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Joker – Todd Phillips – 2019

18. Joker - Todd Phillips - 2019Defeated clown.

   4.0   Novembre 2019.

Le cinéma est si fort qu’il a parfois le pouvoir de briser les a priori. Mais parfois, ces a priori sont trop imposants ou le film pas suffisamment audacieux. Joker nourrissait chez moi plus de craintes que d’excitation, rien de grave c’est parfois ce qu’il faut pour être cueilli. Toute la mythologie DC autour de Batman et son clown antagoniste m’a toujours poliment indifféré. Quant à Joaquin Phoenix, il me pose problème, sitôt qu’il n’est pas canalisé par (au hasard) un James Gray : J’avais beaucoup souffert devant A beautiful day, et pas seulement à cause de l’atrocité formelle signée Lynne Ramsay, non je voyais aussi beaucoup trop son jeu empesé insupportable. Et cerise sur le gâteau, j’avais quand même du mal à avaler qu’on ait pu récompenser d’un lion d’or le réalisateur de Retour à la fac, Starsky & Hutch, Very bad trip (1, 2 & 3 !!!) et Date limite. Mais bon, les anomalies existent et jusqu’à très récemment : La somptueuse série Chernobyl a bien comme créateur / showrunner le réalisateur de QUATRE épisodes de Scary movie, ça ne s’invente pas. « L’Histoire » retiendra par ailleurs que les deux gros buzz 2019 ont été fait par Craig Mazin & Todd Phillips, tous deux coscénaristes de Very bad trip 3. Ils ont écrit le trois, ensemble. Le trois, cette daube. Ça ne s’invente pas non plus. 

     Au sortir de Joker – J’ai attendu quelques semaines avant de commencer à écrire quoi que ce soit, sait-on jamais qu’une NeonDemonite me reprenne – je suis resté pour le moins dubitatif. Mais il y avait au moins ce motif de satisfaction : Joker restera très probablement le film le plus intéressant de Todd Phillips. Difficile de penser qu’il est à la barre, en fait, tant la « réussite » semble surtout découler d’un travail d’équipe, au sommet duquel on placera en priorité le chef opérateur, l’acteur vedette et la compositrice, qui en font énormément, pardon, qui en font des CAISSES. La photo, (le rire de) Joaquin Phoenix et les cordes de Hildur Guonadottir dévorent tout. Cette musicienne – sorte de Zimmer violoncelliste – était bien moins emphatique dans Chernobyl. Tiens, tiens. Ce n’est hélas pas mes seuls problèmes avec Joker. Il y a aussi qu’il évoque beaucoup BEAUCOUP (trop) La valse des pantins, qui est un Scorsese que je n’aime pas tellement. J’ai aussi pensé au Network, de Lumet, mais pareil – décidemment ça veut pas – c’est un film qui m’ennuie beaucoup. C’est la lourdeur globale qui me gêne essentiellement, cette impression que chaque scène et chaque influence mal digérée pèsent quinze tonnes, en plus d’être noyées dans un ensemble affreusement programmatique.

     Alors évidemment, le film désamorce continuellement le programme, compense ses mauvais éclats par des beaux, mais il n’empêche que ça manque cruellement de prise de risques, de nuances, de mystère. Sans parler de cette désagréable sensation de le voir sans cesse crier son originalité, dire pardon gueuler qu’il révolutionne le genre, qu’il se départit de l’usine DC à faire des univers étendus – Ce que faisait Mangold de Wolverine dans Logan était bien plus intéressant et radical, il me semble, sans pour autant le marteler dans chaque plan. Todd Phillips reste in fine le bourrin qu’il était dans Very bad trip – film dont le capital sympathie reposait uniquement sur les comédiens, son rythme soutenu et son générique final. Je me souviens, tiens, de cette affreuse séquence casino, véritable raccourci scénaristique et immondice mise en scénique. J’ai repensé à cette scène dans Joker quand on nous révèle qu’Arthur ne vit pas d’idylle avec sa voisine. Qu’on nous le révèle – C’est dommage car le film instaure le doute, partout – soit. Mais qu’on nous le révèle, comme ça, dans un montage explicatif, surligné au stabylo, franchement c’est limite rédhibitoire pour moi.

