sexuelle qui l’accule et éviter tout dialogue, toute relation, dans Shame. C’est une thématique qui semble revenir. Dans les deux cas, littéralement opposés, puisque l’un ne trouve rien d’autre que le jeûne pour faire sa résistance tandis que l’autre est entièrement libre de ses désirs en apparence, la parole crée un langage, une passerelle vers l’intimité, qui paradoxalement ne permet pas de la comprendre, qui laisse un goût de souffre, préserve le mystère. Dans les deux films, le personnage est muet longtemps. Même si Hunger avait un truc supplémentaire, c’était la cassure, le glissement, d’un personnage vers un autre que n’a pas Shame, qui se concentre complètement sur un seul homme. Le glissement est provoqué ici par le récit – l’apparition de sa petite sœur, qui débarque chez lui à l’improviste – alors que dans l’autre, les soubresauts du récit ne changeaient jamais la donne. Un maton se faisait tuer. Un prisonnier, longtemps personnage central, disparaissait. Un prêtre se heurtait au mur Sands. Le récit suivait une ligne claire : la grève de faim. Du début à la fin. D’une cellule que l’on recouvre d’excréments jusqu’aux gerçures et cicatrices précédant la mort. Ici, l’arrivée inopinée de Sissy provoque un dérèglement. Non pas que Brandon soit heureux au quotidien, mais justement, cette donnée nouvelle chamboule ses habitudes, sert de prise de conscience. D’une ligne tracée froide et clinique succède un parcours plus chaotique, hésitant et chaud. Une chaleur qui peine à s’imposer, un corps qui souffre pour reprendre vie – les larmes sur le New York, New York. Au rythme froid et précis des premières séquences qui suivent la préparation de Brandon avant d’aller au travail s’ensuit une déconstruction du quotidien, la naissance d’un rejet de ce corps, de ces pulsions sexuelles. Et la parole reste au centre de tout. C’était son absence qui le faisait tenir jusqu’ici puisqu’elle n’existait pas dans son intimité, qui se résumait aux branlettes à répétition devant les sites pornographiques. Sissy devient cette parole. C’est la chanteuse. C’est cette sœur qui voudrait qu’elle et son frère se serrent les coudes. C’est cette fille qu’il doit sans cesse rappeler à l’ordre concernant d’infimes détails qui sont pour lui des détails monde. Très tard dans le film il ira jusqu’à lui demander de se taire, de penser, de réfléchir pour changer. Car cette parole il doit la supporter dans sa vie professionnelle, elle est matérialisée par son boss, tchatcheur invétéré, qui séduit avec sa voix. Pendant que Brandon a un ordinateur blindé de vidéos pornos, son boss est en discussion en visio avec ses enfants. Pendant que l’un invite à danser, l’autre est embarquée sans un mot pour aller baiser.

     Sissy devient le catalyseur de la naissance d’un nouveau Brandon. Disparu celui qui se branlait à outrance ou baisait à la va-vite dans une ruelle ou en invitant des prostituées, Brandon semble tomber amoureux, non pas de ce corps féminin qui lui est interdit – rien n’est mentionné à propos d’un rapport incestueux par le passé mais on y pense – mais d’un autre, une de ses collègues. Alors, tombe t-il amoureux ou tente t-il de faire comme tout le monde ? Une chose est certaine, Sissy n’est pas étrangère à la naissance de ce sursaut. Une esquisse manquée – et magnifique – dans la première scène du film glisse vers cette rencontre plus terre-à-terre avec une collègue de bureau. La plus belle scène du film de Hunger – bien qu’il m’ait fallu deux visionnages pour apprécier sa puissance, comme on réécoute un disque – c’était cette scène quasi-centrale, du dialogue. Vingt minutes, trois plans. Tout cela sans faire tour de force. La plus belle scène dans Shame c’est le restaurant. ‘It’s just a date’ lui dira la demoiselle remarquant la nervosité du garçon. Le cadre restera fixe ou presque fixe très longtemps, pendant qu’ils effectuent leur commande, tandis qu’ils s’interrogent mutuellement, apprennent petit à petit l’un de l’autre. Ce charme absent à la fois inquiétant et fascinant qu’exerce Brandon cache un sentiment que l’on connaît, une gêne, plus que ça, une honte, comme le veut le titre du film, que la jeune femme ne peut imaginer. Pourtant ce qu’il se passe dans cette scène est magnifique. Chaque parole, chaque silence, regards ou sourires. Au-delà d’une mise en scène que beaucoup trouveront clinquante – c’était déjà le cas dans Hunger – ou proche de la pose, Steve McQueen arrive à faire exister ses personnages, son film a sa respiration bien à lui et cette scène, bien que très belle sur le principe de la rencontre, de l’échange, qui témoigne d’une avancée du personnage masque cette peur de l’affront, cet acte sexuel que Brandon ne peut éprouver pleinement qu’au moyen d’une baise. Lorsque plus tard il se rattrape de cet after manqué – cette longue et terrible hésitation lorsqu’elle s’apprête à reprendre le métro – c’est une impuissance qui le frappe quand ils sont en train de faire l’amour. Brandon ne bande que lorsque le rapport est bestial. Lorsqu’il se déroule dans les normes, ou disons plutôt en douceur, en simplicité – c’est probablement au passage la séquence de séduction corporelle la plus excitante vue depuis longtemps au cinéma – il n’y a plus rien. Son addiction sexuelle se borne à son exploitation la plus crue, bestiale, physique. Et cette parole qui lui ferait une fois encore tant de bien il la refuse. La jeune femme s’en va, Brandon est assis, la tête entre ses mains, le corps face à ce New-York qui se referme sur lui, ville prison. Cette prison géante dans laquelle il ne peut vivre et vaincre ce corps qu’il ne veut plus. Il y a des tas de trucs à dire sur l’utilisation de l’espace, la ville/cellule, ce mouvement urbain qui attire et rejette. Il y a toute une fortification autour du personnage, de murs et de glaces, que la mise en scène sait mettre en valeur. A ce titre, les scènes de métro sont sublimes.

