Archives pour la catégorie Steven Soderbergh

Contagion – Steven Soderbergh – 2011

01. Contagion - Steven Soderbergh - 2011Course à la mort.

   8.5   Quelques toussotements derrière un écran noir : C’est là-dessus que s’ouvre Contagion, de Steven Soderbergh, sorti il y a neuf ans. Bientôt, c’est le visage d’une femme qui apparait, la toux sèche, l’air fatigué, en stand-by dans un hôtel de Hong-Kong. C’est Gwyneth Paltrow qui incarne Beth Emhoff, mais très vite elle va mourir et être déclarée patient zéro d’une crise virale qui prendra des proportions mondiales digne de la grippe espagnole.

     Il est troublant (et galvanisant) de voir ce maître du film choral qu’est Soderbergh, reprendre les codes du genre et les perturber par cette envie de filmer le réalisme à tous les étages d’une telle crise sanitaire. C’est l’impression, déstabilisante, que laisse Contagion quand il s’achève : ça se déroulerait exactement comme ça. On l’imaginait déjà il y a neuf ans, avec toutefois, des ressorts de science-fiction. On en est convaincu aujourd’hui.

     Ce fut une expérience très étrange de revoir ce film pile durant la période de confinement contre le Covid-19. Terrifiant, déprimant, forcément. Mais passionnant, surtout. A l’époque de sa sortie, Contagion m’avait poliment ennuyé, laissé constamment à distance, sans doute car j’attendais d’y voir des personnages, de vibrer avec eux, et non d’avoir le sentiment d’assister aux étapes, précises, méticuleuses et quasi documentaires du déroulement de la crise. Sans doute aussi parce que j’avais une dent inexplicable contre Soderbergh.

     Et le film réussit pourtant, malgré tout, à jouer sur un registre très intime, notamment via le personnage incarné par Matt Damon, qui perd donc femme et enfant en cinq minutes – ça donne le La. Mais il s’intéresse aussi à beaucoup plus large, à la dimension politique, scientifique, médiatique et même au pouvoir de la blogosphère, la quête du remède (On y voit quasiment Raoult avant l’heure), les pillages divers (Mission PQ, toujours) ainsi que les discussions autour du taux de reproduction et de létalité du virus.

     Et pourtant Soderbergh n’est pas dans le film-dossier non plus : Contagion est un film ramassé (1h40) assez étrange dans sa construction et sa narration, comme s’il s’y jouait moins le geste moraliste qu’une volonté de compte à rebours contre un Goliath invisible, comme s’il était lui aussi gagné par le virus, le chaos. A ce titre, il est rare de voir autant de stars employées de la sorte, sacrifiées en permanence, par le virus ou par le récit, évaporés du champ ou du monde.

     C’est un film de circonstance. Déstabilisant comme c’est pas permis, tant sa résonance et son acuité sont pour le moins troublantes. Bref, c’est puissant. Et d’autant plus puissant en 2020 tant il résonne de façon prémonitoire. 