     Le film a des qualités, bien sûr, à l’image du crescendo global, mariant le soulèvement de la rue avec la libération d’Arthur qui offre l’étincelle qui manquait – Le film a quelque chose de très ancré en 2019 qui saisit, sur la contestation populaire généralisée, il faut bien le reconnaître, au point qu’il s’est immiscé dans cette révolte puisque certains manifestants arborent un peu partout des masques à l’effigie du Joker – pour que la ville s’embrase. Et ses percées de violence sont si peu nombreuses qu’elles impressionnent à chaque fois, sans tomber dans une complaisance déplacée. Le meurtre du présentateur, dans son exécution, fait vraiment lien avec le personnage d’Arthur, jouant moins la carte de la sécheresse pour choquer le chaland que sur son absurdité brutale – Un peu comme avec son collègue dans son appartement ou avec les types dans le train, un peu plus tôt. Malgré tout, c’est un film qui raconte moins la contestation populaire économique du monde entier que, un peu malgré lui, l’autosuffisance du pseudo critique moderne et ses youtubeurs qui se ressemblent TOUS parlent et défendent les mêmes films, se réunissent dans une partouze déloges incontrôlées visant à faire leur propre éloge du soi-disant bon goût. Je m’égare sans doute, mais j’ai vraiment l’impression que le film, via Arthur, raconte ça, une erreur dans un système aliéné, c’est très troublant.

     Quoiqu’il en soit, le Gotham de Phillips n’a donc plus rien de celui de Burton ni de Nolan. Le Gotham de Phillips voudrait autant ressembler au New York de Taxi driver – L’influence la plus évidente, ici – qu’au Londres de V pour Vendetta ou au Bruxelles, de Jeanne Dielman – Ou plutôt à News from home, puisqu’il y a New York et la « conversation » avec maman. Relier le blockbuster à Chantal Akerman, c’est l’ambition revendiquée de Todd Phillips. Joker selon Phillips, incarné par Phoenix, n’est plus vraiment comique, encore moins sadique, c’est un pauvre type égaré dans une société malade, de plus en plus sectaire, totalitaire, une sorte de croisement entre Travis Bicke & John Rambo. Il y a une volonté de faire table rase de l’identité du Joker, qu’il ait été incarné par Jack Nicholson, Hearth Ledger ou Jared Leto. De revenir aux origines et de montrer que sa folie et sa capacité de super vilain sont motivées par les dérives d’une société qui le rejette, lui et son handicap – Un rire nerveux, affreux, mignon ou terrifiant, vient parfois couvrir ses gênes et son émotion. Toute la première partie, en somme très convenue et répétitive, vise à faire traverser des situations extrêmes – Agression dans la rue, humiliation télé, perte de son emploi, la suppression de son suivi psy – afin qu’Arthur, peu à peu, devienne le Joker. Et l’idée séduisante c’est aussi de le voir traverser des instants qui ne sont « peut-être » que dans sa tête.

     Ce qui est triste c’est de voir si peu le film sortir des rails. Par exemple, c’est très décevant de le voir choisir d’arpenter la voie de l’origin story de Batman en parallèle, tellement sans intérêt, vu et revu, mais tellement fait pour contenter le fan-service et éventuellement rattacher le tout dans un univers plus étendu. En fait, le film me gêne aussi parce qu’au fond il ne choisit pas, ni d’être radical, ni d’être populaire. On dit qu’il va à contre-courant des modes, qu’il veut faire un Joker qui n’a pas besoin de Batman pour exister, mais ce n’est pas vrai, c’est juste qu’il le fait avec un masque et qu’il le porte grossièrement. C’est un film petits bras, pas du tout subversif ni insolent, encore moins sulfureux, qui veut tellement être un anti-Marvel qu’il en oublie d’être plus qu’une miette moribonde de Taxi driver. Sauf que Scorsese voulait tout changer quand il pond Taxi driver en 1976. Ça suintait de chaque plan. Soit pas du tout ce que je vois dans le film de Todd Phillips, très sage, qui ne choisit pas vraiment, croit faire quelque chose de radical mais noie sa réalisation dans un torrent de surlignage à peine plus fou que les films de superhéros habituels issus des studios. Il n’y a jamais de malaise dans Joker, on sait quand tout va exploser, on nous martèle sans cesse, par un effet de style, une musique etc.