     Le plan suivant ce douloureux acte manqué, en écho à une scène plus tôt dans le film, Brandon baise – puisque c’est le cas de le dire – une jeune demoiselle contre la baie vitrée de cette même chambre d’hôtel dans laquelle il n’avait auparavant pas réussi à bander. On retrouvera une séquence similaire un peu plus tard, un truc complètement dingue, entre assouvissement bestial ultime et tristesse d’une jouissance égoïste, le tout en musique avec deux nanas et Brandon, trois corps devenus de simples vecteurs d’orgasme. Ce visage grimaçant qui anime deux sensations complètement opposées semble dire que jouir c’est mourir. Le film pourrait se terminer là-dessus pourtant McQueen va le faire sur un espoir, masqué certes, mais une tentative d’espoir ou le mystère d’un espoir. Il y a d’abord une scène incroyable où il se rend compte que sa petite sœur – qui l’appelle à l’aide à répétition ce qui l’indiffère – pourrait être celle qui s’est jetée sous le métro, que l’on a momentanément stoppé pour enquête. Il se met à courir. Quand Brandon court, c’est comme une renaissance. Rappelons-nous lorsqu’il sortait courir pour fuir les gémissements de sa sœur et de son boss en train de baiser dans la pièce d’à côté. McQueen avait alors choisi de suivre la course de Brandon selon un unique travelling latéral sur quelques centaines de mètres. La beauté de cette scène, en plus de son côté vertigineux, c’est que Brandon ne s’arrête jamais de courir. Quand un instant il s’arrête et sautille sur place, c’est son image en général qu’il laisse transparaître car d’un coup le feu piéton repasse au vert et il se remet à courir, puis le plan reste fixe sur la rue désertée. La caméra n’arrive plus à le suivre. Et c’est cette surprise que l’on retrouve au moment où il cavale jusque chez lui. J’ai pensé deux choses : soit que McQueen allait être sans pitié, que cette fille sous le métro ce serait elle, ça aurait été affreux ; soit que Sissy serait dans l’appartement, que le film se terminerait sur un regard, peut-être même une parole qui emporterait tout. Je ne pensais pas que Brandon retrouverait Sissy baignant dans son sang après qu’elle se soit ouvert les veines. La beauté de cette scène c’est que j’ai eu le sentiment que Brandon le savait déjà. Que l’événement du métro n’était qu’un écho. On ne comprend pas vraiment le lien qui unit dans le film le frère à sa sœur, mais il y a quelque chose de fort, une connexion par le vécu (« nous ne sommes pas mauvais, dira t-elle à son frère, c’est là d’où nous venons qui l’est »), et ces bras lacérés de la jeune femme semblent prouver que ce choix qu’elle a fait là n’était pas le premier – se rappeler de la scène où le boss de Brandon regarde les bras de Sissy, inquiet avant qu’elle ne le rassure en lui disant que c’est de l’histoire ancienne.

     Le film ne se termine pas vraiment là-dessus. Il y a deux notes d’espoir. D’une part, Brandon semble être arrivé à temps. Et cet effondrement en larmes le long d’un quai maritime n’évoque pas tant un désespoir absolu qu’une remise en cause intime à son apogée. D’autre part car le film se clôt sur une boucle. La dernière scène rejoint la première. Cette jeune femme dont Brandon avait croisé le regard dans le métro, avant de la suivre dans les couloirs et de la perdre. On ne sait pas ce qu’il adviendra de ce nouveau regard, avec cette même femme. On ne sait si Brandon éprouve de la crainte ou si c’est une symbiose qui arrive à dépasser le statut de simple appétit sexuel. On n’en saura donc pas plus. Le film se termine sur cet échange. Le dernier regard dans Hunger était celui d’un homme mort. Ici c’est un regard inaccessible, incompréhensible. Toujours pas la parole mais on peut espérer qu’elle viendra. Ou alors que ce regard soit celui d’une connexion qui s’en passe – en référence aux paroles de Marianne lors de la discussion au restaurant. Il y a encore de nombreuses choses à dire, c’est un film d’une richesse inouïe, qui tente des choses, qu’il ne réussit pas toujours, marche constamment sur la corde démonstratif/immersif et surprend par ses choix évolutifs, ses partis pris de mise en scène, son jusqu’au-boutisme. Mais c’est surtout un film d’ambiance, intime avec une respiration qui lui est propre. Ça m’a terrassé !