Paranoïa (Unsane) – Steven Soderbergh – 2018

03. Paranoïa - Unsane - Steven Soderbergh - 2018Effets hallucinogènes.

   6.0   Il est difficile de trouver une cohérence dans l’œuvre protéiforme de Steven Soderbergh. Et je n’ai pas tout vu, il enchaine le bougre. Capable de toucher à tous les genres, il va même jusqu’à offrir deux visages opposés d’un genre, exemple typique avec ses « comédies de braquages » puisque quand l’une envoie les paillettes l’autre est plus confidentielle, dans l’une on braque les trois plus grands casinos de Vegas, dans l’autre un circuit automobile de Caroline du Nord. Soderbergh peut aussi faire un biopic sur un pianiste de music-hall et un autre en deux parties sur un révolutionnaire ; une trilogie avec un paquet de stars mais aussi un moyen métrage pour le compte d’une production internationale ; un petit thriller mais aussi une machine à Oscar ; faire son Normae Rae avant de remaker Tarkovski. Sans oublier qu’il est aussi célèbre pour être le plus jeune palmé de Cannes avec Louis Malle. Ces derniers temps, il est plus indomptable encore, avait annoncé qu’il se retirait du cinéma, a pondu une superbe série en deux saisons, avant de revenir pour offrir deux films, aussi différents qu’ils sont passionnants : Le beau Logan lucky et maintenant celui-ci, Paranoia. Si l’on sent qu’il est surtout tourné pour la prouesse de son filmage à l’Iphone, c’est une pierre étrange supplémentaire dans cet édifice déconcertant. Petit film bricolé, certes, mais passionnant, qui critique les établissements psy et les sociétés d’assurance, comme pouvait déjà le faire Effets secondaires sur l’industrie pharmaceutique ; et qui se nourrit autant d’un Blair Witch – On y retrouve d’ailleurs l’un de ses acteurs pour un rôle bien flippant – que des found footage à la REC sans pour autant se laisser gagner par le found footage : L’IPhone n’intègre pas le récit, le film aurait pu être tourné autrement, c’est un choix pur, un choix comme l’était celui du Dogme pour Lars Von Trier à l’époque – On pense d’ailleurs à L’hôpital et ses fantômes, mais dans une image plus proche de celle de Breaking the waves. Un choix qui sied plutôt bien à l’univers anxiogène qui habite le film. Alors si ça fonctionne globalement, il y avait moyen d’épurer, je pense, notamment certaines futilités (les flics, la mère…) en fait on aurait gagné à ne pas sortir du point de vue de son héroïne, oublier le caractère omniscient du film, c’est là qu’on voit que Soderbergh ne maitrise pas vraiment le genre ou n’ose pas être radical, préfère les soubresauts de scénario et sa résolution au mystère et à l’impondérable. En tout cas il y a de belles idées et trouées, et parfois c’est fait avec rien, un filtre bleu oppressant dans une forêt, une vue infrarouge dans un coffre de voiture, une double scène géniale dans une cellule d’isolement. C’est souvent malin. Et Claire Foy est absolument magnétique. On note aussi une apparition brève de Matt Damon et une Juno Temple carrément méconnaissable, perso je ne l’ai pas reconnue. Je le sentais moyen, c’est en fait une assez bonne surprise.

Logan Lucky – Steven Soderbergh – 2017

DSC_9190.nefRécréation distinguée.

   7.0   La bonne forme de l’insaisissable Steven Soderbergh se poursuit avec ce retour au genre qu’il a étiré jusqu’au ridicule avec la saga Ocean’s : Le film de casse. Franchement je n’y croyais pas une seconde à ce film qui semblait davantage faire office de parenthèse récréative post série (The Knick) et post biopic (Liberace) mais force est de reconnaitre que oui, ça fonctionne et même mieux que ça puisque le cinéaste a d’une part eu la bonne idée de gommer le glamour clinquant (et franchement lourdingue dans le peu de souvenir qu’il m’en reste) de Ocean’s 11, 12 et 13 et d’autre part s’est enfin rendu compte qu’il fallait qu’il se sépare de cette photo jaunasse qui inondait la plupart de ses dernières sorties.

    Cet Ocean’s eleven chez les ploucs comme la presse s’est empressé de le cataloguer, séduit autant par sa tonalité délibérément feel-good, la fine écriture de chacun des personnages (Même les frères de Joe Bang aka Daniel Craig ont leur univers propre) et le plaisir très premier degré (Le film ne joue jamais la carte du cynisme, ni sur les courses de Nascar, ni sur les concours de danse, ni sur les redneck en général) du polar à la Verneuil et la sympathie palpable pour l’Amérique white trash.

     C’est donc un divertissement de qualité, du dimanche soir mais de qualité, super drôle, super rythmé, qui se paie même le luxe d’être émouvant puisqu’il construit un très beau portrait entre un père et sa fille ainsi qu’entre deux frères en nous contant sans le marteler leurs complexes trajectoires et en faisant éclore une touchante et profonde complicité.

