5.5 Toujours un peu de mal avec ces films qui racontent une révolution (Ici le premier changement de sexe, dans les années 30) mais qui dans leur mise en scène restent coincés dans l’ancien, l’académique, où la forme dénote donc avec le fond. En somme, on est très proche de l’autre film oscarisé de Hooper, Le discours d’un roi, qui là aussi n’avait de neuf que son récit. Mais paradoxalement, c’est probablement cette élégance un peu aristocrate, très anglaise, qui permet au film d’atteindre des moments d’émotion troublants, au moins dans la relation de couple. Rarement vu à ce point un personnage féminin aussi beau, compréhensif, bienveillant, dont tous les actes s’exécutent dans le respect de la liberté de son homme. C’est finalement de cette femme que le film réussit une délicate mise à nu, au propre comme au figuré d’ailleurs puisqu’on la voit souvent à poil. Et comme c’est Alicia Vikander, tout va bien. L’autre curiosité qu’offre le film c’est cet acteur qui incarne Einar Wegener, future Lili Elbe, avec son androgynie si singulière, qui rappelle un peu Freddie Highmore, celui qui incarne Norman Bates dans la série Bates Motel. Si le personnage fascine déjà en lui-même, par son abnégation et sa volonté de se séparer de son sexe comme d’une maladie de naissance (Rappelons que l’opération qu’il va choisir n’a encore jamais été testé) c’est surtout cet acteur qui parvient à offrir ce trouble, à faire croire qu’il pourrait être une femme, à nous faire nous demander si c’est un homme déguisé en femme ou une femme déguisée en homme, suivant qu’il soit ou non maquillé. Et tout cela sans le côté performance qui peut parfois irriguer ce type de biopic. Bref, j’ai vraiment pensé me faire chier comme un rat mort (le tout début est très emprunté) mais ça m’a plu petit à petit, le film trouve son unité, une certaine sobriété aussi, même si dans sa dernière partie il réemprunte les contours du mélo académique avec musique bien ronflante à l’appui.
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Le discours d’un roi (The king’s speech) – Tom Hooper – 2011
Publié 12 mars 2011 dans Oscar du meilleur film et Tom Hooper 0 Commentaires5.0 Le titre ne ment pas sur la marchandise, c’est bien d’un discours qu’il est question, de la parole d’un monarque, juste de cela, d’un combat contre une voix. Ce n’est pas une reconstitution historique et bien qu’il y ait un soin apporté aux évènements (la mort d’un roi, l’échec d’un autre, la prise de pouvoir d’Hitler, la déclaration de guerre) les lieux sont très peu filmés, les personnages sont très théâtraux (la moue sympathique de Churchill, la marginalité de l’orthophoniste de génie fou de Shakespeare, la nonchalance d’Elizabeth…) on est propulsé, et on le sait assez vite, dans une machine à décrocher des oscars : Classicisme de la mise en scène, de la progression du récit, interprétation proche de la performance, musique d’accompagnement en permanence et un zeste de fantaisie bon enfant avec ces séances de diction singulière, entre insultes compulsives, gesticulations rigolotes et un retour difficile sur les traumatismes et souffrances d’une enfance que l’on cherche à oublier. Tout le gratin du film oscarisable oscarisé est là, ce pourrait être joliment atroce, et pourtant.
La première partie du film, qui voit le futur roi affronter ce bégaiement (devant le stade de Wembley, face à son frère, en racontant une histoire à ses enfants, aux côtés des différents médecins) vécu comme un cauchemar, qui l’empêche de croire en son statut majestueux, alors qu’il cherche à tout prix une personne qui l’aidera à s’en sortir, n’a pas grand intérêt, enfin disons que c’est lourd de mièvrerie, c’est hyper musical et on s’en fiche pas mal d’ailleurs. C’est ensuite que le film prend un nouveau départ, dans cette rencontre avec cet orthophoniste aux méthodes particulières, n’hésitant pas à emmener son client vers des retranchements inconnus. Petit à petit le roi surmonte ce problème, mais au prix d’une bataille féroce qui l’oblige à libérer son esprit de souvenirs malencontreux lié à l’enfance, alors qu’il a d’abord refusé de parler de vie privée avec cet homme, qu’il juge en dessous de lui. Le portrait qu’en fait Hooper est plutôt intéressant parce qu’il est dans l’Histoire censé être l’un des rois les plus aimés d’Angleterre, mais pendant une bonne partie du film je l’ai trouvé carrément insupportable. C’est dans le processus de guérison que l’on commence à avoir de l’empathie pour cet homme, en guerre contre sa diction. Ce n’est que ça. Il n’est pas vraiment sympathique mais il est touchant. Et puis je trouve qu’Hooper ne s’est pas trop attardé sur le possible traumatisme de l’enfance, c’est évoqué mais jamais surligné, reste à l’imaginer.
Le film restera ce qu’il est, rien de plus qu’un joli biopic tire-larmes classique, mais il met rarement les deux pieds dans le plat, il reste bizarrement sobre (certains diront chiant), il progresse timidement, sans que l’on perçoive l’évolution réelle de cette voix. Avoir choisi de laisser la durée du discours final dans son intégralité, même s’il est accompagné par Beethoven, et surtout qu’il s’amuse à rencontrer les visages de (pour ainsi dire) toute l’Angleterre, suspendue à sa radio, avec cette peur de basculer dans le ridicule à cause de ce roi bègue qui prononce un discours d’une importance phénoménale puisqu’il évoque l’entrée du pays en guerre contre l’Allemagne, est un parti pris très osé, surtout jusqu’à ce ouf final symbolisant la réussite du roi, lessivé mais comblé, et ces applaudissements qui supplantent cette tristesse solennelle, et achèvent de faire de ce film et de cet homme le tableau ironique (car minuscule) de l’Histoire en marche, justement parce qu’il ne parle pas vraiment de l’Histoire, mais d’un combat intérieur, du courage d’un homme, de la naissance d’une amitié. J’étais à la fois très gêné et très impressionné. Et en définitive j’ai trouvé ça plutôt émouvant.