     On va me dire que le film ne mérite pas qu’on décortique ses défauts tandis qu’on le fait pas sur les productions Marvel. Oui, mais c’est incomparable pour moi : Infinity war, Endgame, Ant-man ou Thor Ragnarok – pour citer ceux que j’aime beaucoup – n’ont pas eu de lion d’or à Venise. Et encore moins de classification R-Rated. Je vois le film enfler et se glorifier d’être le plus grand succès R-Rated depuis Deadpool et tout le paradoxe est là : C’est un film persuadé d’être la cible des adultes mais je ne vois pourtant pas ce qu’il a de plus « adulte » qu’une production Marvel, moi. Bref c’est un film qui m’a poliment indifféré sur le moment et qui m’énerve dix fois plus depuis que j’en suis sorti. Car franchement, qualités et récompenses comprises, c’est le film le plus lourdingue vu depuis La forme de l’eau, de Guillermo del Toro. Au final, Joker restera donc pour moi une incompréhension digne des récentes douches froides que furent En liberté, de Salvadori ou Under the silver lake, de David Robert Mitchell ou The house that Jack built, de Lars Von Trier. A ceci près que la douche est un peu moins froide dans la mesure où c’était une attente uniquement motivée par le buzz. J’aime pas des masses passer à côté d’un enthousiasme général mais c’est ainsi. Franchement je ne comprends pas comment on peut trouver ça bien, alors l’ériger en chef d’œuvre absolu, bon…

Septembre 2022.

     Ça m’agace nettement moins que lors de sa sortie. Sans doute parce que ce Taxi driver du pauvre est déjà oublié, qu’il n’a pas du tout infusé la culture geek comme certains le promettaient. Malgré tout j’y ai revu tout ce qui m’avait atterré en salle : la prestation insupportable de son acteur, les violons pompeux d’Hildur Guðnadóttir, la photo racoleuse de Lawrence Sher. Et l’impression de voir un truc qui pète sans cesse plus haut que son cul. Ce film reste une incompréhension pour moi.

Date limite (Due date) – Todd Phillips – 2010

Date limite (Due date) - Todd Phillips - 2010 dans Todd Phillips Due+Date+Film

Les chèvres.    

   4.0   On prend (presque) les mêmes et on recommence. Todd Phillips semble avoir trouvé le bon filon : le road movie accéléré, à échéance, où il ne faut pas arriver en retard. Very bad trip montrait trois amis d’un type dont c’était le mariage imminent, qui lui organisaient son enterrement de vie de garçon à Vegas avant de le perdre dans une nuit mémorable mais dont ils ne se souviennent de rien.

     Dans Date limite, Robert Downey Jr. doit regagner la côte ouest pour assister à l’accouchement de sa femme, mais il est quelque peu retardé par une sorte de Pierre Richard, dont il fait malencontreusement la rencontre à l’aéroport, juste avant d’embarquer. C’est d’abord un arrachage de portière, puis un échange de sac, puis très vite une interdiction de vol. Et le voilà contraint de faire 3500 km en bagnole avec ce type à ses côtés, qui ne cesse de lui poser des questions, s’endort au volant, se masturbe la nuit sous son nez et adopte une démarche qu’Aldo Macione et le Serrault de La cage aux folles pourraient envier.

     Un film de dimanche après-midi. Rien de plus. Qui adopte un bon rythme et une bonne flopée de situations abracadabrantesques (l’accident de voiture, le café cendré) comme autant d’étapes improbables raccourcissant la possibilité d’arriver à temps à Los Angeles – Ou à Hollywood comme le répétera maintes fois son acolyte. Le film ne faiblit jamais, il est à l’image du précédent. Après, nombreuses situations sont hyper prévisibles, comme c’était déjà aussi un peu le cas dans le précédent qui gagnait cependant sur un tableau : sa fin. Hilarante. La fin de Date limite est quand même pas terrible.

     En tout cas c’était bon de voir quelques guest stars inattendues comme Jamie Foxx, en ami peut-être trop sympa que l’on soupçonne très vite être le père de cet enfant qui va venir, ou encore Juliette Lewis en mère dealeuse déjantée, comme un rôle synthèse de sa carrière. La musique aussi est top : de Neil Young à Pink Floyd, en passant par Fleet Foxes. Ouai, c’est cool. Mais c’est tout.


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