Ma vie avec Liberace (Behind the Candelabra) – Steven Soderbergh – 2013

04. Ma vie avec Liberace - Behind the Candelabra - Steven Soderbergh - 2013The impossible dream.

   6.0   Je vais d’abord évoquer les réserves que j’aie sur le film. Avant tout et ce n’est pas la première fois que j’en parle à propos d’un film de Soderbergh, je suis gêné par cette image, un peu trop jaune sitôt qu’on est dehors, essentiellement. C’est pas le jaune de Darius Khondji ni celui de Bruno Delbonnel, mais c’est un jaune quand même, moins pisseux qu’écarlate, il n’empêche qu’il me gêne, autant qu’il m’avait gêné dans les extérieurs de Magic Mike ou The Knick. Et comme c’est Soderbergh lui-même qui se colle à la photo de ses films/série et bien je lui en veux, deux fois plus. L’autre réserve est plus subjective : Soderbergh touchant à tout, il lui fallait bien un jour emprunter les voies du biopic. Le biopic n’est généralement pas ma tasse thé car c’est un genre trop imposant, je pense, qui s’appuie beaucoup sur un personnage et une solide interprétation mais qui du coup, oublie de mettre en scène, de dévier, de respirer. Ma vie avec Liberace n’y échappe pas : Douglas & Damon sont étincelants, cette histoire d’amour entre Scott Thorson et Liberace passionnante, et tout cela prend beaucoup de place, toute la place. Le film me semble vraiment trop figé et programmatique pour m’embarquer, émotionnellement parlant. Petits griefs qui font beaucoup, ce qui ne m’empêche pas d’avoir trouvé le film très réussi dans ce qu’il souhaite raconter : L’histoire d’une passion dévorante qui va mourir, se consumer dans un étrange pouvoir de possession/domination tant la volonté de Liberace est surtout d’être aimé par Scott afin de pouvoir le modeler à son image (L’univers cosmétique et surabondant est un donnée quasi centrale, tant par cet indigeste attirail luxueux que par l’apparition d’un génial Rob Lowe, chirurgien lifté jusqu’au ridicule qui offre des instants de pur burlesque) avant de l’abandonner, comme il avait probablement fait de même avec le précédent (Celui que Scott remplace littéralement en début de métrage) et qu’il fera aussi avec le suivant. C’est un mélodrame déguisé en rom’com de chambre. Chacun y perdra d’ailleurs sa mère, durant leurs cinq années de concubinage secret. Secret puisque Liberace refusait de montrer son homosexualité au grand public, jusqu’à publier des bouquins sur de fausses aventures avec des femmes. Le film raconte ces cinq années de leur rencontre à leur rupture. Avec un épilogue quasi Sirkien, un peu forcé à mon goût, mais peut-être est-ce justement parce que ce qui précède me touche peu. Beau film quand même, surtout pour Damon & Douglas qu’on n’a rarement (jamais ?) vu aussi concernés.

Effets secondaires (Side Effects) – Steven Soderbergh – 2013

29A double tranchant.

   6.0   C’est la construction qui se révèle étonnante dans Effets secondaires puisque si l’on croit d’abord tenir un banal pamphlet contre l’industrie pharmaceutique, le film bascule ensuite dans le thriller glacial qui rappelle certaines réussites du genre dans les années 90. A l’époque c’était Rebecca de Mornay qui jouait ce type de rôle, là c’est Rooney Mara. Et elle est excellente, comme d’habitude. L’ouverture rappelle Psychose : La ville, un immeuble, une fenêtre, on y entre lentement, sauf qu’il ne s’agit pas du début de l’histoire mais de la séquence pivot (Une maquette de voilier sur un fauteuil, des traces de sang sur le sol) que l’on retrouvera vers la moitié du film. Et le film, sans briller, s’avère assez passionnant. Notamment dans sa faculté à brouiller les pistes, à changer constamment de cap comme Jude Law, le psychiatre, tâtonne dans son enquête. Si la deuxième partie du film est plus mécanique dans son enfilade de rebondissements visant à éclaircir puis obscurcir le récit, le fait est qu’elle répond avec brio au savoureux mystère qui régnait durant la première. Bonne surprise. 

The Knick – Saison 2 – Cinemax – 2015

the-knick-clive-owen-04-900x621This Is All We Are.

   8.0   Je vous épargne les images gores, ai préféré opté pour un photogramme disons plus traditionnel, mais je préviens, cette saison ne lésine pas. Quoiqu’il en soit c’est fort, très fort. Je persiste donc : The Knick est sans nul doute le chef d’oeuvre de Steven Soderbergh.