Hunger – Steve McQueen – 2008

Steve McQueen Project - 'Hunger'Polyphonie de l’enfer.

   10.0   1981. Cinq ans que le gouvernement britannique a retiré le statut de prisonnier politique aux militants indépendantistes de l’IRA enfermés donc sous le joug carcéral. Ils sont maintenant reconnus criminels de droit commun. Pour s’opposer à cette décision, les prisonniers entament le « Blanket And No-Watch Protest » qui consiste en un refus d’hygiène et un refus de porter l’uniforme carcéral commun. Ils laissent leurs restes de bouffe dans un coin de leur pièce exigu qu’ils partagent à deux, ils repeignent les murs de leurs excréments, ils se débarrassent de leur pisse par-dessous la porte… leur unique moyen de s’opposer à cette loi. De cela découlent des altercations très violentes où il faut les emmener aux douches, mais à l’aide d’une matraque. Le film de Steve McQueen met parfaitement en ‘lumière’ ces lieux pourris de crasse, cette violence avec souvent une crudité telle qu’elle en devient insoutenable, au point de se demander si le cinéaste n’a pas véritablement fait souffrir ses acteurs (coups de matraques, marques rouges qui apparaissent peu à peu, tout cela en un seul plan-séquence, j’avoue que c’est douteux!). Peut-être le cachet performance rentre t-il en compte ici, mais je préfère ne pas m’attarder là-dessus, le film ayant beaucoup d’autres atouts pour les masquer par ce sentiment. Le film est une formidable passation de rôle puisqu’il commence par nous montrer le quotidien d’un surveillant de la prison avant de passer du temps avec deux hommes dans leur cellule pour terminer sur la tragique histoire de Bobby Sands. Destruction de la linéarité et des conventions de récit. C’est assez bluffant. Trois parties. Ou deux parties séparées par une (longue) transition de vingt minutes entre Bobby Sands et le père Dominic Moran – le premier expliquant au second son désir de ne plus manger jusqu’à mourir – sans nul doute la scène que je préfère. Hunger est une symphonie en quelques sortes. Une partition. En trois mouvements. Le trois c’est le chiffre du film. Trois personnages : Le surveillant, Gillen/Gerry, Bobby Sands. Trois parties : La solitude,des uns et des autres, la violence insoutenable, la découverte des lieux, les premières rencontre familiales, les discours lointain de Tchatcher ; Le dialogue entre Bobby Sands et le père Moran ; La décrépitude volontaire de Bobby. Mais revenons sur cette immense scène de dialogue : Ce qui est formidable c’est la découpe de ce dialogue. Un peu au rythme des cigarettes fumées d’ailleurs. Au début c’est la causette, le prêtre semble même se confesser. Les questions, les réponses, explosent à tout va, du tac au tac. Ensuite c’est ce pourquoi Bobby invite le père Moran. Cette grève de la faim qui semble inéluctable. Puis, dernière clope, souvenir d’enfance. Encore plus passionnant, ce sont les remarques, le ressenti du prêtre à l’égard de Bobby Sands, de son acte. Il semble à première vue moqueur, il n’y croit pas (la première grève avait foirée de toute façon). Puis il est moralisateur. Il se sert de dieu. Si dieu ne te puni pas pour ton suicide, il le fera pour ta bêtise. Dernière partie du dialogue. Qui devient un monologue : Bobby raconte l’histoire du poulain. Le prêtre ne parle plus, il ne le peut pas. Leur contradiction a des racines trop lointaines, jamais il n’arrivera à le convaincre. Bobby est un résistant, il ne restera pas les bras croisés. Le prêtre c’est l’incarnation du renoncement. Il se sert de l’argument pense à ta vie avant tout. Un peu comme une majorité d’entre nous. Hunger est d’une efficacité redoutable, tranchant comme la lame d’un rasoir, qui joue à merveille avec le son (certaines scènes sont là encore musicales : Le nettoyage de la pisse, le karscher sur la merde, bien entendu le bruit des matraques…etc.). La violence des coups de matraques répondant à la finesse des flocons de neige. L’odeur de la merde à celle de la campagne à la fin du film. Un film admirable. Très immersif, organique, on en sentirait presque cette merde murale, et surtout c’est un grand coup de poing dans la tronche de la Tchatcher, que cette grève de la fin a tout de même dû secouer…


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