7.0 Comment passer après une merveille pareille ? La saison une de True detective fut un tel raz de marée public et critique, tout le monde ou presque la gratifiant de louanges, remarquant qu’elle fera inévitablement date dans l’univers sériel, qu’on ne pouvait que craindre une suite, d’autant qu’anthologie oblige, ce n’en était pas vraiment une. On change le lieu, on change les personnages, les acteurs. Table rase absolue. Il fallait l’admettre et cela prend du temps.
J’étais le premier à me plaindre. Tout simplement parce que ce temps de réadaptation est aussi celui que cette saison choisit pour balancer un récit confus, pas super stimulant et à priori pas forcément original. De menus soubresauts ci et là parviennent à nous tenir en haleine mais ça ne prend pas vraiment : On se fiche de chacun des personnages, on se fiche de l’intrigue et on se perd dans le soleil aride californien. Rust & Marty nous manquent, le mystère du Yellow king et la moiteur de la Louisiane aussi. Bref, c’est pas gagné. Le deuil se poursuit.
Pourtant, un truc se passe. On oublie nos premières amours et on accepte de faire une nouvelle rencontre. Nic Pizzolato fait de même : nombreux indices montrent qu’il doit lui aussi se défaire d’une telle emprise, d’un bébé qu’on a d’emblée érigé en perfection, afin de raconter autre chose, autrement. C’est d’abord son Los Angeles qui fascine. Ses immenses routes qui se croisent, son industrialisation cauchemardesque, ses bars vides, les chansons de Lera Lynn et cette ambiance sordide, sans cohésion, aussi bien chez les flics que chez les truands.
Il y a quelque chose de poisseux qui s’avère bientôt hypnotique, provenant autant du climat que de ce qui caractérise chaque personnage, qui transporte ses propres cadavres. On doute toujours mais on y est entré. Il faut Colin Farell, Rachel McAdams, Taylor Kitch et Vince Vaughn. Trois flics au rebus, aussi bien d’un point de vue intime que professionnel et un bad guy, bientôt trahi. Quatre beaux personnages s’enfonçant dans le néant, qui pourraient prendre la tangente mais préfèrent faire le ménage.
J’ai lu des trucs peu reluisants à l’égard de cette deuxième saison, des choses complètement disproportionnées : Naufrage, ridicule, incohérent, vide. Je ne comprends pas trop. Si ce sont les mots de ceux qui ne sont pas allé jusqu’au bout des huit épisodes, j’imagine qu’ils sont le résultat de leur ennui et de leur frustration. Quelque part, je partage cela tant je trouve le début raté. Peu aimable. Mais si l’on s’accroche un peu, il me semble que son pouvoir de fascination, son magnétisme et son intensité dramatique finissent par l’emporter. Et puis parvenir à boucler cette storyline avec autant d’élégance, franchement chapeau. Et puis la mise en scène est top, quoi.
Bref, les trois derniers épisodes effacent les déceptions offertes par les cinq premiers. En une scène, parfois seulement un dialogue ou ailleurs une fusillade. Ça a finalement vraiment de la gueule. Et même si on regrette un démarrage laborieux ou tout du moins peu accrocheur, on se souvient finalement, au sortir d’un épisode final (d’1h26) terrassant, que la série a simplement choisi de faire autrement, d’adopter une construction autre, des ellipses différentes, une respiration nouvelle. Si bien qu’elle a réussi le plus dur : Nous faire oublier qu’elle passait après la saison une.