     Voici dix nouveaux épisodes tous réalisés par Steven Soderbergh. Et ça a son importance tant cela crée une unité d’ensemble, un dosage parfait. On a pu le constater avec la première saison de True detective ainsi qu’avec la récente création de David Simon, une bonne série n’est pas qu’affaire de bon showrunner. Lorsqu’un seul réalisateur s’y colle entièrement ça se sent.

     La série reprend là où elle s’était arrêtée et creuse à nouveau chacun de ses personnages majeurs qui apparaissaient déjà dans la saison introductive : John Thackery, en cure de désintoxication, qui se venge sur l’héroïne, ce qui conduit Algie Edwards à le remplacer au poste de chef de chirurgie, ce qui n’est pas du goût de Gallinger qui va enlever « Thack » et le ramener au Knick à sa manière. Trois personnages phares, complémentaires et contradictoires, acteurs de l’Histoire, révélateurs de l’époque.

     Et puis il y a ceux plus secondaires que la série va prendre grand soin à fouiller de fond en comble : Lucy et sa relation avec son père, pasteur de retour à New York, dont elle suit le prêche avant de se confesser et d’en encaisser les coups ainsi que son rapprochement avec Henry Robertson. Barrow et les pots-de-vin que lui procure la construction du nouvel établissement ainsi que son entichement pour une prostituée dont il décide qu’elle sera la nouvelle femme de sa vie. Soeur Harriet et son mis au ban suite à son importance dans les avortements clandestins, avant d’y voir sa relation avec Cleary, l’ambulancier attitré du Knickerbocker.

     La série multiplie les chassés croisés entre le quotidien de l’hôpital, les grandes discussions autour de son éventuel rachat, sa délocalisation prochaine, la dépendance et la folie de Thackery (Clive Owen est décidément un acteur incroyable), la montée de l’eugénisme (Et la stérilisation des immigrés), les inventions médicales (Rachianesthésie) et toutes les autres (La naissance du cinéma, de la psychanalyse) et poursuit brillamment les interactions entre les personnages, surtout entre Edwards et Gallinger, brosse des portraits personnels profonds de chacun d’eux.

     Certains épisodes se concentrent sur des intrigues parallèles passionnantes et parfois très émouvantes. C’est le cas de ces soeurs siamoises, qui appartiennent à un sale type qui en a fait des bêtes de foire, que Tackery va rencontrer et aider, moins par altruisme que pour s’offrir un défi supplémentaire en leur offrant de quoi les séparer – Ce plan qui les voit marcher chacune de leur côté avec difficulté mais avec le plaisir affiché d’un enfant qui fait ses premier pas, le regard méfiant et émerveillé, est d’une beauté folle. Il y a le nez d’Abigail et cette syphilis (qui s’est à nouveau détériorée à cause d’une bague en toc en guise de greffe) que Thack tente d’abord de guérir en lui faisant choper le paludisme de manière à ce que la forte fièvre tue la première maladie, avant de traiter la seconde. Ici le morphinomane, crâne béant (Séquence devant laquelle il est difficile de ne pas détourner les yeux). Bertie qui après s’être fait un petit séjour à l’hôpital juif du Mont Sinaï, revient avec une obsession pour les sauvetages en dernier recours à base d’adrénaline et essaie de mettre en place les recherches de Pierre Curie pour soigner les cancer par radiothérapie. Là l’explosion dans le chantier du métro rappelle ce que pouvait être les gros rush d’Urgences, les jours d’accident.

     L’épisode 9 sublime s’ouvre et se ferme au Nicaragua par la rencontre entre Thackery  et Robertson et crée un troublant parallèle entre les relations avec les pères : Le parricide de Lucy Elkins d’un côté (couronné par un monologue absolument sidérant de la belle Eve Hewson), le suicide du père Robertson de l’autre, dans les flammes du futur nouveau Knick. C’est riche et passionnant à tous les niveaux.

     Dans la première saison, le score de Cliff Martinez qui faisait très post Drive me dérangeait un peu dans la mesure où il appuyait l’anachronisme, jouait la carte de la sensation. Dans cette seconde salve, je le trouve enfin en phase avec le récit et la forme, plus discret tout en restant marqué au sein de chaque épisode, mais plus puissant dès que retentit le générique final de ces dix épisodes. Comme pour Soderbergh à la réalisation, l’homogénéité de la bande-son accentue la cohésion et la continuité.

