Ses (meilleurs) copains.
6.5 Etrange sensation que celle de trouver une série passionnante sitôt qu’elle évolue dans une construction en perpétuel recommencement sinon en circuit fermé, mais plus déceptive dès l’instant qu’elle brise cette structure. J’imagine qu’on peut renverser l’argument et apprécier le vent de liberté qu’elle s’offre dès qu’elle sort du cadre très programmatique de départ. Sur le papier, oui. Mais dans les faits ça ne fonctionne pas très bien, il me semble. En gros, dès que Subutex vire clochard parce que plus personne ne peut l’accueillir, je décroche. Sans doute parce que c’est le moment où tout le monde le recherche et que j’ai du mal à y croire. Je regrette l’attachant loser condamné à errer d’un hôte éphémère à l’autre. Qu’importe, tout le début qui narre de façon certes très cousue mais non moins jubilatoire ses retrouvailles variées avec d’anciennes connaissances de sa vie de disquaire branché a ceci de très figé que chaque épisode se ferme sur sa fuite et/ou sa mise à la porte, bref une tabula rasa permanente, dans l’attente de la prochaine retrouvaille, comme si chaque épisode pouvait exister indépendamment. C’est programmé pour se casser, pourtant on y croit à tous les coups, avec Alex, puis Xavier, Emilie, Sylvie ou Gaëlle. Sans doute parce qu’il y a aussi deux rencontres qui apportent une douce respiration à ces retours de fantômes un peu mouvementés. Deux rencontres qui elles-aussi s’évaporent aussi vite qu’elles sont apparues.
Aucune idée de comment ça se déroule dans les bouquins de Virginie Despentes (j’avoue avoir très envie de les lire, maintenant) mais la super idée de la série c’est qu’elle ne s’intéresse pas qu’à Romain Duris. Car Subutex vie aussi, d’abord de façon très lointaine puis bientôt très directe, à travers une autre histoire parallèle, parce qu’il est bientôt doté de cassettes importantes contenant un éventuel (Dans un running gag génial de quête de caméra DV il ne parvient pas vraiment à les regarder donc à fortiori nous non plus) testament qui pose apparemment problème à un producteur de cinéma cocaïno-despotique qui n’hésite pas à engager la cavalerie pour réparer ses erreurs ou faire disparaitre les menaces qui pèsent sur lui. Cette cavalerie c’est La Hyène, géniale Céline Salette qui prend bientôt sous son aile la jeune recrue Anaïs, délicieuse Fishbach, révélation pour moi. Ce duo devient le cœur de la série, celui qui se construit de façon brinquebalante mais se construit et compense les éternelles portes dans la tronche encaissées par Subutex. Malgré une légère retombée sur ses deux derniers épisodes, plus éclatés, moins bien agencés, la série conserve une tenue, un rythme exemplaire et des supers morceaux musicaux tout du long. Quant aux interprétations, qu’elles soient ou non cabotines (Laurent Lucas, Florence Thomassin en tête) elles sont excellentes. Même sur un registre court on s’en souvient : Olga la clocharde, Kiki le trader. Et puis donc, le plus important à mes yeux, derrière cette quête de « copains d’avant » il y a une histoire d’amour un peu insolite (et une déclaration magnifique) et qui à elle seule mériterait qu’on retrouve la série pour une seconde saison.
Publié 10 mai 2012
dans Virginie Despentes

3.0 Le premier constat va dans le bon sens : le cinéma de Virginie Despentes semble s’être assagi, je ne sais guère ce qu’il en est de ses écrits. Je ne dis pas que Bye bye Blondie est meilleur que Baise-moi ! (sorti il y a dix ans déjà) mais qu’il adopte une énergie plus canalisée, calée sur Virginie Despentes elle-même, la quarantaine, la colère estompée. J’aime l’idée que la cinéaste/écrivain n’ait à la fois pas surfée sur le scandale de son premier film, au point d’en faire un cinéma coincé dans le concept du new porn féministe ultra violent, ni sur la vague du roman en tant que simple réécriture transposée. Paraît-il que ce livre, sorti en 2004 ne ressemble finalement en rien à ce film qui est sensé l’adapter. L’explication à tout ça est simple, Virginie Despentes le dit elle-même : « J’ai changé ». L’histoire n’est plus centrée hétéro comme dans le bouquin pour la simple et bonne raison que Virginie Despentes a elle-même changé d’orientation sexuelle depuis. C’est très intéressant de recevoir ce cinéma comme reflet d’une personne, son histoire, ses attirances, davantage qu’en simple film calqué sur un matériau, qui n’aurait dans ce cas plus la saveur du présent, se retrouverait coincé dans l’adaptation d’un temps qui n’est plus le sien. Baise-moi ! est beaucoup trop loin dans ma tête pour effectuer une éventuelle comparaison, j’ai simplement le souvenir d’un film dans la profusion, affranchit de tout, un film assez mauvais cinématographiquement mais avec une personnalité, une énergie foutraque qui avait pour lui son paroxysme. Bye bye Blondie m’intéresse moins dans la mesure où si je vois un auteur changé je ne le vois pas retrouvé, au sens d’une personnalité nouvelle, différente mais tout aussi forte. Bye bye Blondie est loin d’être l’ovni que Virginie Despentes voudrait qu’il soit, c’est un film qui finalement ressemble à des tas d’autres, limite gentillet (pour ne pas dire puritain) en fin de compte. La faute à une mise en scène d’une platitude désarmante qui ne sait ni filmer le groupe, le monde et encore moins la relation, pas même lesbienne. Preuve irréfutable : les meilleures scènes sont celles entre Gloria et Frances adolescentes, spectres du film précédent, en somme. Cette colère, cette nonchalance là je la trouve assez bien rendue. Dès que Virginie Despentes veut filmer Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle ça se gâte, je n’y crois pas une seconde, à croire que d’une part elle devrait ne mettre en scène que des filles moins connues et surtout s’affranchir de cette nostalgie un peu lourde. Alors d’accord, le film est volontairement un tournant par rapport au précédent, mais quel raison à faire un film pauvre ? Le punk a disparu ou s’il est là il est bien fade, musicalement peut-être et encore ; la violence déstabilisante a disparu aussi, les seules pointes sont désamorcées par l’ambiance générale, presque bon enfant ; et plus de sexe, ou si peu, si mal représenté, disparition du nu. Paradoxalement à cette volonté de se libérer des étiquettes, l’idée que Virginie Despentes centre son film sur le sexe sans même nous accorder une scène de nu, relève finalement presque à nouveau d’un simple concept.