     Si ma réserve cette fois tournait au début sur les couleurs (du bon gros filtre bleu, froid, écarlate) lors des scènes extérieures – C’était déjà le bémol que j’avais soulevé après avoir découvert le très beau Magic Mike – je ne le ressens plus dès l’instant que le récit et ses multiples strates se sont mises en route.

     En un sens je retrouve ce qui me séduisait dans une série comme Deadwood, cette sensation du zéro compromis (jusqu’aux personnages, dont les caractères sont nuancés au point de mêler d’une séquence à l’autre identification et rejet), d’être face à quelque chose en marge, qui se construit moins sur ce qu’on attend de lui, que sur une volonté de foncer, agrémenter, enrichir un récit déjà bien dense et complexe.

     Même quand il est prévisible, à l’image du retour de cure de Thackery, on ne sait pas non plus où le récit nous emmène. Ça foisonnait déjà l’an passé mais il me semble qu’on a franchit un nouveau cap ici. J’ai l’impression d’être passé à côté de plein de choses, l’impression que je pourrais aisément tout me relancer et découvrir des éléments nouveaux.

     Les dernières minutes du dernier épisode sont monstrueuses. Frustrantes mais démentes. Je n’en dis pas plus. De toute façon c’est ouvert. On peut tout faire avec une fin pareille. Ou ne rien faire justement (que ça me conviendrait largement) c’est ce qui est beau.

Magic Mike – Steven Soderbergh – 2012

803149-6e1e85a2-b87b-11e3-9942-d7dbb3111cd3Showboys.

   7.5   C’est absolument génial. A tel point que je me demande s’il ne constitue pas avec The Knick, à ce jour, la plus grande réussite de Steven Soderbergh, pour qui j’avais auparavant, je le conçois, que peu d’estime. Cette plongée dans les coulisses d’un club de strip-tease masculin, qui est par ailleurs tirée de la véritable histoire de Channing Tatum (d’où sa présence) vaut essentiellement pour son interprétation, c’est une évidence, mais pas que. L’auteur parvient en effet, au détour d’une mise en scène soignée, très sobre, très sensuelle à restituer la respiration de ce monde à la fois dans le fantasme de l’excès et la crainte de l’âge. C’est très bien équilibré, très beau. Le film, plongé généralement dans un néo réalisme de rapports entre collègues, de festivités outrancières, de relations familiales, de problèmes d’argent, est régulièrement entrecoupé de scènes de show, exaltées, prises dans leur caractère répétitif, leur mise à nu et ce petit côté burlesque qui donne au film sa singularité comique. Disons que McConaughey laisse parfois échappé un alright, alright, alright et que ça se fond miraculeusement dans l’ensemble, ça ne fait pas trop, sans doute parce qu’il joue le présentateur cela dit. Si l’on peut toutefois regretter une image un peu jaune dès que le film s’extirpe du club, il s’avère extrêmement efficace dans les intérieurs. La mise en espace et la gestion du hors champ, notamment, ce dehors zone de danger, ce d’autant plus lorsqu’un cyclone les contraint à rester cloîtré façon Ange exterminateur. Je pense que c’est un futur classique. A part ça, je suis en train de découvrir Tatum et je trouve que c’est un excellent acteur, fascinant de variation, moi qui ne voyait avant en lui (sans le voir donc) qu’un bovin sans relief. Sinon, est-il nécessaire de parler de Matthew ? J’ai l’impression d’en parler à chaque fois que je vois un film avec lui. Ça fait un peu groupie, non ? Juste dire que même avec un rôle de « second » ici il explose à peu près toute la concurrence, qu’il soit torse nu, en string ou arborant un marcel moulant jaune.

The Knick – Saison 1 – Cinemax – 2014

10406579_10152584741477106_6676059177149786949_nAnatomie de l’enfer.

   8.0   The Knick, la nouvelle série médicale 2014, prend acte sur la chaîne Cinemax, petite soeur de Hbo, offrant dix épisodes, tous réalisés par Steven Soderbergh, suivant majoritairement John Thackery chirurgien en chef en charge du Knickerbocker.

     C’est une franche réussite, qui s’est imposée à moi progressivement. Une réussite dont on pourrait aisément s’en tenir qu’à cette première saison qu’elle serait déjà d’une grande richesse, une reconstitution méticuleuse, une narration d’une limpidité exemplaire, une élégance de mise en scène, brassant de multiples vieilles thématiques qui se croisent brillamment : Problèmes socio-économiques, racisme, savoir-faire médical archaïque, addiction à la drogue, amour impossible, filiation spirituelle.

     Tout se déroule au début du siècle dernier, dans un hôpital new-yorkais tandis que les soins sont encore au stade relativement primitif – Médecine pré antibiotiques, hygiène douteuse, zéro transfusion, absence de groupe sanguin, une époque où la cocaïne est un anesthésiant vendu librement en pharmacie – et la recherche en plein boom, alors encore sans aucun souci d’éventuelles conséquences désastreuses – Les rayons X. C’est une fresque somptueuse. Sorte de Deadwood hospitalier. Un document sans concession. Méningite d’une enfant, avortement clandestin, césariennes foirées, la série ne nous épargne rien. L’ambiance est très sombre, que l’on soit dans les rues new-yorkaises, les appartements de chacun, les couloirs de l’hôpital. Seule une pièce, plus lumineuse, mais forcément plus terrifiante sort de ce cadre c’est évidemment cette immense salle de chirurgie.

     La série multiplie les personnages en leur offrant à chacun une épaisseur, une dimension tragique. Et plus particulièrement trois médecins. Le Dr John Thackery, médecin virtuose nommé chef du service de chirurgie, qui brille sous l’emprise de cocaïne. Il y a le Dr Everett Gallinger qui le supplante en bras droit suranné, sans affect. Ils sont bientôt rejoints par le Dr Algernon Edwards, arrivé d’Europe, médecin noir et nouveau génie que l’on ne veut pas reconnaître, combattant les préjugés raciaux imposés par la profession en générale et une population locale majoritairement blanche et raciste.

     The Knick démarre dans une froideur clinique telle qu’elle déroute presque jusqu’à l’antipathie, multipliant les opérations chirurgicales – le premier épisode est vraiment trash – devant une estrade de chercheurs et appuyant chaque séquence permettant de saisir les inégalités sociales de l’époque. Là-dessus rien n’est fait pour séduire, c’est un New York débarrassé de ses attraits romanesques. Il faut bien quatre épisodes pour que ça se décante ouvertement et sorte de sa torpeur néanmoins magnifique – Deadwood m’avait cueilli de manière similaire, je me souviens. Tout s’illumine alors au détour d’une fin d’épisode 5 détachée (le vélo) et d’un épisode 7 hallucinant. Là on se dit Whaou. Thackery, autant que la série, devient peu à peu attachant et bouleversant. Clive Owen est immense, à ce titre.

     C’est alors que ça se resserre imperceptiblement, tout est plus intime, tout en continuant d’être un beau document sur l’Amérique de l’immigration noire et des inventions les plus folles. On y croise brièvement Thomas Edison présentant son phonographe. On y voit aussi l’apparition des premières radiographies. Ainsi qu’une première opération réussie de l’appendice par ablation. L’éclosion des greffes – de nez en l’occurrence – pour ainsi dire calamiteuses. C’est très beau car tous ces marqueurs d’époque se fondent dans un ensemble, et ne sont jamais clinquants ou poseurs.

     L’ultime épisode est un chef d’oeuvre à lui seul. Bouclant d’une part brillamment les storylines en cours et en centrant son écriture sur le sang, dénominateur commun de la série, inéluctablement, trouvant ici l’apothéose thématique et ironique aussi bien dans les avancées sur les groupes sanguins, le marché sanguinaire avec Wu (Personnage clairement échappé de Deadwood, jusqu’à son nom) ainsi que la dépendance maladive de Thackery qui ira jusqu’à tuer une petite fille en croyant la sauver d’une anémie, au moyen d’une transfusion ratée. Dans les dernières séquences, l’hôpital semble être sur le point de fermer ses portes. Et Thackery est pris en cure de désintoxication, où sa dépendance à la cocaïne est prise en charge par un nouveau traitement à base d’Héroïne. Putain de dernier plan. Et vivement la suite.


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